LUCILLE

hectorvugo

Nous avions bu un verre ensemble il y a trois jours.

J'avais senti chez elle une fragilité dans le regard. Ce détail m'avait touché, bien plus que ses atouts.

Fallait-il l'avouer devant mes amis ? Non, ce n'était ni l'endroit, ni le moment.  A la question comment tu la trouves Lucille, je répondis par un sourire d'étudiant timide.

Oui cette femme m'avait plu.

Devant ce groupe de mâles éméchés, je n'opposais aucune résistance.

Il aurait fallu le faire, taper du poing sur la table, leur dire que l'on ne parle d'une femme comme ça.

A les entendre, Lucille s'offrait à qui la voulait. C'était un objet de désir, un trophée que l'on exhibe dans les soirées à la mode.

Hervé se risqua : en résumé, c'est une pute !!

Quel vocabulaire ! Quel sens de la synthèse et du raccourci !

 J'avais envie de lui dire : « Donc pour toi une femme qui te sourit, qui a un physique agréable, qui profite de la vie et de ses plaisirs est une pute. Et un homme qui fait la même chose c'est un gigolo ? »

Au lieu de quoi je restai muet. Je connaissais ses arguments par cœur. Pas la peine de polémiquer.  On avait déjà échangé sur le sujet. Pour lui un homme de la sorte n'était pas un gigolo. C'était  un tombeur, un étalon.

Comprenne qui pourra.

Je souris une seconde fois. Un sourire moins naïf, plus condescendant.

Hervé était plus qu'alcoolisé, pas apte au débat.

Les autres amis aussi. Ils  étaient soûls et heureux.

Ils riaient à pleines dents et se moquaient doublement de moi, de cette approche avec les femmes trop civilisée à leur goût mais aussi de ce verre de jus d'ananas.

Je passai vraiment pour un imbécile à leurs yeux. Un imbécile utile. Un chauffeur avec son SUV 7 places. Un saint-bernard dont l'ultime mission était de les raccompagner à leur domicile.

-          Hervé  ouvrit la bouche de nouveau : « et tu la revoies quand ? »

-          Je coupai court à la conversation : « je n'en sais rien »

-          Marc moins diplomate que je ne le croyais  me balança : « Pourquoi t'hésites ? T'es impuissant ou quoi ? Je comprends mieux pourquoi t'es toujours célibataire.

-          Au moins lui, il n'est pas emmerdé par sa femme quand il rentre tard à la maison souligna Hervé

-          C'est vrai t'as raison surenchérit Nicolas

-          N'empêche là, t'as une occas' du tonnerre mon gars tambourina Marc

-          Sois gentil, tu es lourd. Lâche-le un peu. Finis plutôt ton verre s'énerva Hervé

-          Il est pressé de rentrer chez lui, sinon il va se faire engueuler par bobonne ricana Nicolas

Cette conversation fut le chant du cygne.

Ils dormaient tous dans la voiture. Je dus les réveiller un à un pour les déposer chez eux. Même Hervé qui eut un mal de chien à retrouver ses clés  avant de quitter mon SUV.

Je les aimais tous bien, malgré leur défauts. C'était des potes de longues dates. Une amitié à la Stallone plus qu'à la Sautet.  Ils n'avaient pas le profil pour rencontrer des Romy Schneider. Ils collectionnaient les passades et les coups de canifs sur leur costume de mariage.

Moi j'étais encore nu, sans pantalon, sans blazer avec fleur à la boutonnière, sans illusion pour la suite parce que je n'avais jamais eu le courage d'aller au bout de mes histoires, de prendre le moindre risque.

Ma vie ressemblait à un jus d'ananas. J'en connaissais par cœur le gout

 

J'avais acheté ce SUV en leasing pour rassurer mes proches, leur faire croire que j'avais l'intention de fonder une famille tôt au tard.

J'avais poussé le vice à parfumer mon véhicule. J'avais commencé par du Chanel numéro 5. A chaque fois qu'un quidam posait ses fesses sur le siège du passager, il se disait qu'il succédait à une femme. Il me regardait et m'imaginait une vie heureuse.

Ainsi, mes parents, mon frère, mes amis pensaient : ça y est, c'est pour bientôt, il va se caser.

J'attendais les premières questions. Je les esquivais d'un œil coquin. Et quand, ces dernières devenaient trop intrusives, je changeais de parfum.

Une autre odeur signifiait une rupture avec celle que l'on n'avait pas encore vue et que l'on ne verrait jamais plus.

Aussi j'échappais à la question : quand est-ce que tu nous la présentes ?

Dans la boutique Sephora, j'étais connu pour être un bon client, quoiqu'un peu versatile dans ses choix olfactifs pour femmes.

Tous les deux mois environs j'abandonnais un parfum pour un autre. Quelques vendeuses en étaient un peu tristes, beaucoup s'en amusaient,  certaines voyaient dans ma consommation effrénée un mode de vie étrange. Je faisais jaser.

J'entendais des hôtesses parler sur mon compte avec ce côté pipelettes très au fait de la vie des autres : « mais si je t'assure, ce type est un homme à femmes », «  mais non cocotte, il n'en a pas l'allure »

Elles avaient raison l'une et l'autre. Je collectionnais la plupart du temps des maitresses virtuelles que les gens m'inventaient, alors que je n'avais pas l'aspect d'un tombeur.

Au contraire, un œil avisé aurait découvert la supercherie.  Comment voir dans un homme, aussi lisse en apparence, un individu couvert de femmes ? Impossible.

Ça ne collait pas. Seulement j'avais trompé mon monde avec l'odeur.

L'odeur… Elle était particulière ce soir-là. Un mélange d'alcool, de sueur et de Lancôme. Une odeur unisexe. L'habitacle s'était vidé de mes potes alcooliques. Un silence assourdissant leur succédait. Il me faisait du bien. Pourtant je détestais le silence. Je le remplissais avec ma playlist jazz. Ambiance cool, Miles Davis : So what, Horace Silver : Blues for my father, et une pincée de Yellowjackets.

Ce cocktail baissait la pression des embouteillages. Il me permettait de fermer les yeux et d'aller ailleurs. Partir.

Passé minuit, le trafic devenait fluide. Paris était agréable, une sorte de village urbain ou les âmes en peine et les amoureux cohabitent.

Ces images me réconciliaient avec le genre humain.

 

J'arrivai à proximité de chez moi. Il ne me restait plus qu'à tourner sur ma gauche et  garer mon véhicule en marche arrière. Dernières mesures de So What. Arrêt au feu rouge. Une femme quitta le trottoir, une ombre aux cheveux longs. Elle traversa le passage clouté à moitié pour s'arrêter devant mon SUV. Face à face avec mes phares comme une chatte qui s'apprête à se glisser sous  mon pare-chocs.

On s'observa un long moment. On se reconnut presque soulager.  C'était  Lucille à deux pas de mon domicile. Le hasard complet.

Elle venait de quitter des amis dans un appart' non loin de là. Une soirée sans grand intérêt me confia t'elle tout en me proposant de boire un verre dans le troquet ou j'achetais « l'équipe » de temps en temps.

J'aimais son côté « copain », cette absence voulue ou non de me séduire. Elle instaurait entre nous, une relation cool déconnectée du sexe. Je n'avais pas peur de Lucille. C'était nouveau pour moi. D'habitude avec les femmes je restais stoïque et froid, incapable de sortir la moindre réflexion intéressante.

Là, j'étais inspiré, déchargé du poids de la pression. Charmant malgré moi.

J'avais l'aspect d'un clochard friqué avec mon bonnet noir enfoncé jusqu'aux cils et ce jean troué qu'une marque made in US vendait à un tarif dingue.

Une paire de lunette sur le nez embuée donnait à mon regard un je ne sais quoi de paumé.

Il est vrai que je marchais de travers et suivais les mollets de Lucille comme l'alpha et oméga du GPS.

Et dire que j'étais un habitué de cet endroit, un client toile d'araignée auquel le patron de l'établissement attribuait la même table, celle contre la vitre. J'aimais mater la rue, jouer le matou curieux qui ne rate rien.

Quand j'eus décliné ma place attitrée, pour une autre plus en retrait, le patron me lança un clin d'œil complice et me dit :  «  Monsieur Charles on va vous installer dans le boudoir »

Jusqu'ici, j'ignorais son existence. Et tout en épousant les pas de cet homme rondouillard, je découvrais l'arrière-boutique du café, une sorte de club aux murs verts et fauteuils délicieusement agencés.

Ça sentait l'Angleterre du 19 éme siècle, toutefois mise à jour par des portraits de femmes qui ornaient les alentours d'un bar aquarium ou un pingouin quinquagénaire préparait quelques cocktail.

Insolite, étrange.

Lucille connaissait aussi l'endroit pour y bu quelques verres le soir.  Moi, je ne le fréquentais que le jour. J'y faisais un PMU ou un loto, mais rien de très jet set.

On croit cerner les gens comme les lieux. On se trompe souvent sur leur compte. Ils ont tous une part de mystère.

Ce café-là avait la sienne.

 

 

 

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Je ne suis pas de cette génération. Je n'ai pas connu la libération sexuelle, le divorce par consentement mutuel, la loi Weil, les âpres luttes pour être libre.

Je n'ai jamais attendu l'aval d'un homme pour agir à ma guise. J'ai agi tout court sans autorisation.

Et ce depuis mes 20 ans.

Dès cet âge, j'avais un physique de femme, des courbes, un visage, une allure. Qu'importaient si ma conversation était sans intérêt, si mes silences l'emportaient sur mon discours, les hommes que je fréquentais s'en moquaient.

Ce qui les intéressait au plus haut point c'était l'amour, le contact physique, les mots crus parfois, les montagnes russes du désir, et après, la satisfaction de me voir partir sans interférer dans leur vie.

En échange, j'acquérais un carnet d'adresses, des amitiés utiles pour gravir les échelons de la reconnaissance sociale.

A femme facile, vie facile. C'était ma devise, ma façon de vivre. Et tant pis pour le reste. Fonder une famille, avoir des enfants ce serait pour plus tard. Quand mes hormones me le demanderaient.

Pour le moment, je collectionnais les amants avec le souci de les choisir doublement attrayant économiquement et  civilement. Entre d'autres termes : bien sous tout rapport.

Nous avions un contrat entre nous, un contrat tacite. Je leur donnais de la douceur. Ils me le rendaient par des services ou des biens. En résumé je faisais du troc haut de gamme.

Je ne voulais pas d'argent. Je n'étais pas  « une pute ».

Même si dans le regard de beaucoup d'hommes, on me prenait comme tel. 

Sauf avec lui, Charles. Ce gars-là était une exception, une perle rare, un objet attendrissement. J'aurais pu en tomber amoureuse.

Mais pour l'être, il fallait une virginité d'esprit que je n'avais plus depuis longtemps. J'étais revenu du romantisme, de la guimauve du « you and me », de la bêtise du « chabada bada ».

Aimer c'était pour les films, les livres, la fiction quoi.

Je le trouvais touchant avec ses airs d'étudiant, son allure gauche, ses yeux fuyants mon regard quand je le posais sur lui. Il me rappelait mon premier amour. Cela embellissait son charme et y ajoutait une pincée de mélancolie contre laquelle j'adorais me lover et me battre à la fois 

J'avais rencontré Charles pour la première fois chez une amie nymphomane Solange, une quinquagénaire qui luttait contre la ménopause en collectionnant les aventures avec des hommes.

Elle organisait des castings qu'elle appelait des dîners de coqs. Au terme de la soirée, le gagnant tombait dans son lit et vivait une liaison plus ou moins longue avec elle.

Comment faisait Solange pour recruter ses aspirants, pour les attirer à sa table et voir lequel d'entre eux lui plairait le plus ?

En demandant à des proches, des femmes,  d'aller à la « pêche aux mecs ». C'était son expression.

J'étais de celles qui partaient en mer pour dénicher les poissons.

Elle les voulait pas trop jeunes, pas trop vieux non plus, d'un âge suffisamment mature pour être intéressant et comestible à l'amour.

Ainsi, je trainais dans les endroits à la mode et jouais ce rôle de recruteuse. J'étais un hameçon. J'avais le droit de goûter au produit. Je ne m'en privais pas.

Parfois j'en gardais certains pour moi, je me constituais mon ban d'admirateurs.

Il y en avait pour tout le monde, les hommes ne manquaient pas.

Charles, je ne l'avais pas pisté. J'aurais pu. Nous fréquentions les mêmes endroits : Restaurants, musées, boutiques, rues piétonnes.

Malheureusement pas le même jour.  

Charles je l'avais découvert chez Solange. Il était arrivé avec d'une superbe rousse, l'une des rabatteuses les plus efficaces dont j'étais très jalouse.

Elle l'avait abandonné rapidement au cours de la soirée, le laissant aux ergots de quelques coqs avec lesquels il discutait sans agressivité

Savait-il  ce qu'il faisait là ?

Il avait cet œil amical, curieux et bienveillant.

Il était heureux et surpris. Les gens autour de lui semblaient beaux. D'une beauté factice, glacée, rafistolée par des vêtements de marques. Il dévorait des yeux leurs étiquettes.

Nous nous étions télescopés à l'approche du bar.  J'avais ri à sa proposition de faire un constat un verre à la main.

C'était terriblement amusant.                                                                                                    

Peu après s'être présenté, il m'avait confié : « j'ai la vague impression d'être une imposture ».

Il avait été le seul à ne pas tricher, à ne pas parader lorsqu'on lui avait posé une question, à ne pas étaler sa science quand on avait demandé son avis sur un sujet ou un autre.

A tel point que Solange l'avait trouvé fade, sans relief.

Elle s'était détournée de lui avant le dessert, préférant glousser avec un imbécile.

Charles s'était rapproché de moi et m'avait glissé à l'oreille : «  je ne suis pas prêt de revenir ici. Mais je n'ai pas pour autant perdu mon temps »

Regards croisés, fard aux joues, têtes baissés. Chorégraphie digne de jumeaux. Nous l'avions été à cet instant.

Nous étions amenés à nous revoir. On s'était échangé nos numéros de portable.

Je le lui avais donné sans arrière-pensées.

Cela faisait longtemps que je n'avais rien fait sans calcul. Spontanément.

Trois jours plus tard, nous avions bu un verre dans un bar proche de la Porte Maillot.

Charles avait commandé un jus d'ananas.

Le même que le serveur lui posa sur la table.


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Quand le pingouin aux gants blancs arriva avec mon jus de fruit, je fus saisi par la présence de cette longue paille dans le verre.

Cela tuait le côté chic et digne.

J'aurais pu faire un scandale, me la jouer bobo offusqué, d'ailleurs j'étais sur le point de tancer le serveur. J'ouvris même la bouche.

Pour rien.

-          Lucille éclata de rire avant mon premier mot. Elle prit la paille rose, la posa sur la table basse et dit s'adressant au pingouin : je crois que mon ami ne prend plus ce genre d'accessoire pour boire depuis longtemps. Elle se tourna vers moi  : au fait, depuis combien de temps Charles as-tu arrêté la paille ?

-          Depuis 35 ans je crois

-           Le pingouin une peu décontenancé : c'est une erreur du barman, d'habitude il met un pic avec une fraise tagada.

-          , mon ami raffole des fraises Tagada et moi aussi, pourriez-vous réparé cet oubli au plus vite ? demanda Lucille

-          Bien Madame,

-          J'ajoutai : Oui, deux fraises ce serait parfait Monsieur.

 

J'eus du mal à retenir un rire. Un rire d'enfant. Moment tendre de connivence avec Lucille. Elle riait aussi. Elle ricanait plus précisément. 

Les tables voisines nous regardaient de travers. Ces gens-là n'étaient pas de notre monde, ils buvaient des cocktails d'alcools forts, parlaient à voix basses de politique, de théâtre, de philosophie, parfois des derniers cancans, pas de paille et de fraises tagada pour eux.

Décalage délicieux.

Nous étions en marge et nous nous en amusions terriblement.

Combien de femmes étaient présentes dans ce sous-sol huppé ?

Très peu, 3, 4 en comptant la superbe brune assise tout au fond à côté d'un riche bedonnant au costume gris.

Toutes avaient l'aspect de potiches, d'accessoires, de prétextes à viagra pour vieillards en bout de course

Avec Lucille, nous étions le seul couple à paraître équilibré.

Quoique… J'avais l'impression d'être sa potiche à elle.

Une potiche en solde, ébréchée, mal en point.

 

 

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Avec Charles, je redevins une petite fille l'espace d'un instant.

Ah le coup des fraises Tagada. Je n'avais plus ri d'aussi bon cœur depuis des lustres.

Un rire spontané.

Tiens….

Et puis si vous aviez vu la tête de ces vieux…

C'était terriblement amusant, d'observer ces hommes, de fixer leurs yeux étonnés devant nous, devant le pingouin nous apportant dans une coupelle en argent deux fraises tagada.

Nous les mangeâmes lentement, presque de manière gastronomique. Nous simulions comme des gamins. Car l'arrière-gout chimique du bonbon n'avait rien de délicieux.

Contrairement à la scène.  Un vrai bonheur dans le contrepied.

Je n'avais pas envie d'aller dans le monde des adultes. Pas tout de suite.

De quoi allions nous parler ?  De cette nouvelle soirée chez Solange dont je revenais épuisée moralement parce qu'elle s'était réellement entichée d'un jeunot qu'elle désirait épouser ? De ma vie de rabatteuses de mâles dont je voyais bien qu'elle arrivait en fin de course ? De mes amants dont les caresses et les mots me barbaient ? De mon ventre dont j'ignorais encore qu'il fût doué pour donner la vie ?

J'étais fatigué de tout. Je voulais simplement rester là avec Charles, rire encore un peu et profiter de son regard sur moi, un regard innocent, amical, vierge d'un désir que je ne supportais plus vraiment.

Je retardais le moment ou la parole reviendrait en déglutissant lentement la fraise chimique.

Tout en la sentant parcourir mon œsophage et finir dans mon estomac, je cherchais le mot, la phrase qui achèverait la parenthèse sans l'écorner tout à fait.


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Nous venions de manger notre fraise. Nous la dégustions toujours dans un silence presque contemplatif. Autour j'entendais les conversations feutrées des autres tables dans un chuchotement poli.

Et nous, nous ne parlions pas. Nous attendions l'instant propice pour dire le bon mot. Le mot juste. Celui qui nous ramènerait sur terre en quelque sorte.

Je le cherchais ce mot et j'aurais payé cher pour l'attraper, pour avoir cette répartie de l'instant.

Je ne l'avais jamais eu jusqu'ici par manque de culture, de courage, d'inconscience aussi. Celle de se jeter à l'eau et de se dire qu'il n'y avait rien de déshonorant d'échouer à condition de tenter sa chance

Je regardais Lucille et je sentais bien ce moment de grâce, cet instant où la vie bascule et promet d'être belle.

Je le sentais de façon animale, dans mon corps, dans mes entrailles tiraillées par une douleur inconnue, dans ma bouche qui s'asséchait, dans mes mains qui devenaient moites, dans le tremblement imperceptible de ma main cherchant à saisir mon verre pour en finir le contenu.

-          J'aimerais dîner avec toi ou tu voudras.

Qu'est ce m'avait pris de dire une chose pareille. J'avais laissé ma spontanéité s'accorder avec mes envies.

-          Lucille me répondit  presque du tac au tac : avec plaisir

-          Moi  étonnamment prompt : quand ?

-          Elle en me coupant presque la parole : demain soir 8 heures

Le pingouin s'avança vers nous pour le paiement de la note. Lucille sortit sa carte gold, je la devançais en posant un carnet de tickets restaurant.

-          Le pingouin me dévisagea : Monsieur c'est que…

-          Moi sur me mon fait : ne me racontez pas d'histoires, je sais que vous acceptez les tickets, c'est noté sur la porte d'entrée.

Ça ne ressemblait pas aux codes. C'était dans l'air du temps, celle d'une histoire, la nôtre.

Elle commençait tout juste.

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