MAL DANS MA PEAU

franek

MAL DANS MA PEAU

 

                        D’aussi loin que je puisse nager à rebours dans ma mémoire, j’ai toujours rencontré le stress et la pression, une vie de fureur et de bruits, cris et tintamarres. Selon les mégaphones de la propagande institutionnelle, ceci est une cause collatérale mais nécessaire de la vie moderne, le silence n’est plus d’or, l’absence de son ne peut se commercialiser, l’homos ‘stéréus’ sera l’évolution future selon la théorie de Darwin sur l’évolution des espèces (dénommée aussi intérêt), à force de baigner, macérer, se vautrer dans les phonèmes, survivre dans le silence sera impossible. Les infos, la culture, la communication, les échanges les rapports passent et outrepasseront par l’oreille même si ceci ressort  souvent par l’autre, fuite normale d’un trop plein.

                        Ainsi lors de ma naissance, ma maman avait un casque avec une musique douce et décontractante recommandée par la sage-femme, mais putain quelle trouille quand elle s’est mise à vocaliser comme la Castafiore à peine avais-je pointé mon nez à la fenêtre !!! J’ai appris beaucoup plus tard que ce n’était pas de joie de me voir, déçu j’ai renoncé au MP3, peur de me mettre à hurler dans le bus et de me retrouver à l’asile. Puis ce fut l’école et un mec qui jactait à longueur de journée et pas le droit de le contredire, une voix impérative et doctorale qui clouait le bec en même temps qu’elle faisait fermer les esgourdes engourdies par le ton monotone, à quand les instits en polyphonie ? Et encore j’ai échappé au timbre de la timbrée de la classe voisine une débile au débit de crécelle moulin à paroles sopranoiaque à vous rendre autiste instantanément. Ces traitements acoustiques m’ont fait passer le mur du son en même temps que celui de la clôture du collège !!

                        Adieu de ces années sur les bancs à user les fonds de culottes et passage obligé que les jeunes d’aujourd’hui, heureusement ne connaissent plus : l’armée !! Un excité brame des ordres dans un clairon fanfaron au rythme de la mitraillette qu’il brandit comme une cuillère à caoua, contradictoires et insanes mais ça je n’aurai  pas dû lui dire, ce qui m’a valu la seule cure de silence de ma vie appelée ‘le mitard’, endroit insalubre et noir, sans visite possible, pour faire comprendre aux récalcitrants du système les bienfaits de l’aphonie. Bon ces mois défilent vite à la caserne et je me retrouve avec un boulot nommé ainsi car cela permet de boulotter !!

                        Rencontre dans une boite de nuit, d’une spécialiste du pipeau experte de la flute enchanteresse, bref le mariage sur l’hymne à la joie, vaste escroquerie ou d’intox, et du chœur prémonitoire des’ esclaves du Nabucco’, drôle de coco ce zig et puces à gratter. L’union improbable de la cocotte-minute et du chaud lapin est rarement un plat de résistance contre le temps, plutôt un apéro dinatoire avant le menu de caille sur sofa puis de dinde mal farcie ce n’est pas tous les jours Noël !!  Sonnez trompettes jouez musettes, la fanfare roule plein phare sur la portée à la clef des champs d’honneur.

                        Première paie, j’investis dans un transistor, j’avais raison, et un Teppaz  pas trop nase, et là je découvre la vraie musique. La caricature de Fifi brin d’acier, couettes et sourire niais, postillonne dans le haut- parleur que l’école est fini, mais alors pourquoi mes petits frères n’ont-ils pas été libérés ? Libres la nuit mais écroués la journée, on appelle ça une ‘conditionnelle inversée’. A l’usine, travail à la chaine pas stéréo, la symphonie de décibels pas beaux des machines, marteaux batteurs, concert de scies circulaire et sauteuse avec pas de danse atténuée aux bouchons imposés pour la protection des portugaises non ensablées.  Sur place une petite centaine de Charlots entonnent ‘merci patron’ à tue-tête les jours de rendez-vous sur la plage de la platine où l’on repère les saphirs, non la grève du taf  des esclaves. Retour au nid douillet  après récital de klaxons en plein le dos majeur sur le périh où est programmé sur scène de ménage, le gala de la désunion des couples ordinaires, pièce en deux actes avec en supplément  un divorce à l’entracte accompagnée par le chœur des marmots braillards groupe mythique mais vraies teignes des années 80, bref le raffut absolu sur discours de J.T. avant l’extinction des feux de l’amour pour cause d’exténuation.

                        Quarante ans de joyeuses sarabandes à courir après la paix dans un vent de folie et de boulimie de sons nouveaux, Sound-round et autres gadgets sonorisés, la bagnole disc-jockey au tempo de l’arythmie cardiaque et des tympans éclatés, les trompes d’Eustaches rabattues par des vibrations sonores assourdissantes, abrutissantes et maintenant mon entourage s’étonne que je reste sourd aux sirènes des pompiers de sévices pour le sauvetage de la société du ramdam et tapages à grand renfort de tambours rage de crâne et de trompettes à pépettes, du discobole manque de bol faisant l’obole, la quête du silence, les six lances que sont  la solitude, le célibat, la prison, l’orphelinat, le désert et le chômage, silence radio des copains, de l’administration personne pour vous casser les oreilles dans ces occasions  de besoin d’attentions.

                        La retraite, silence respecté le retour sur soi, mais le brouhaha continue encore dans cette grosse caisse de résonnance sans raison qu’est le crâne, les questions hurlent dans la tempête qui s’annonce dans les buccins des rhumatismes et des dégénérescences dues à l’âge. Un fou chantant susurrait ‘ le son du corps au fond des bois’, le mien sera muet dans les planches à part la partition sur le lecteur C.D mais là au moins je ne pourrai l’entendre, on m’a enlevé mon sonotone !!!     

                       

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