Ma fidèle terrasse

J'ouvre la fenêtre de ma chambre pour inviter le soleil à rentrer,et comme tous les matins,depuis cette terrible nuit,elle est là,"la vieille dame",à me regarder tristement.

Elle qui était si pimpante,et qui savait nous accueillir mes amis et moi,dès les premiers beaux jours,pour des après-midis ou des soirées festives.Pendant toutes ces années,nous l'avions gâtée,notre "chère voisine",tant en fleurs qu'en plantes vertes,amicalement déposées,de-ci,de-là.Elle les aimaient tant!Elle savait comment nous redonner le moral,et sa joie de vivre la rendait plus belle,et ce,au rhytme des saisons.Seul,l'hiver la rendait somnolente,ne craignant pas de paraître recouverte d'une soyeuse couverture blanche.Alors,nous le savions,elle ne voulait recevoir personne...Peut-être,parce qu'elle me connaissait bien...Moi-même,dans un demi-sommeil,rêvant au retour du printemps.Mais,le plus beau souvenir qu'elle m'ait donné,fut ce jour d'été où sous son regard bienveillant,naquît cette jolie piscine aux reflets azurs.Elle offrit ,aussitôt,de nous y rafraîchir sous un magnifique soleil,pendant qu'un vent tiède berçait les oliviers et les lauriers roses.Elle accepta nos pieds mouillés qui couraient nus sur son carrelage brûlant,pendant que notre chat,surpris par les éclaboussures d'eau se cachait derrière un massif de lavande.Elle aimait le bruit de nos rires et nos conversations animées,dignes des gens du Sud.Elle profitait aussi du calme qui régnait,quand sous les canisses le sommeil nous emportait,allongés sur ses confortables transats.Elle ne détestait pas non plus ces fins de journée où un orage d'été éclatait,juste assez longtemps pour arroser la terre assoiffée et laisser flotter dans l'air un parfum indéfinissable,entre le feu du soleil et la tièdeur de la pluie.Des orages ,elle en avait subit,mais pas comme cette terrible nuit...

Alors qu'elle fixait le ciel assombri et sans étoile,un vent violent se mit à souffler.Les bouées des enfants posées au bord de la piscine s'envolèrent dans le jardin.Quelques pots de fleurs soulevés par une rafale se brisèrent tout près d'elle.La nuit se fendit subitement sous les éclairs tandis que le tonnerre grondait plus fort.Puis,tel un essaim d'abeilles venu de nulle part,la grêle se mit à tomber sur elle,la griffant sauvagement.Prise au dépourvue,elle resta plaquée au sol,meurtrie...Non loin d'elle,je tentai de lui venir en aide,mais perdant l'équilibre,je me retrouvai sur le matelas moelleux de mon transat...

Ouvrant les yeux,je constatai avec soulagement,que cette "terrible nuit"n'était qu'un vilain cauchemar.Nul orage violent à l'horizon.La"vieille dame" est bien là,fidèle mais pas triste.Cette "vieille dame",c'est ma terrasse.Certes,elle est âgée,avec quelques carreaux cassés et quelques joints fatigués qui laissent passer des brindilles,mais elle reste aussi accueillante.Et ce soir,quand mes amis seront arrivés,nous aurons toujours autant de plaisirs à partager ces moments qui remplissent une vie de souvenirs,sur une douce musique:"On dirait le Sud"...