Mer
Pierre Magne Comandu
Jette-toi sur le lit, et la couverture bleue.
Ta chemise noire, ta croix d'or arrache-la, elle passe par le haut de ta tête. Elle tombe, épuisée.
Je t'attends.
Et je m'allonge, nue.
Et la peau de ma nuque embrasse les oreillers, leur lin.
Et la colonne vertébrale, enveloppée, perpendiculaire aux lattes.
Et la chair des fesses, appuyée, elle fait corps, sur le matelas.
Je t'attends et lance-toi.
Saute.
Que ta poitrine, dure, ses muscles, secs, transperce le sommier, qu'elle écrase les lattes.
Qu'elles craquent, écrase-toi.
Je t'attends.
Te te lances.
Ton mètre quatre-vingt s'étend, tes jambes longues et les os de tes genoux, la plante de tes pieds plonge.
Tes yeux, ferme-les aux phares des voitures, ton cerveau à la folie du monde. Ferme-les.
Et fais-moi l'amour.
Comme jamais un homme ne m'a fait l'amour.
Tes mains, tes mains longues, veineuses, tes mains bleues et rouges.
Agrippe les rondeurs blanches, charnues de mes seins.
La paume sur la poitrine, appuie, les ongles creux dans la chair, creuse.
Creuse, et griffe encore, attrape, accroche encore, pétris, comme les enfants font des creux mous sur les ballons, blancs, de baudruche. Ceux-ci n'éclateront pas.
L'ombre de ta pulpe sur mes reliefs, épais.
Leurs pores, la lumière reflétée. Épaisse plaine.
Tire ton bras vers l'interrupteur, et éteins la lumière.
Je susurre. Tu caresses.
Mes reins. Ils sentent sur leurs côtés les veines, érigées de ton membre tendu.
Ta main passe au-dessous de la poitrine. Et mon ventre tendu, sa chair sur les côtés.
Ta main gauche s'accroche aux chairs, ta main droite se hisse sur mon épaule gauche, ça y est.
Tes jambes tannées enjambent mes jambes blanches, ton flanc file le long de mon flanc.
Face à face allongés, tes lèvres se déposent sur mon cou. Je les sens chaude et ta langue, elle lèche.
Elle chatouille.
Tu embrasses en suce mon cou à pleine lèvres.
Du bassin jusqu'au cou j'avance, me retire, je te porte.
Je vague, tu navigues, tu phares et je mer, je vais et je reviens.
Je ne sens plus.
Ni l'odeur de ton Opium sur ton torse, sans le voir.
Ni tes yeux bleu clair dans le noir et fermés.
Et ni les allers, les retours, de ton phare dans ma mer.
Les gouttes perlent sur ta peau, rouge. Peu à peu elles pleuvent sur mes lèvres, pâles.
Plic. Ploc.
Ma tête bascule.
Elle relève et bascule aussitôt et l'oreiller la berce, et toujours elle bascule.
Elle respire, irrésolue bien sûr.
Elle respire puisqu'elle ne peut que respirer.
Viens.
Reviens.
Respire.
Tu es revenu, une dernière fois.
Oui.
Et nos reins éreintés.
Nos bassins embrassés.
Nous.
Je t'aime.
Cela chavire et berce. Cela berce et emporte.
· Il y a presque 8 ans ·Efficacité des mots, comme j'aime. Mais vous aimez aussi Effect. Nous nous retrouvons donc.
lyselotte
J'adore la dernière rime avec "Nos bassins embrassés". Enfin, j'aime beaucoup la chaleur et la vigueur douce amère qui s'échappe d'entre vos lignes.
· Il y a plus de 9 ans ·Au plaisir, Mamz'aile Plume. :)
mamzelle-plume
Oh. Charmant et doux commentaire. Merci :)
· Il y a plus de 9 ans ·Certains lecteurs ont trouvé ce texte un peu violent. Je crois qu'il y a une ambiguïté à creuser dans ce langage. Une ambiguïté douce amère, comme vous dites.
Pierre Magne Comandu