Mémoire de rien

Marcel Alalof

Le café

Je suis dans la cuisine de l'appartement que mes grands-parents occupaient,quarante ans plus tôt.Rien n'a changé.Il n'y a même pas de poussière.Peut-être un contrat d'entretien.

C'est vrai que des gens qui se doutent qu'ils vont partir,paient par avance l'entretien pour trente ou cinquante ans.mais,c'est généralement pour leur dernière demeure.On me dit qu'ils n'ont pas été enterrés loin,mais,quand même pas dans la cuisine.L'appartement est au rez-de-chaussée;il faudrait que je demande.

Quarante ans sans s'être jamais recueilli sur la tombe des proches disparus,c'est inexcusable,très grave.Mais,en même temps,quelle liberté.

A présent,au bout de cette liberté,je ressens un vide immense,glacé.Je suis seul,à jamais!

En réalité,perdu par monts et par vaux,de l'Atlantique à l'Oural ,et plus,je ne me suis jamais rendu compte de la disparition de mes proches.Ah!le destin de l'explorateur.

Mais,le décor fait son effet.Alors que le jour point à travers la fenêtre,je crois sentir des effluves ou un arôme,d'un café dont je pourrais deviner la marque.Puis,je réalise que ce sont les voisins qui préparent le café de leur nichée,tandis que je broie du noir.

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