Max
All Bto
Le crépuscule avait fini par dévorer les dernières bribes de lumière lorsque Max rentra enfin. Max adorait la lumière du jour, elle était chaude et agréable, toujours emplie d’espoir et de beauté, s’étendant à perte de vue, dévoilant tous les secrets du monde. Elle faisait danser les ombres et chanter les oiseaux. Max aimait se faire dorer durant les pauses, aussi courtes soient elles. Il fermait les yeux et respirait calmement, sentant les doux rayonnements de la lumière traverser son pelage et atteindre sa peau.
La nuit en revanche était traîtresse et triste. Les bruits au loin étaient terrifiants. La lumière se retrouvait fragmentée en milliers de petites taches, recouvrant le ciel. Parfois, un point bien plus imposant que tous les autres révélait partiellement la pénombre et cela durant plusieurs nuits, avant que ne revienne l’obscurité abominable qui régnait en maître. Mais l’obscurité omniprésente sonnait également la fin du labeur, l’heure de la seconde ration quotidienne et le repos bien mérité. Sa blessure à la jambe se faisait aussi moins douloureuse lorsque le travail était enfin terminé.
C’était surtout l’occasion de retrouver ses colocataires. La journée, il travaillait seul, avec ses maîtres. Le soir en revanche, il rentrait dans son enclos, entouré de ses camarades. Il y avait Sam à droite, Joe en face, p’tit Paul à sa gauche, Satine et Lisa de l’autre côté et enfin l’étalon, que Max ne supportait pas. Il hennissait toujours comme si il était seul au monde, exposant ses muscles et tapant des sabots, voulant montrer qu’il était le plus fort, qu’il était encore entier. Et il l’était ! Max, ne se rappelait pas la sensation d’être entier. Depuis bien trop longtemps on l’avait réduit à la moitié de ce qu’il incarnait.
L’étalon était grand et puissant, noir comme la nuit que Max haïssait, le poil brillant tel l’immense point dans le ciel qui éclairait certaines nuits. Il avait lui un nom étrange, un nom qui en impose, difficile à se souvenir, peu commun pour ceux de son espèce. Les deux pattes le surnommait Bom, mais son vrai nom était plus long, un nom digne de son statut. Quelque chose de fort, comme Bonaport ou Bonaparte. Max ne communiquait jamais avec lui. Personne ne communiquait avec Bom, même les deux pattes le craignaient.
Il ne comprenait que très mal leurs méthodes de communication, mais il avait associé certains sons à des objets, des actions, ou des noms. Max, c’était son nom à lui, celui qu’ils lui avaient attribué ici. Avant, on l’appelait autrement. Quelquefois, il rêvait, dans ses rêves, il percevait son nom passé, mais tout cela n’était plus qu’un vague souvenir au réveil.
Ses compagnons de travail étaient différents, plus petits et plus larges. À vrai dire, Max ressemblait plus à Bom qu’à aucun autre. Le côté intact en moins.
Parfois Bom devenait fou sans raisons apparentes pour Max. Alors, les deux pattes le traînaient tant bien que mal à l’extérieur. Avant qu’il ne revienne, plus entier et plus énervé que jamais. Une fois c’était Farah, une ancienne collègue, partie avec lui lors de l’une de ses crises. Quelques nuit plus tard, elle avait souffert un tel point qu’ils avaient du la séparer du groupe. Et Max ne la revu plus jamais.
Le soir, avec ses colocataires, il communiquait sans parler. Quelques sons ça et là, un souffle appuyé, un petit hennissement, quelques mouvements de tête et tout était dit. Il essayait parfois de communiquer avec les filles, sans grand succès, c’est à peine si elles ébrouaient en retour. À quoi bon de toutes façons, il n’avait aucun intérêt pour elles.
Pourtant Satine, il l’a trouvait belle. Elle était beige clair, une bande blanche qui remontait le long de son nez jusqu'à ses oreilles. Le haut de ses sabots était aussi entouré d’une couche de peinture blanche et couvert par de longs poils rigides. Sa crinière et sa queue étaient de la couleur de la paille séchée et brillantes comme le satin. Mais c’est à peu près tout ce qu’il ressentait pour elle.
La nuit fût longue pour Max ce soir là. À l’extérieur, d'abominables jets de lumières précédaient d’assourdissants grondements, créant une ambiance des plus effrayantes. Le ciel souffrait mille douleurs et pleurait son chagrin sur leur abri. D’épaisses coulées d’eau s’infiltraient dans l’enclos, baignant tout sur leur passage. Si Max détestait une chose plus encore que l’absence de jour, c’était sans aucun doute la pluie. L’eau inondait le sol, la paille, les sabots de Max. Tout autour de lui, ses camarades dormaient dans la paille mouillée. C’était d’ailleurs assez rare pour que Max le remarque. Mais dormir de cette façon était impossible pour lui, il méprisait l’eau que l’on ne boit pas. Lui, baissait la tête, bloquait ses articulations et somnolait debout, se faisant réveiller par le moindre arc de lumière.
Quelques temps plus tard, les pleurs étaient passés, le grondement du ciel s’évanouissait au loin et même les éclats lumineux se faisaient de plus en plus rares et faibles. Ses compagnons s’était déjà endormis et éveillés de nombreuses fois, mais pas lui. Jamais dans l’eau se promit t-il. Mais la fatigue le rattrapa, balayant toute volonté de résister. Il s’écroula de sommeil, ignorant son mal de jambe, oubliant la paille trempée, allongé de tout son long, les membres étendus, il s'abandonna au sommeil profond et rêva.
***
Son rêve était clair et précis. Max ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Très vite il ne parvint plus à faire la différence entre ce qu’il se souvenait de la réalité et l’illusion projetée par son rêve.
Il était attaché devant un immense abri en toile, quelques frères d’armes à quatre pattes près de lui. L’atmosphère était lourde, elle sentait la peur et la mort, surtout la mort. Le froid se mit à le chatouiller à différents emplacements de son corps, en perles minuscules. Puis les perles grossirent pour devenir des galets aussi gros que ses narines. La terre se dérobait sous ses sabots. En les retirant, les traces formaient de petits réceptacles rapidement remplis d’eau. Des impacts résonnaient sur l’abri en toile. Il leva la tête et vit les larmes du ciel s’abattre sur lui et tout ce qui l’entourait. Il entendait des voix dans l’abri en toile, qui se confondait avec le bourdonnement assourdissant des centaines de ses camarades et de leur maitre remués par l’averse qui arrosait tout et tous. Parmi ceux qu’il percevait, il y avait des sons dont il se souvenait connaître la signification, « Attaque », « Bataille », « Victoire », « Bonaparte ». Il pensa tout de suite à Bom. Mais ce n’était pas lui dans cet abri, Bom n’était qu’un souvenir d’une vie différente. D’ailleurs, il ne se souvenait plus vraiment qui était Bom.
Le ciel souffrait plus que jamais et les galets d’eau tombaient de plus en plus rapidement. Le paysage était sombre et triste, embrasé de temps à autres par de puissants jets de lumières tombés du ciel, suivis par d’épais grondements. Au loin, la plupart de ses camarades dansaient une danse austère et triste. Plus loin encore, une gigantesque masse obscure et menaçante s’approchait lentement. L’anxiété générale commençait sérieusement à se faire sentir, ce qui n’avait pas pour effet de rassurer Max. La tension en devenait palpable, tous couraient et s’agitaient. La calamité prenait forme et se rapprochait de plus en plus vite.
Il ne ressentait plus que de la peur à présent, ses sabots battaient le sol en éclaboussant ses frères, qui agissaient de même. Et leur peur ne faisait qu’aggraver la sienne. Lorsque l’abri en toile s’ouvrit, des silhouettes se dispersèrent et l’une d’elles s’approcha rapidement de lui. Un violent mouvement de recul lui rappela qu’il n’était pas libre. Ses narines étaient complètement ouvertes, crachant tout l’air de ses poumons, la panique s’empara totalement de lui. C’est alors qu’il reconnu son vieil ami à deux pattes.
La peur s’évanouit aussi vite qu’elle était venue. Il était plus grand que lui, bien qu’infiniment plus fin. Sa tenue était différente de la plupart des êtres sur deux pattes qui peuplaient le terrain de bataille. Lorsqu’il s’approcha de lui, il lui adressa quelques sons, incompréhensibles à cause du tapage environnent, mais rassurants, dans un sens. Il utilisa les deux pattes qui ne lui servaient pas à se tenir debout, pour lui caresser la tête et la crinière, durant quelques secondes, avant de grimper sur son dos, la pluie battant son visage.
***
Il était tôt lorsque Max reprit connaissance. Durant quelques secondes, il ne comprenait pas ce qu’il faisait là. Où était son ami qui venait de grimper sur son dos ? Pourquoi le froid avait disparu ? Pourquoi les galets d’eau ne lui martelaient t’ils plus le dos et le visage ? Il retrouva doucement ses marques, les odeurs de ses collègues, la sensation de son corps contre la paille, le bois l’entourant de toutes parts. La précédente illusion lui avait parut si réelle que le retour à la réalité avait été plus difficile que jamais.
Il avait été réveillé par le bruit de la porte s’ouvrant. Mais l’odeur du matin était encore trop fraîche pour annoncer le début du labeur. Le bruit renseignait plutôt l'arrivée de sa jeune amie. Sa jeune Elana.
Elle était petite, comparée aux autres, toujours très douce et gentille. Les sons qu’elle libérait étaient calmes et rassurants et bien qu’il ne reconnaissait que quelques uns d’entre eux, c’était toujours un plaisir de les entendre. Ce qu’il ressentait pour elle était plus que de l’affection. Il avait eu de l'attachement pour son maître, autrefois, quand il était encore fort et que le mal ne lui rongeait pas la jambe. Mais avec elle c’était diffèrent, plus intense. Il aimait être avec elle, se balader quand elle était sur son dos, courir quand elle était à ses côtés et par dessus tout, il adorait sa voix. Elle avait un sacré débit pour quelqu’un de si petit, mais c’était ce qu’il affectionnait le plus. Il aurait pu l’écouter parler pendant des heures, tous les sons qui sortaient de sa bouche étaient aussi doux et apaisant que la lumière du jour. Parfois il comprenait quelques mots, des noms principalement, celui de ses maîtres, celui de ses camarades, le sien surtout. Tout était plaisant lorsque c’était elle qui le disait, même le nom qu’on lui avait imposé, bien des nuits passées.
« Max, mon beau, tu es réveillé ? » Entonna-t-elle en s’approchant de la porte qui le retenait. Lorsqu’il entendit son nom il s’approcha doucement, la tête baissée, les lèvres mordillant ses doigts. Il ne pouvait malheureusement pas juger si elle eût été belle ou non, mais si il avait pu, elle aurait été sans doute la plus belle. Elle sentait bon, l’odeur du soleil matinal, qui par ailleurs, brillait de tout son éclat.
« Max ! » Lança-t-elle d’une voix plus aiguë, sa main venant frotter sa tête.
« On va promener ? » Entendit t’il. « Promener », il savait ce que cela voulait dire. Elle l’emmenait souvent promener. C’était comme les balades dont il avait l’habitude avant, avant Elle, avant le labeur, quand les bruits assourdissants étaient partout, quand les ombres menaçantes s’approchaient au loin et quand l’odeur de mort emplissait ses poumons. Un monde avait passé depuis ce temps, et pourtant Max avait parfois des peurs qui lui revenaient et cette nuit, la pluie lui avait rapportée ce sombre souvenir du passé.
Mais ses ballades avec Elana étaient toujours plaisantes, sans peurs, paisibles. Cela avait commencé il y a quelques temps maintenant. Lorsqu’au lieu de partir dans la direction du travail, on l’avait emmené au beau milieu de la cour, lui seul. Ce fut la première qu’il la vit, elle était encore plus petite qu’à présent, elle se cachait derrière son père et sentait la peur à plein nez. Lorsqu’elle s’approcha, Max baissa la tête pour se mettre à son niveau. Elle eu un léger mouvement de recul, puis s’avança pour poser sa main sur ses naseaux. Elle découvrit sa deuxième main, avec à l’intérieur une des gourmandises favorites de Max. Lorsqu’elle lui tendit, il essaya de l’attraper avec ses dents, mais le plus doucement possible, afin de ne pas la blesser. Il ne sut si il avait été ridicule ou pas, mais elle ria si fort que Max fut surpris et lâcha sa friandise. Ce qui eut pour effet de la faire rire d’autant plus. En l’espace d’un instant elle passa d’effrayée à enjouée. Par la suite elle monta sur son dos, puis tranquillement ils firent plusieurs tours, avant d’être stoppés par le chef de famille.
Les jours qui suivirent, elle passa le voir le matin avant qu’il n’entame son dur labeur, l’appelant par son nom, lui glissant quelques mots, se transformant en phrases, puis en conversation. Vint alors le moment où elle le monta à nouveau, seule cette fois ci. Elle fut depuis ce jour, la plus douce des cavalières et la plus proche des amies. Plus encore qu’aucun de ces camarades sur quatre pattes ne l’a jamais été.
Aujourd’hui était l’un de ces jours, il commença par une danse des plus agréables avec sa partenaire favorite, puis continua avec son long et fastidieux travail, pour finir dans le froid inquiétant de la nuit noire. Et les jours passèrent, respectant le même modèle. Sa douleur à la jambe le tiraillait chaque jour un peu plus. Il ne parvenait plus à se souvenir quand exactement, elle avait commencé, cependant, elle n’avait jamais changé. Il avait même fini par apprendre à vivre avec. Mais aujourd’hui c’était différent. Elle était devenue la pire des garces. Contre sa volonté, elle le martelait de baisers aussi durs et brûlants que l’immonde outil qui l’avait marqué, autrefois.
Le lendemain d’une terrible tempête, où il avait vu la tristesse du ciel s’écraser contre le sol, la souffrance l’enlaça si fort, qu’il entendit d’abord le chariot qu’il tirait se retourner, avant de s’apercevoir que la terre chargeait contre lui. Il l'accueillit soudainement avec tout son corps. Et ne vit plus rien.
***
Les ténèbres dévoraient chaque fragment de lumière qu’il pouvait observer. Le froid et l’eau le brutalisaient de toutes parts. Les formes qu’il percevait n’avaient rien à voir avec celles qu’il connaissait de la réalité. Tout était trouble, tournoyant et obscure. Les bruits se mêlaient au brouhaha omniprésent. Il reconnu malgré tout des cris, accompagnés d’explosions de sons de chaque côté, de petits et de plus gros, assourdissants. Très vite il n’entendit plus qu’un bourdonnement lourd. Des ombres s’agitaient dans tous les sens, certaines s’éloignaient pour se confondre avec la masse obscure fourmillant et bourdonnant non loin de là. D’autres en revanche s’approchaient mais étaient stoppées avant de l’atteindre. Malgré sa récente défaillance auditive, il entendit nettement le bruit de l’appel, qu’il reconnut comme étant le signal d’attaque. C’était son tour d’interpréter la plus triste des chorégraphies. Il voulut courir mais ses jambes refusaient d’obéir, il avançait pourtant vers ce gigantesque bloc sombre, à moins que celui ci ne vienne à lui. Il se surprit en pleine course, ses camarades galopant en ligne avec lui. Les cris se firent plus intense à force qu’ils approchaient de l’amas d’ombres. Celui de son maitre était le plus distinct. La masse se divisa en milliers de silhouettes, puis avant qu’il ne puisse réaliser, elles l’entouraient de toutes parts. Un liquide plus dense que l’eau lui frappait le visage, éclaboussant tout son corps. Les odeurs aussi étaient entremêlées, mais il reconnu tout de même l’odeur du sang qui allait de paire avec celui de la mort. Une insupportable explosion de bruit le paralysa, puis le sang coula de son dos vers son ventre. Il sentit son ami cavalier glisser, avec une douceur contrastant le monde qui l’entourait. Non se dit il, pas lui, pas encore. Mais c’était déjà trop tard. Il aurait pleuré, si il avait su comment faire. Son ami était tombé, emportant avec lui le peu d’assurance qui lui avait permis de se lancer dans cette misérable aventure. Il voulut crier à l’aide, mais les sons qu’il émettait n’étaient que murmures dans un tapage inaudible. C’est alors qu’il vit. Tous l’avaient abandonné. La peur le submergea, il voulut fuir mais les ombres dansaient tout autour de lui, l’empêchant de bouger ou d’avancer. Pris de panique, il se rua le plus rapidement qu’il put vers une direction choisie au hasard du moment. Les bruits, les odeurs, les ombres devant lui, tout se mélangeait pour n’être plus qu’une sensation étrange. Il continua tant bien que mal sa course à la vie, s’approchant toujours plus de la fin de son calvaire. Le choc fut plus douloureux qu’il ne crut possible. La douleur et la force du coup le firent s’étaler à terre, glissant à quelques pas seulement de la lumière, de la délivrance. Une ombre s’approcha, il ne distingua que l’objet qu’elle portait. À l’aide ! Voulut il crier, mais le seul son qu’il entendit fut le long hennissement de l’un de ses camarades. Il fuyait également la bataille à toute hâte, son maître traînant derrière lui tel un vulgaire bout de viande entouré de vêtements. Sur sa route il piétina l’ombre au fusil comme si ce n’était rien d’autre qu’une brindille dans un champ de blé. Il y vit l’occasion inespérée de s’enfuir à son tour. Il réussit à se lever malgré la douleur qui le martyrisait et fuît. La suite n’était que succession abstraite de décors tous aussi différents que le précédent. La douleur le tourmentant toujours autant. Puis plus rien.
***
Son inestimable corps l’avait failli. Lorsque Max rouvrît les yeux, la pénombre enveloppait sa perception du monde, il était debout et marchait, sa vision s’améliorant à chacun des pas qu’il alignait. Elana était là, il la sentit avant de l’entendre et l’entendit avant de la voir. Sa présence était presque rassurante. Devant lui, des formes se dessinaient, troubles et sombres, cela lui rappela un récent mauvais souvenir. Sa voix était douce, il en avait besoin, en cet instant plus que jamais. Lorsqu’il retrouvât ses sens, il se rendit compte qu’il approchait doucement de son abri vespéral.
Blessé, c’était le mot. Sa souffrance physique n’était rien comparée à l’humiliation qu’il avait vécue. Inutile, oublié, c’était ce qu’il le caractérisait à présent. Son labeur avait été redistribué, ses camarades ne lui parlaient plus, même Elana ne le montait plus depuis l’incident. Elle passait bien le voir de temps à autres, mais tout était différent à présent. Sa voix était différente. Elle n’était plus douce et pleine d’amour, il percevait la peur, la tristesse. Il avait même vu de minuscules courants d’eau tomber de ses yeux. Elle ne sentait plus l’odeur fraîche du matin, elle sentait l’angoisse et la mort. Pas celle qu’il avait sentie autrefois, mais la mort qui approche, lentement et discrètement.
De nombreuses fois, la nuit avait envahi son monde, et de nombreuses fois encore, il avait rêvé de cette bataille passée. Encore un jour se disait t’il lorsque la lumière illuminait son abris pour la première fois. Encore un jour insignifiant pensa t’il. Mais pour une fois, il avait tort.
Elle fut la première à entrer, d’immenses flots lui coulaient des yeux, sa voix était tremblante et pleine de chagrin. Elle baragouina quelques phrases incompréhensibles avant de s’arracher à lui, les yeux gonflés d’eau. Max détestait l’eau.
Les autres la suivait, il voyait des visages qu’il connaissait bien, et d’autres qu’il découvrait pour la première fois. Tous sentaient l’angoisse et la peur. Elle, était tombée, à genoux et continuait de déverser des torrents d’eau au sol, hurlant sa peine. Son maître avança enfin, son ami, son père, celui qui l’avait recueilli, sauvé. Un objet familier en main. Il s’approcha de Max, qui avait oublié comment résister. Il savait ce qui l’attendait mais il n’avait pas peur. Il était seulement triste. Lorsque l’inévitable arriva, il n’éprouva aucune crainte, le froid du canon lui rappela vaguement ses rêves d’autrefois. Puis son père adoptif parla d’une voix triste mais dure, puis vint l’explosion et en un instant c’était fini. Il ne sentit aucune douleur exceptée celle que lui procura son ultime pensée.
Et il pensait à Elle.