Marre . A bout .

snotone

MARRE , A BOUT -- SYNOPSIS

Alex et Aminata s’aimaient depuis des années et en dépit des réticences du premier nommé , qui avait peur de telles responsabilités et ne se sentait pas capable de les assumer, une ravissante petite fille prénommée Farah vit le jour un 8 novembre .

Cette petite choute venait cimenter encore un peu plus , s’il en était besoin , le socle d’une citadelle que ses géniteurs s ‘étaient construite dans cet immeuble HLM où il avaient pris leurs modestes quartiers dans le nord ouest de la ville.

Amy, le regard vif de la Peul aux yeux d’or avait le caractère bien trempé , la silhouette mince façonnée par le vent sec du Fouta et un rebondi magnifiquement sculpté  par le désert sahélo - saharien .

Dans cet univers hostile béton et façades en plastiques détériorées , aux pieds de ces tours de France déracinée par la misère sociale , Amy et Alexandre s’étaient trouvés , inéluctablement , naturellement , passionnément .

Quelle ébène Amy représentait-elle pour Alex , peu fier d’avoir mis le grappin sur cette jolie noire toucouleur .

Quelle essence à sa vie Amy avait-elle trouvé en cet intrépide et tendre toubab .

Le tableau parfait d’une idylle rêvée entre deux éducations différentes réunies sous le même toit .

Mais , ce bonheur étalé sans complexe était en fait truffé d’embûches et il allait voler en éclats sous les coups de boutoirs de la tradition et de ses lourds abus lancés par simple usée coutume depuis un camp vierge de toute réforme contraire aux valeurs ancestrales,.

Pourtant , ces cultures sont si belles dans l’ensemble et c’est en partie ce qui avait attiré Alex , mais quand les gens s’aveuglent à s’en servir d’excuses pour imposer leur propre façon de voir les choses , ça devient plus que compliqué.

Si maintes fois, les deux amants reconstruisirent leur mur contre vents et marées, celui-ci s’était effrité sous la mitraille .

Au pied du mur , on ne voyait même plus le mur . Le sol s’était dérobé sous les tremblements et les stigmates d’un passé de plus en plus douloureux .

Amy , depuis la naissance de sa fille devait revenir dans le giron familial . Il en était ainsi , qu’elle fut heureuse ou pas.

Alexandre était persona non « gratin » de cette caste, il avait refusé de se plier , il devrait désormais courber l’échine et peu à peu tomber de son statu : il devait tout simplement disparaître de la vie d’Aminata .

Les liens qui unissaient ces deux personnes fusionnelles se détérioreraient et leur foi en eux-mêmes deviendrait sans issue .

A la fin du mois de février 2012 , les corps sans vie de Thierno et Mariata Sow furent retrouvés criblés de balle dans le quartier des Plaines Assainies à Dakar où ils avaient également une maison .

Furent-ils des victimes collatérales des émeutes qui s’y déroulèrent alors lors des mouvements de protestation contre la présentation aux élections présidentielles du vieil Abdoulaye Wade ?

Ou bien s’agissait-il d’une affaire privée ?

  

MARRE A BOUT , LE GRAND DEPART

Alexandre Rivière est dans son appartement , une Mc Ewan’s à la main, hagard, déprimé.

Plongé dans la saoulitude et la peur du vide, il noie son chagrin et porte pinte contre ce destin que sa dulcinée a selon lui si mal maîtrisé .

Aujourd’hui , c’est mort , définitivement , il l’a perdue pour toujours et il ne s’en est toujours pas remis . Ah putain si seulement elle l’avait entendu .. Putain si seulement si .

La gorge serrée, il enchaîne ensuite les whisky glace et fume quelques blondes , ce qui ne lui était pas arrivé depuis des années lumières.

Il ne pense qu’à ça , ça le vampirise , lui ronge le sang, il ne peut pas s’enlever cette colère qui coule en ses veines .

L’absence omniprésente de sa belle l’obsède et l’obnubile mais il faut maintenant passer à autre chose et trouver enfin un exutoire . Alors quelle meilleure opportunité que celle qui s’offre à lui , dès demain !

Ah grrr … mais pourquoi ça fait si mal ? Pourquoi il la connaît tellement , pourquoi il sent encore son odeur , sait sa première fois, voit toujours ses jolis grains de beauté dont Farah a hérités, entend son rire, ses colères excessives pour une paire de chaussettes qui traîne, miroite son regard dans la glace quand elle se maquille et étreint sa tendresse quand elle embrasse sa fille ?

Ca le fait chier jusqu’aux entrailles de ressasser sans cesse les mauvaises raisons d’un échec programmé par l’absurdité totale d’un scénario si mal écrit .

Et plus il y pense, plus il saisit finalement la clarté de bien troubles évènements fondés sur le côté obscur de l’oppression qui les a anéantis tous deux .

Malgré lui et avec tout le déchirement que cela provoque en lui , Alex se pose parfois et inévitablement la question sous-jacente consistant à penser que si Farah n’était pas née , tout ceci ne serait peut -être pas arrivé.

La beauté fœtale fut à peine sortie du corps de sa mère depuis quelques jours que déjà Kardiatou , la meilleure amie d’Amy , en pressentit l’alarme fatale de douloureux épisodes à venir .

Seraient-ils revenus à la charge si ce bébé n’était pas venu au monde ? Auraient-ils si violemment happé une Aminata tiraillée entre amour et devoirs ? N’aurait -elle pas eu plus de force pour les contrer , pour leur prouver que le choix désarme ? Alex n’en sait foutre rien, en fait, il n’a pas de réponse , il n’en aura jamais mais l’écoeurement le saisit jusqu’aux tripes à l’idée même de croire que l’être qui lui est le plus chair , à savoir Farah , puisse être malgré elle l’élément moteur les ayant précipités Amy et lui-même dans les profondeurs abyssales d’où même les sentiments les plus exacerbés ne peuvent plus remonter à la surface .

Mais ça , ça il se l’est juré … jamais au grand jamais sa fille ne connaîtrait les moindres doutes qui l’habitent en ce moment même .

Ce petit bout de cul devrait toujours resté immaculé des plaies ouvertes qui ont laissé tant de cicatrices dans le cœur de ses parents .

Demain , c’est le grand jour, et bien qu’Alex soit déjà bien brûlé par l’alcool ingurgité depuis deux bonnes heures , tout est limpide dans sa tête qui cogne .

L’avion est à 13 heures 20 , aéroport de Roissy Charles de Gaulle.

Alex lève les yeux de son verre , et dans son champ de vision altéré , aperçoit péniblement les portraits de sa belle petite famille métissée qui trônent sur les murs de son appartement , jadis icône personnelle d’une France intégrée et qui lui crache désormais à la gueule les images d’une famille totalement désintégrée.

Alex ne peut plus les boire en peinture ses tableaux .Il se resserre un sky qu’il ne goûtera même pas et lève son cul du canap , titubant.

Il fonce vers les toilettes , trébuche et va dégueuler son trop plein de breuvage écossais , toute sa déception et sa rancœur à côté de la cuvette des chiottes qu’il lamentablement manquée.

Assis parterre , le regard fuyant ,débraillé , errant dans un état second dans lequel il n’aurait jamais imaginé se trouver un jour , Alex se dit qu’il fait pitié , à la fois lucide sur son propre compte et plein de cuite dans les idées .

Il a honte et il leur en veut terriblement . Il a la rage au ventre .

Et si dans sa tête raisonne encore cette symphonie en lamineurs qui les a découpés Aminata et lui-même , il est fin prêt , décidé , comme jamais déterminé .

Il sèche les larmes de destruction massive que la colère déverse sur ses joues et serre les dents, tape du poing sur la table rase de ce passé tumultueux et tant bien que mal se lève, prenant appui sur le lavabo .

Le jeune plombier actionne le robinet d’eau chaude de la douche et tout habillé de son vieux 501 et d’une chemise blanche maculée de vomi , pénètre dans la cabine .

Au fur et à mesure que l’eau bouillante ruisselle sur son corps, Alex parvient à ôter ses vêtements dont il ne s’embarrasse guère d’ailleurs , en les jetant négligemment sur le sol détrempé de la salle de bain .

Il se moque totalement de dégueulasser, il se fout littéralement du montant de la facture de flotte que coutera cette douche interminable puisque dans la matinée , il sera parti .

En début d’après midi il sera déjà en vol pour faire le grand assaut vers l’inconnu.

Mais , s’il recouvre ses esprits peu à peu , Alex , une dernière fois , - il se le promet d’ailleurs , tente encore une dernière analyse pour comprendre comment les choses ont pu en arriver à ce point .

Une énième fois , sa mémoire lui rappelle encore cette épreuve accablante empreinte des attaques répétées du clan d’Aminata , seul responsable à son humble avis de la descente aux enfers d’un couple qui s’est en conséquence liquéfié , enfermé dans des débats amoureux insolubles, infructueux et meurtriers .

A aucun moment , pourtant, il ne se dit que tout cela n’avait finalement tenu qu’à Amy de prendre le taureau par les cornes et d’assumer la vie qu’ elle entendait mener .

C’était plus facile , en fait, de croire que les parents étaient seuls responsables de leur séparation.

C était moins dégradant que l’évocation même que l’amour d’Aminata pour lui n’avait peut-être pas été si fort que cela , du moins pas suffisamment puissant pour les contrer fermement .

C était également pour le jeune homme , certainement , une bonne raison pour feindre ses propres incompréhensions et impatiences qui ne firent qu’empirer la situation .

« Toi émoi » , putain maintenant c’est « you enemy  mon amour » a t- il envie de lui cracher au visage comme pour la secouer une dernière fois et lui ouvrir les yeux sur le gâchis énorme que tout ceci représentait .

« Et merde mais pourquoi ce jour là sont-ils venus me demander ça ? » gémit-il à haute voix , dégrisant quelque peu.

« Pourquoi ont -ils donc eu cette mauvaise idée ? »

Ainsi, Monsieur et Madame Sow vinrent le voir , quelques mois seulement après la naissance de Farah avec une proposition qu’il essuya d’un revers poli et néanmoins ferme .

A cet instant présent, on lui montrait la marche nuptiale à suivre , on lui imposait la religion qui devrait guider ses pas et même le prénom qu’il devrait à présent porter de ce côté-là de la famille .

Alex , alors , tout autant qu’ aujourd’hui, respectait l’Islam et en aimait les principes philosophiques de tolérance et de paix communs à toutes les religions monothéistes , mais non il ne cèderait pas , non on ne choisirait pas pour lui . Pour lui c’était une entrave à sa liberté , c’était une négation de son identité .

Oui, oh que oui , il voulait plus que tout vivre auprès d’Aminata qu’il aimait comme un dingue mais par -dessus tout il voulait rester lui-même , fidèle à ses opinions, à son intégrité et à sa façon de vivre même si paradoxalement , au fond, il pouvait comprendre leur démarche car c’était ainsi pour eux , et ce depuis des siècles .

Mais non , non , même au nom d’un amour tout puissant il ne ferait jamais une telle concession et ne se tiendrait donc pas au Koran , pas plus qu’à la Tora ou à la Bible d’ailleurs , sans qu’il n’en ait eu lui-même ressenti l’envie profonde.

Ca s’arrêterait là , songea-t- il alors , quelques mois durant …..

Il eut le alors le tort de croire que cette discussion ne serait qu’un simple feu de paille et mal lui en prit puisque ceci fit réellement bien tout un foin et plus encore

A partir de ce moment là , plus rien ne fut simple . Et dès lors , chaque jour , Amy se trouva un peu plus désarçonnée , un peu plus tiraillée .

Comment par un problème si peu conséquent et d‘après lui, si abstrait est-ce qu’on crée in fine la déliquescence de rapports humains si merveilleux jusque là ? Alex ne le sait toujours pas .

Après une heure passée à se laver des démons qui le hantent depuis trop longtemps , Alex s’essuie à peine , enfile son peignoir et s’écroule sur son lit .

Le plafond tourne , il y a comme une boule à facette au -dessus du lit . Il paye le prix fort des excès de la soirée d’une facture du crâne qui tape , et qui martèle en tête .

La gueule enfarinée , une enclume à la place du cerveau , le foie retourné , Alex se lève , comme prévu à huit heures du matin.

Quelques verres de coca pour récupérer , un expresso serré , une banane et une demi heure plus tard , Alex retourne prendre une douche quelque peu revigorante et réparatrice .

Sitôt terminé, il enfile un inhabituel smoking d’hommes d’affaires , prend les clés de la Mercedes Classe C qu’il a louée la veille avec les mêmes faux papiers que ceux qu’il saisit sur la table basse.

Bien entendu , hier, il a pris soin de garer la Benz en centre ville, là où ça grouille de monde et où on ne le remarquera pas .

Dans la chambre il prend son sac à dos , dans lequel il a mis avec minutie et précaution toutes ses cartouches, son pistolet , ses perruques et sa fausse moustache ..

L’heure a sonné , il est temps d’accomplir sa mission.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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