Lou

caza

On ne se remet pas toujours de son enfance, mais on peut s'en servir parfois pour avancer

Dans un mois, Lou aura 14 ans, elle ignore encore qu'elle bazardera sa virginité dans moins de 3 mois pour ne pas avoir à la perdre contrainte et forcée, mais c'est une autre histoire…

Elle n'est pas jolie, elle le sait maintenant, elle l'a intégré, à grand coups de couteaux dans le dos, plantés par tous ceux de sa classe qui, depuis 4 ans, ne la courtisent que pour mieux pouvoir exploiter, via son côté cœur d'artichaut, ses bonnes notes en français, latin et anglais ; elle a mis du temps, mais elle a fini par comprendre ce que cachent les mots et en particulier, les fameux « je te trouve jolie » ou « veux-tu être mon amie ».

Elle feint encore de ne pas être blessée lorsqu'on parle d'elle, tout bas, en la traitant d'intellectuelle, parce qu'à ces faux rapports d'amitié elle préfère la compagnie des livres qui ne la jugent pas, ne la trahissent pas.

Malgré tout, elle a doucement commencé à modifier ses lectures, pour se mettre à leur portée, elle le regrettera dans quelques années et se lancera alors à corps perdu dans la lecture frénétique des grands écrivains, pour compenser un complexe qu'elle se sera elle-même créé.

Pourtant, elle se trompe, sur toute la ligne.

Elle n'est pas jolie, il est vrai que personne ne se retourne sur elle, mais elle a beaucoup de charme même si elle n'en n'a pas conscience et son intelligence, sans être hors norme, couplée à une saine curiosité, font que sa compagnie est recherchée et ses avis respectés.

Dans sa fratrie, elle est celle du milieu, coincée entre une sœur plus grande, qui boude lorsque le ton monte, et son petit frère, qui vomit quand sa mère fait les gros yeux, alors elle encaisse stoïquement toutes les brimades pour les trois, car, avec son tempérament toujours égal, elle donne l'impression que rien ne l'atteint.

Elle se rêve pédiatre, mais une scolarité chaotique, sans pour autant être médiocre, ne lui laissera aucune chance d'y parvenir, l'Education Nationale en décidera pour elle, à la manière de Brazil.

 

Mon portable sonne et me tire de mes rêveries, je laisse tomber la photo que je tiens à la main et qui vient de faire remonter tout ces souvenirs à la surface, je n'ai pas envie de répondre et laisse le répondeur prendre le relais, après tout, il est là pour ça non ?

De longues années se sont écoulées depuis cette photo, je suis en passe de repartir de zéro, j'ai fait table rase du passé et je prépare mes cartons, une autre vie m'attend, un nouveau départ.

A bien y réfléchir, la gamine que je vois sur la photo que je viens de ramasser est toujours là, il suffirait de se reconnecter à elle, de voir le monde par ses yeux, cela ne devrait pas être si compliqué.

Elle a su se construire et affronter toutes les situations alors qu'elle n'était pas armée pour cela, si je lui prête mon expérience, elle devrait être à même de m'aider à franchir les prochaines étapes.

C'était quoi déjà son leitmotiv ? Quelque chose du genre, l'avenir est ce que tu en feras, alors fonce….

C'est décidé, je laisse toutes mes affaires, ce n'est que du matériel, je ne prends que des livres et cette photo.

Je passe la porte de la maison, glisse les clefs dans la boîte aux lettres, je pose le carton de livres sur la banquette arrière de la voiture et la photo sur le tableau de bord, sous mon portable.

Demain, quand l'agent immobilier entrera dans la maison, il trouvera le mot que je lui ai laissé, bien en évidence sur la table de la salle à manger : « je suis partie, merci de voir la suite avec le notaire chargé de la succession », je serai déjà loin…….

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