Mantis Religiosa

Marie Guzman

Guilia a le goût de l'autre ...
La vengeance est souvent considérée comme une attitude indigne, Jack semblait d'accord sur le principe. Mais dans cette cabane aménagée à l'orée du bois personne ne pourrait le surprendre, il attirerait sa voisine facilement, il verrait bien pour le principe dans le feu de l'action.
Le surlendemain alors qu'elle n'avait pas manqué de rejouer son scénario de danse macabre, la fille du commissaire napolitain, Guilia, s'était laissée malgré tout surprendre par Jack. Il l'avait droguée, enlevée et se préparait à lui faire subir un châtiment à la hauteur de la cruauté qu'elle infligeait à ces pauvres hommes tous préalablement condamnés, pas folle la guêpe ! Qui croirait un repris de justice plutôt qu'une fille si bien placée sur l'échelle de la respectabilité ? Suivant sa logique féminine particulière elle ne tuait que ceux qui le méritaient !
La torturer ne servirait à rien alors que la garder quelques temps à des fins thérapeutiques soulagerait probablement la gent masculine de l'attitude morgue de cette furie assassine. Au début elle se comporta comme la mante religieuse habituelle… Elle connaissait le pouvoir de ses charmes. Jack était écœuré et fasciné par le comportement de cette garce, mais quel homme pouvait résister à ses hanches lascives, elle crut à son triomphe quand il la prit à même le sol dans l'humidité de sa geôle forestière. Jack se fit plaisir et la laissa au bord du vide sans même se retourner. Une façon bien à lui de montrer qui jouait maintenant. Elle dû réviser tous ses rôles pour trouver la posture adéquate. Elle tenta les lourdes larmes sur les joues tremblantes sans aucun succès. Au bout de quelques jours privée de lumière du jour et ne sachant pas si l'écho de ses cris servaient à autre chose qu'à énerver Jack, elle tenta des questions simples et empreintes d'humilité. Jack lui répondit sans maquiller la réalité.
—     «  Nous allons passer une année ensemble, ne te fatigue pas Guilia
—     Une année ? Mais ce n'est pas possible, mon père va me chercher, il finira par me trouver et … 
—     Peut-être que tu as raison mais en attendant tu vas commencer à écrire ce que tu fais aux hommes et depuis quand, je t'amènerai une machine à écrire dès demain.
—     Je n'écrirai rien !
—     Comme tu voudras, alors tu ne partiras pas. »
Il la laissa sans intervenir,  ni pour les repas, ni pour la toilette, les endorphines prendraient le relais juste à temps pour l'inspiration. Quand il revient au bout de vingt-quatre heures elle semblait presque docile. Elle accepta sa nouvelle mission.
Deux mois plus tard, elle avait rédigé une centaine de pages qu'en bon scribouillard Jack corrigeait au fur et à mesure. Il lui insufflait la bonne dose d'outrance en la privant tantôt de nourriture tantôt de sexe. Il découvrit avec horreur qu'elle avait commencé deux ans auparavant à fouiller dans les dossiers de son père à la brigade et qu'elle avait répertorié le nom et le pedigree de chacun des hommes assassinés. Puis elle se mit à écrire de la poésie. Incroyable et nouvelle, une poétesse fragmentée venait de voir le jour, Jack lâcha sa colère et tenta de ne pas écouter  l'appel des sirènes. Mais qui peut résister à la poésie d'une femme ?
On retrouva la gorge de Jack entaillée de morsures humaines, il était indubitablement mort, d'autres avaient subi le même sort c'était maintenant écrit dans un recueil. La fugitive trouva un poète qui était passé près de Naples quelques mois auparavant et qu'elle avait manqué de zigouiller aussi. Mais elle s'était ravisée le sachant sincère avec sa nouvelle épouse. Elle pensa bien évidemment à lui pour le recueil, il semblait courtois et imperméable aux méandres noires des âmes chagrines. C'est ainsi que le second recueil d'un poète de passage servit  Guilia, on put trouver son ouvrage  dans les librairies : « Je te mordrai au cou » tome 1.
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