Mes fantastiques aventures: Partie 7

J. M

Corbeaux en fuite, les branches craquèrent à nouveau lançant vers la nuit de déchirantes complaintes boisées. Tremblements. Les troncs d’abord, puis le sol, les fougères… toujours plus intenses. La forêt semblait vouloir démarrer, s’envoler comme un aéroplane de fortune : quelque chose arrivait !

Judith glissa vers un rocher tout proche pointant son canon vers les entrailles bleutées des sous-bois, ses fidèles sentinelles samoyèdes grognaient et aboyaient tentant avec courage de ressembler à d’invincibles fauves prêts à en découdre. Elle s’attendait à tout sauf à ça : en quelques secondes le grondement se fit orage et par un glissement de terrain irréel, par l’improbable ébranlement d’un tapis roulant organique les arbres et les buissons se séparèrent ouvrant une petite clairière devant l’aventurière.  En un éclair, la boussole décolla au-dessus de sa tête projetant l’intense lumière en direction de la voute céleste d’Imaginoria.

Judith pu voir clairement le spectacle : la clairière s’était liquéfiée et n’était plus qu’un large cratère, l'anticyclone terreux d’un chaudron de glaise tournoyant. Lentement une longue silhouette s’extirpa de la spirale de boue, deux longs bras «  insectoïdes » prirent appuis sur la terre ferme et la créature déplia ses compas déroulant son immense carcasse voutée à la hauteur de la cime tremblantes des conifères.

Les chiens reculèrent, des tambours de guerres vibraient dans la poitrine de Judith la paralysant sur place. Sitôt hors du trou, comme sous l’effet d’une canicule accélérée, le sol se solidifia regagnant en quelques secondes son aspect initial. Le corps du géant, lui aussi, s’assécha.

-« Quelle merveilleuse lumière ! » Lança-t-il d’une voix lente et caverneuse en appuyant ses paumes sur le bas de son dos comme pour redresser son corps torturé.

« Tant de couleur et de poésie… Tant d’espoir, à nouveau ! »

En baissant la tête il aperçut Judith.

« Et une bien étrange petite créature… Tu as eu beaucoup de chance d'être d’arrivée jusqu’ici, les Wolfars sont surexcités par cet hiver infini, le froid les affament, ils sont toujours plus avides de sang et depuis quelques temps ils commencent à entrer dans la forêt »

Entre son pouce et son index, à la manière d’une pince de bois tortueux il saisit le cadavre d’un homme-loup et le porta devant son regard inspectant en détails les restes du prédateur avant de l’abandonner dans un buisson.

« Tu n’auras pas besoin de ton appareil de mort petiote. »

Il s’agenouilla lentement déplaçant avec lui une bourrasque de vent aux senteurs de pin et de résine. Plantant ses deux mains devant les gardes du corps canins il approcha son visage de l’aventurière.

« Quelle étrange bestiole » souffla-t-il en  balançant de gauche à droite ses pupilles de charbon.

Judith ne bougeait plus, attentive. Malgré le froid sec caractéristique de l’Icevaldt  elle sentait la sueur investir les plis de ses vêtements, inonder sa chevelure.

La voix était lymphatique, trainante et caverneuse comme un disque vinyle que l’on aurait fait tourner trop lentement, ses mots semblaient investir l’espace environnant comme si la forêt, à l’écoute, était attentive à la moindre de ses déclarations.

Il était immense : une silhouette très longiligne qui ajoutait plus encore au sentiment de vertige. Son corps avait maintenant séché et Judith se rendit compte que son invité surprise était entièrement constitué de terre, de bois, de racines ainsi que de diverses mousses ou lichens qui, çà et là, recouvraient son enveloppe corporelle. Au plus près de son visage elle distingua même tous ces insectes qui trottinaient sur son buste et ses membres semblant agir comme les globules animales de ce gigantesque organisme.

« Je m’attendais à quelque chose de plus imposant » grogna-t-il dans un craquement boisé de sa large mâchoire.

« Mais les faits sont là… »  Dit-il en se redressant  « …la boussole t’accompagne et avec elle l’espoir va renaître »

L’air ébahit il approcha son énorme tête du petit cylindre en lévitation, il observa l’objet avec une tendresse enfantine et se mit à chanter :

« Un jour, une nuit 

Elle est née dans un souffle… »

-« Aussi léger qu’une pensée » reprit Judith.

« …Comme une bulle de sens qui a éclaté dans le vide »

Elle n’en croyait pas ses oreilles, là, au centre d’Imaginoria, une longue créature improbable récitait ces fameux vers qui avaient bercé son enfance, ces quelques lignes qui, à l’époque, étaient les favorites de sa mère et qu’elle avait entendu maintes et maintes fois au réveil, au coucher, dans les moments de peine ou de détresse.

-« Tu dois garder la boussole » Reprit le géant

« Je ne peux malheureusement pas la toucher, il faut que tu continues ta quête… il faut que tu nous sauves. Moi, je suis condamné à vivre sous cette forêt, caché sous ce pic de malheur… mais pour combien de temps encore… »

Ghregg

  • Quels descriptifs... Quelle écriture... Quel imaginaire... Je ne sais pas où vous allez, mais je vous suis inconditionnellement...

    · Il y a plus de 13 ans ·
    Dsj 3 orig

    denis-saint-jean

  • Chapeau bas Ghregg. As-tu mangé du Lyon ? Tu es redoutablement fort en écriture. Judith a de la chance. Tous ses pages se dévouent avec grâce et talent pour la rendre belle. A+ les amis de Judith.

    · Il y a plus de 13 ans ·
    Extraterrestre noir et blanc orig

    bibine-poivron

  • Content que ça vous plaise chers coéquipières et coéquipier... Pas d'inquiétude Christine tu vas faire des merveilles. Que l'aventure continue!

    · Il y a plus de 13 ans ·
    1414702 10208250168314812 750322091 n

    Grégory Parreira

  • ... Mortecouille ! C'est tout simplement sublime, et ces descriptions qui tuent. Ghregg t'es un chef !

    · Il y a plus de 13 ans ·
    Dargon d absinthe orig

    Lézard Des Dunes

  • Quelle magie de descriptions !...Judith est là dans son élément. Il me semble entrevoir la révolte des arbres devant la tour du Mordor contre l'armée de Saroumane dans le "Seigneur des Anneaux III". Des évènements à nous couper le souffle attendent notre héroïne...Merci à toi Ghregg pour cet instant aux parfums de forêt dense...Amicalement Jeanne

    · Il y a plus de 13 ans ·
    Images 6  orig

    Jeanne S.

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