Ma terrasse à moi

manulelela

Ma terrasse à moi

Ma terrasse à moi, elle fait face à la dune du Pyla.

Assise sur ma chaise longue, perdue au milieu de la nature, je savoure le silence. Les doigts de pied en éventail, un livre sur les genoux, mon regard ancré au banc d’Arguin. C’est ma vision du bonheur. Simple. Fragile. Naturel.

Ma petite maison ne paye pas de mine. Mais elle vaut de l’or. Celui du cœur, celui de la chaleur, celui de l’amour.

C’est le bruit du soleil qui tape fort qui me réveille chaque matin et, quand j’ouvre les vieux volets en bois bleutés, un spectacle inédit m’attend. Ici une bécasse, là une aigrette, parfois une sarcelle perdue dans les mattes.  Je cherche du regard les sapinettes, mon nez hume leur parfum.  Je ferme les yeux pour profiter. Le son, la lumière, l’odeur. Tout est propice à la détente et au bien être ici.

Mes journées ne sont pas monotones. Elles sont bienheureuses, agrémentées de petits plaisirs simples.

Un café bu dans une tasse mordorée, assise sur la plage, le regard rivé aux parcs à huitres, le nez trempé dans l’iode et les grains moulus manuellement dans le vieux moulin de mamie.

Une promenade parmi les acacias du Japon, les bruyères, les arbres nains. Ici, rien n’est immense, ni même grand. Tout est discret, petit, minuscule même. J’aime cette modestie, cette beauté dans le détail. Rien ne vous agresse.

Un fruit savouré, les jambes dans le vide, assise sur un ponton craquant et brinquebalant, la tête dans les nuages, le regard perdu au loin. J’ai l’embarras du choix. A gauche, les cabanes tchanquées, majestueuses, droites sur leurs échasses plantées dans l’eau vaseuse, surnaturelles, rebelles, si belles. A droite la Dune du Pyla. Immense, bordée de pinèdes, balayée par le vent incessant. La beauté de la nature, à couper le souffle. Celle qui donne et qui reprend, selon son bon vouloir.

Une sieste, couchée dans mon hamac blanc, balancée au rythme de ma respiration, bercée par la brise, percevant à peine le clapotis de l’océan, un peu plus loin. Le seul bruit que j’entends étant celui des enfants qui jouent sur la plage, leurs rires. Même leurs pleurs me semblent doux. Parfois un ronflement, celui de l’homme qui profite lui aussi pour se détendre et qui se mêle au babillage des oiseaux.

Mes soirées sont plus bruyantes. Les tables font leur apparition devant les cabanes. On sort les chaises en fer forgé, les coussins multicolores, les nappes florales. On installe à la hâte une tonnelle si le soleil est capricieux. Les hommes s’activent sur les barbecues et bientôt de bonnes odeurs nous chatouillent les narines. Ici, c’est poivrons, tomates, ail, olives, basilic, piment et sardines. Le sud aime le goût, la nature, l’authentique. Le bruit des bouteilles de rosé qu’on ouvre. Puis les conversations incessantes, les rires, les engueulades parfois. L’ambiance feutrée de la journée fait place aux sonorités plus tonitruantes. Dans le sud on aime parler fort quand on est nombreux. Quand on abat une carte sur la table. Quand on claque l’épaule du voisin. Quand on embrasse aussi parfois. On parle même la bouche pleine !

Quand le soleil se couche, on allume les bougies, les lampions multicolores. Les anciens nous abandonnent et les voix se font plus douces, plus feutrées. On refait le monde. On chante parfois, doucement, un enfant endormi dans les bras. On se couche le bonheur chevillé au cœur, avec l’impression que le temps s’est figé dans une certaine béatitude.

Ma terrasse à moi, elle est naturelle. Elle est grande et petite à la fois. Habillée de bois, de vert et de nature. A peine touchée par l’homme, suspendue dans le temps, entre hier et demain.

Ma terrasse à moi, elle s’appelle l’Ile aux oiseaux.

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