MERCEDES

Pierre Pérès Allouche

Je t’attends trop souvent.

Je t’attends trop solitaire.

Je t’attends trop résigné.

Trop loin de ma présence, même quand tu es là.

Trop d’espaces entre nos vies.

Trop de silences entre nos lèvres.

Trop de non-dits entre nos gestes.

Trop d’incertains quand je ne sais ni tes rêves ni tes désirs ni tes regrets.

Trop de questions quand tu n’exprimes jamais les mots de la quiétude.

Je te demande si tu m’aimes ; tu dis que tu m’aimes.

Je me demande si je t’aime...je sais que je t’aime.

Mais le temps tourne, tourne, tourne. Le temps avance et tu n’es toujours pas présente.

Ma vie est suspendue au tic tac de ta vie...

Et l’heure se cramponne aux heures de la montre.

Les jours ne cessent pas d’être toujours des jours ;

Les nuits me font des nuits qui vont à mon encontre,

Quand la maison vieillit d’attendre ton retour.

Le piano fait la gueule et mes doigts font des touches.

Je déjeune et je dîne face à mon appétit.

Le lit se fait trop seul lorsque ton corps découche ;

Sans toi mon horizon me semble trop petit.

La radio ne fait plus chanter que le silence,

Le café n’a d’effet que sur mon désarroi.

Mon travail ne retient que mon indifférence ;

Les autres ne sont là que pour n’être que toi.

Ma main, à court d’idée, souille des pages blanches,

Ma bouche émet des mots qui ne sont que tes mots,

Mes yeux se posent là où s’installent tes hanches,

Mes pas font les cent pas, mon cœur fait le cœur gros.

Le placard fait la cour au satin de tes robes,

Le plancher fait l’amour au cuir de tes souliers.

Amoureux, je me plains, jaloux, je me dérobe ;

De tout ce qui est toi, je ne suis que moitié...

Et l’heure se cramponne aux heures de la montre...

Recueil : Le Coeur à Fleur de Plume (Editions Laïus, Angers, 2009)

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