Mamie fleurs

Jean Claude Blanc

Hommage fraternel à toutes ces mamies qui vieillissent seules en silence....quelle leçon de dignité

                                 Mamie Fleurs

 

Elle vit à l'écart dans sa maison de ville

Assise sur son fauteuil, la solitude la ronge

La télé allumée, semble pas se faire de bile

Mais a la tête ailleurs, Dieu sait à quoi elle songe

 

On lui porte à manger, on vient faire son ménage

Pour elle c'est l'occasion d'entamer bavardage

Evoquer bon vieux temps, retrouver des images

D'évoquer en chemin, des flots de commérages

 

Plus on avance dans l'âge, moins on est à la page

On est vite dépassé, par de virtuelles images

Plus de complicités, la plupart trépassées

Les contes de l'ancien temps, n'ont plus guère de succès

 

On pense qu'elle radote, la mémé dans sa tête

Ressasse sans arrêt ses aventures secrètes

Ne vous y trompez pas, y'en a dans le caisson

Elle vous en apprendrait sur les générations

 

Elle dit qu'elle en peut mais, qu'elle va bientôt passer

Rejoindre son Papa, car elle n'a plus sa place

C'est du second degré, ne faut pas trop s'y fier

Son regard attentif, guette vos folles angoisses

 

Ne faut pas s'y tromper, ne survit pas qui veut

On croit que c'est une chance, de n'être pas vieux jeu

A voir défiler ses années consommées

On a qu'un seul regret, n'avoir pas profité

 

Un bruit dans la serrure, les rires des enfants

Ces menus témoignages, tellement réconfortants

On tire le rideau, au bord de la tombe

Comme une chape de plomb, le silence retombe

 

Elle se plaint souvent, que sa mémoire est usée

Quel plus bel exemple de sa lucidité

Faut dire qu'à cet âge on craint de dégoiser

C'est même une obsession, ne jamais décliner

 

On ne veut pas montrer qu'on est bien périmé

Usant de subterfuges pour son monde, tromper

Les enfants sont pas dupes, mais lui foutent la paix

Sa fierté est sauve, tout le monde est comblé

 

Son petit nid douillet, savamment concocté

Ses cachets alignés, consignes pour la journée

L'heure de clore les volets et d'aller se coucher

Notée sur un cahier, au mur, placardée

 

Pas folle la Mémé, elle a bien tout pigé

Si on prend tant de peine, de soins pour l'entourer

C'est qu'on n'est pas tranquille, peur d'une maladie

Des tourments rajoutés, qu'elle mijote la nuit

 

Des fois se laisse aller, tragédienne accomplie

« J'ai fait mon temps, tu sais, faut pas se bourrer le moue

Dieu fasse que je m'endorme pour toujours dans mon lit

Ma Minette enroulée tout autour de mon cou »

 

Bien sûr que çà agace, ces jérémiades séniles

On veut pas regarder la vérité en face

Mais elle n'a pas tort, la grand-mère tranquille

A force d'en baver, faudra bien qu'elle trépasse

 

A ses petits pas serrés, sur sa canne appuyée

On lui ouvre la porte, l'espace d'une journée

Elle parcourt son domaine, histoire de prendre l'air

Va tripoter ses plantes, Mamie Fleurs jardinière

 

Ne lui faut pas grand-chose pour redonner l'espoir

Un rayon de soleil, quelques mots de son histoire

Les plaisirs de la terre, çà réconforte l'âme

A nous lui tendre la main pour restaurer la flamme

 

Vieillard en devenir, je reste solidaire

Je me fais à l'idée qu'un jour viendra mon heure dernière

J'ai peur d'être oublié, dans mon coin délaissé

Mamie Fleurs comblée, Papy Pleurs désolé

 

Y'en a plus qu'on croit, des pauvres révolus

Le monde sans vergogne les balance au rebut

On en retrouve parfois, le corps desséché

Dans leur turne isolée, depuis des mois passés

 

Enième coup de gueule, tellement j'en ai assez

De voir ainsi traité le sort de nos ainés

La vieillesse un naufrage mais qui nous pend au nez

Une solution finale, en plus édulcorée

 

Un jour j'ai découvert une pauvre femme usée

Elle devait se farcir ses 4 étages à pieds

Pour chercher son charbon, dans la cave remisé

Pas de salle de bains, pas d'eau chaude sur l'évier

 

Ne se plaignait jamais, son sort l'acceptait

Une histoire ordinaire, un peu d'actualité

On nous en conte tant, sur la fraternité

La solidarité, où donc elle est passée…

JC Blanc                     avril 2020  (pour nos vieux)

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