Lucchini, c’est qui ?

Hervé Lénervé

Lucchini, vous connaissez ? Evidemment, vous connaissez, qui ne connait pas Lucchini ? Un inuit, peut-être, sans télé dans son igloo congelé de chez Picard et encore, même pas sûr.

Alors, moi, là, j'ai un problème d'ambivalence avec Lucchini. Tout comme avec son écrivain favori, Céline.  Je l'aime et je le déteste.

Prenez Lucchini sur un plateau télé, pas pour le manger, pour l'écouter. Il est un invité, parmi d'autres, mais il prend tous les draps. Pas qu'il soit volumineux en soi, mais volubile à l'extrême. Lucchini, on ne le voit pas, on l'entend.

Il commence doucement, mais ne vous laissez pas tromper, il se chauffe. Ses syllabes sont détachées, décortiquées, autopsiées, Lucchini ne parle pas il se délecte des mots, il les tourne et les retourne dans sa bouche pour en déguster la saveur. Lucchini ne parle pas, il mange.

Puis, il s'emballe comme un moteur qui prend ses tours, il s'énerve tout seul, car personne ne peut en placer une, pour le contrarier. D'ailleurs, il a une stratégie de gestes, quand il pressent, du coin de l'œil, que son voisin est sur le point d'intervenir, il pose une main familière sur son avant-bras en scellant une alliance de fraternité et cela lui laisse un répit pour finir sa phrase qui n'en finit jamais, sans cesse relancée par une autre idée et sautant d'idées en idées, il en oublie les points finaux, comme moi pour cette phrase.

Lucchini c'est le monologue du dialogue.

Par instant, on sent qu'il essaie de cacher son égo surdimensionné, cela se voit par un petit éclat dans son œil. Il tente la fausse-modestie et comme, c'est un très bon comédien, il arrive à nous berner.

Par d'autres  instants, dans un éclair de lucidité, il se fait plus discret. Il ressemble à l'écolier puni au coin, auquel on a dit de se taire. Il fait des efforts, il prend sur lui, pour écouter la voix des autres. Je ne suis pas certain qu'il les entende réellement, il continue, peut-être, son chemin dans sa tête. Mais il se contient, c'est un exercice qu'il s'impose, qu'il s'inflige, car il sait qu'à la longue, tout excellent orateur, soit-on, on finit toujours par lasser.

Bon, tout cela pour dire que, moi, j'ai un problème d'ambivalence avec Lucchini, alors, je prends un cachet anti-ambivalence et je l'adore.

Car comme dit le sage, on aime les gens pour leurs qualités, mais on les admire pour leurs défauts ou à défaut, on les exècre.

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