Maroc Mars 2001
habertus
Maroc 28 mars 2001. Rencontre du prêtre d’E……... Il y a vraiment une église ici. Nous la parcourons, admirons ses icônes, sa modestie, le minaret élevé proche faisant contraste. Mobilier des ébénistes du cru en inévitable thuya. Ce serviteur de Dieu est conforme à ce que nous en attendons. Enjoué, familier: «Entrez, ne vous inquiétez pas, c’est pas payant!», à l’intention des touristes éberlués.
Théoricien de la religion, de la philosophie et de la politique, il en parle au bureau. On le relance. Il n’en a pas besoin. Bien que sachant un certain nombre de choses, nous ne sommes pas toujours capables de dialoguer. Il veut le contact avec ceux qui lui correspondent. Nous pressentons la concordance de nos idées, et craignons que nos idées voyageuses ne s’ancrent pas dans son port marocain. Il a des jugements-couperets, la langue vérace, cherche le dialogue, ne se cache pas: « Le Ramadan, c’est quoi ? Je me marre, ils me font rigoler. Du flan, tout cela ! C’est bon pour ceux qui ne crèvent pas de faim ! Qu’est-ce que vous voulez faire le Ramadan, quand vous bouffez un quignon de pain par jour et que vous buvez du thé ? C’est bon pour les riches ! Les pauvres, qui sont la majorité, le Ramadan, il est comme leur quotidien. Rompre le jeûne, à la tombée de la nuit, c’est pas la fête!»
Le père de l’hôtelière de la villa Q….., l’avait invité à rompre le Ramadan :« Fiesta! Cinq viandes, le reste à l’avenant ! L’indécence pour suivre la règle! Trop, trop! Cela pour ne rien bouffer pendant le jour. A ce rythme là on ne craint rien. Les femmes en couches ont droit, exceptionnellement, aux quignons dans la journée!» Violent sur l’intolérance pratique d’une religion qui doit être indulgente. « Et la condition féminine n’évolue pas. Trop de pression sociale, une chape»!
L’Islam ici entretient la vassalité féodale. Parle des moussems où des nuées d’hommes font allégeance au chef. Tout passe par là, le reste est verbiage. Régime théocratique.
Théologien, amateur de RFI. Infos que le Maroc ne donne pas, de la France, du monde. Interview ce matin par deux journalistes belges, hier par deux autres.
Appuie la lecture de « Cellule n° 10 ». Nous courrons l’acheter Place Moulay El Hassan. « C’est pas cher en plus ! ». Il a dit à la libraire : « Pourquoi tu le mets pas en vitrine ? T’oses pas, hein ?» On parle du bouquin Oufkir: « Celui-là, il ne faut pas l’avoir ici ! C’est très clair, ni le vendre»
Et ce musulman converti au catholicisme. « Faut être dingue, ou croyant!». Emprisonnné 5 ans par ce qui tient lieu de tribunal. Le prêtre a reçu des billets de l’homme, implorant de prier pour lui. Régime carcéral très dur! Remise de peine de 3 ans. Non-acceptation du libéré au village. Sa seule solution, foutre son camp !« Les protestants en font trop en termes de conversions. Ils ne comprennent pas qu’ils vont faire des condamnés, des parias, des isolés sociaux». Il ne voit pas ce qui pourra faire évoluer. Pourtant les lois sont là, bienveillantes !
Irruption de la « Trilogie Père-Fils-St Esprit», différente du Dieu unique de l’Islam. Pas un de la Trinité ne domine l’autre: « L ‘égalité, la force pour nous, enfin ceux qui croient et comprennent. Tu as un père, P….., tu as un fils, tu es père ! Tu piges?» La vision chrétienne est altruiste : « Pas le cas de la pratique islamique ici comme ailleurs!» L’obligation de la dîme coranique de 2,5% du revenu:« le riche fait l’aumône régulière, débarrassé! Ouf! »
« Les monastères chrétiens médiévaux avaient un rôle vis-à-vis des pauvres. Ils les faisaient frères ou moines. Ils avaient un rôle économique. Bureaux de placements, pas comme l’ANPE qui file du fric sans boulot! Amorale l’ANPE!» Bref les grands chantiers au service de Dieu et…des hommes. «Ici les pauvres, ils croupissent, d’autant que la Sécu, ils connaissent pas ! Pas de pauvres sur le pavé du moyen-âge chrétien, enfin pas autant qu’ici en proportion, aujourd’hui!»
Né en Thiérache picarde, il nous voit en sacrés Picards. Nous ne le détrompons pas. Elevé par son grand-père, ouvrier. Il lui doit tout, la droiture en particulier. Des valeurs qui n’ont pas et plus, cours, qui le font rêver.
Pas un berbère-arabe à son église ouverte. « Ils en meurent d’envie pourtant ! » Rien, ni personne de l’Islam ne vient, même par curiosité. Pression sociale et le reste. «Essayez d’entrer à la mosquée, c’est plus difficile. On trouve surtout des hommes à la mosquée. Pendant ce temps elles triment, Elles!» Mauvais entretien des abords. Rien à faire ! «Saint lieu ou non, va te faire voir!» Il « apprivoise » les gens du cru avec l’espoir de les faire évoluer, témoigne de son comportement en lien avec ce à quoi il croît ! Curé de choc, verbe à la hauteur, abondant et plein. Parle évidemment arabe. Barbe filasse ni coupée, ni taillée de nous ne savons combien d’années. Il en triture les brins immenses, pour les démêler ou tordre. Bonnet sur le crâne très couleur locale. En pantalon.
A fait un bout de film, en évêque sous la tente. Il en rigole. Six retours en France depuis son arrivée il y a 35 ans. Il aime le sacerdoce en cette cité, sa chaleur tempérée, comme en témoigne son « Je ne vais pas cracher dans la soupe!». Il ne tient pas à retrouver la grisaille métropolitaine.