Médée

Médée M.

Pour un bordel
Je porte le prénom de mon aïeule et comme elle je cherche les pouvoirs secrets qui transforment les coeurs et les corps.
Ce soir-là, je pourrais être présente au bordel, vêtue de noir, un chapeau d'où sortent mes poèmes, une cape de velours, une robe découpée dans la soie de la nuit. Et de l'or partout sur ma peau, pour briller dans le reflet des miroirs.


Profération


Il faudrait avoir la force de nous dire
Tout ce que nous sommes en une seule fois.
En un instant irréversible et fatal,
dessiner l'épure de nos êtres imparfaits,
le désordre de nos désirs, les ratures de nos perversions,
l'impudeur de nos impulsions.


Ce serait terrifiant, et nous aurions sur nos mains
les tâches de l'encre indélébile des passions.
Alors pour conjurer la peur, il faudrait jurer et cracher 
sur les tombes des absents de vivre intensément 
et de ne jamais reculer devant le danger toujours imminent
de la perte et de l'abandon.


Nous dévoilerions sous nos présences nos corps émus,
mus par les coups de sang, du sort et de l'amour.
Au détour de phrases décousues et de délires de poètes
nous trouverions peut-être la vérité de nos êtres
troubles, troublés et troublants,  toujours éperdus
de liens sacrés et violents.


Maudits d'une solitude inévitable, nous trouverions 
la trame fragile d'un destin que nos âmes affamées 
attendent depuis longtemps déjà, bien avant la nuit des temps
et les leçons des ancêtres, les paroles données,
les premiers mouvements qui dans le monde
nous ont menés ici en cet instant.



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