Lost in translation in Shimosato

keylia

Entre tradition et culture, le Japon nous happe dans un monde transcendant.

Le train ralentit et s'arrêta à la gare de Shimosato. Une petite gare campagnarde, bien loin du brouhaha ambiant de Tokyo, bien loin de la gare touristique de Miyajimaguchi, bien loin de tous mes repères. Le dernier passager, endormi, s'affaissa à l'ouverture des portes du train, puis se redressa comme si de rien n'était. 

Je descendis du train en tendant mon ticket au contrôleur. Il était 19h42. Le train, pile à l'heure, continua son chemin vers Shingu. Je le regardais pendant quelques instants, puis me dirigeai vers le passage au-dessus des voies. Là, une jeune femme attendait. En me voyant descendre les marches des escaliers, elle se précipita vers moi et me dit :

"Are you Morgane?"

J'acquiesçais et soupirais de soulagement en l'entendant parler un anglais parfait. 

"My car is just there. Come !"

Une de ses amies l'accompagnait. Elles semblaient toutes les deux tellement excitées de rencontrer une Française. Durant le trajet, elles me posèrent des questions très polies sur mon voyage et ce que je comptais faire les jours à venir. Elles se proposèrent même de sortir le lendemain soir.

Après un rapide tour de leur maison, je me rendis dans la chambre que j'allais occuper pendant quelques jours. Cette chambre était un délice. Je posais mes pieds nus sur les tatamis et profitais de cette sensation de souplesse à chaque pas. Je me dirigeais vers le tokonoma au bout de la pièce et observais le katana exposé. Quelques shoji faisaient office de rangements.

A part le katana et le futon traditionnel replié, la pièce était vide. Je m'approchais du futon et aperçu un petit paquet. Il contenait un nenju bracelet fait de perles minérales sur lequel était inscrit des kanjis que j'étais incapable de déchiffrer.

Je mis le bracelet et fermais les yeux pour méditer. Un vent violant s'engouffra par la fenêtre et me glaça pendant quelques secondes. Mais, la fenêtre n'était pas ouverte à mon entrée. Je sursautais quand je sentis quelque chose me frôler et ouvris les yeux sur l'instant. Une femme agée, habillée avec un Yukata bleu ciel parsmé de fleurs roses et jaunes, se dirigea dans un coin de la pièce où se trouvait une table basse. Sur cette table était posé un magnifique vase en porcelaine, noir et doré, et, à côté se trouvait un ensemble de fleurs qui semblent fraîchement cueillie du jardin. Pourquoi cette femme pratique-t-elle l'ikebana dans ma chambre? Pourquoi cette fenêtre est-elle ouverte ? Pourquoi fait-il grand jour, alors qu'il y a quelques minutes encore la luminosité baissée peu à peu ?

Je trébuchais en arrière en essayant de m'enfuir. En me retournant, je vis une jeune fille, vêtue d'un Furisode et portant des zori. Elle regarda son aînée et la salua en baissant son buste avec grâce. 

"Chère fille de ma fille, tu es la plus rayonnante des jeunes filles en ce jour. Mon éternelle Sakura. Fais que ta famille soit fière de toi, comme nous sommes fiers de nos ancêtres."

"Tous les jours, j'honorerais ma famille et mes ancêtres, et je m'appliquerais à faire prospérer son nom pour les générations à venir."

Comment est-ce possible? A un moment, j'ai cru que ces femmes parlaient ma langue natale. Je fermai les yeux à nouveau et essayai de reprendre mes esprits. Ce ne pouvait être que la fatigue du voyage ... ou une insolation ... J'entrouvris les yeux. La jeune fille s'agenouilla non loin de moi et regarda attentivement son aînée. Un instant, un insecte sembla la déranger et elle tenta de la faire fuir d'une tape de la main. C'est alors que je vis, à son poignet, un nenju bracelet qui ressemblait étrangement à celui que je portais. La seconde suivant cette découverte, je retirais le bracelet d'un coup sec.

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Les premiers rayons de soleil me réveillèrent. Je tirais la couette sur mon visage afin de gagner encore quelques minutes d'obscurité et de repos. 

Après quelques minutes de lute, je décidais de me lever et de préparais mes  affaires pour une belle journée de randonnée. Mes hôtes m'emmenèrent non loin du Daimonzaka. Ce petit sentier dans les collines menait au temple Kumano Nachi-taisha. Les forêts de Kumano sont empreintes de sérénité et de spiritualité, héritage de plus de mille ans de pélerinage. Après une petite heure de marche, je me retrouvais avec un paysage magnifique : des collines de forêts avec un nuancier de vert envoûtant, une pagode à trois étages et la majestueuse cascade de Nachi. 

Je m'assis sur les marches d'un escalier, profitant de cette vue incroyable et regardant quelques personnes s'émerveillaient devant cette nature divine.

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Le soir, je rejoignis mes hôtes à Kiikatsuura comme convenu. 

"Do you want to go to an onsen?"

Un onsen? Pour la première fois de ma vie, je décidais de laisser ma pudeur de côté. Nous nous rendirent au Nakanoshima Ryokan. Munie d'une simple serviette, je me lavais minutieusement et rejoins mes hôtes dans une terrasse d'eau bouillonnante, donnant sur la mer.

Au fond du bassin semblait flotter un nenju bracelet.


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