Mes fantastiques aventures, partie 8

Judith se sentait rassurée. Cette étrange présence, impressionnante et intimidante, l'apaisait curieusement. Peut-être était-ce parce que la créature mi terreuse, mi végétale possédait un regard terriblement humain, rien à voir avec celui d'un wolfar. De grands yeux globuleux, bienveillants et rieurs, qui semblaient comme capables de percevoir l'au delà des choses.

Et le poème, quel drôle de coïncidence...Cela conforta Judith dans l'idée que son monde était étroitement corrélé à celui d'Imaginoria. Et si l'un des deux venait à disparaître, l'autre se retrouverait immanquablement en péril. Il lui semblait désormais qu'il ne subsistait aucun hasard, il restait seulement des trous dans le grand puzzle de l'histoire, il fallait les combler.

« Qui êtes-vous? » demanda Judith, intriguée mais confiante.

La créature aux vieux bois recouverts de lichens parut esquisser un large sourire, puis lui fit une révérence avant de s'exprimer:

« Mille excuses ma p'tite dame, je ne me suis pas présenté, c'est très impoli de ma part! Je me prénomme Can* et je suis ce qu'on appelle, ici, à Imaginoria, un humanoïde, c'est à dire un assemblage savant de métal, de terre des sous bois et de végétaux, auquel on a généreusement insufflé le zéphyr de la vie. Je suis le dernier en mon genre, et le dernier, aussi, fidèle serviteur des grands sages du royaume. Enchanté de faire ta connaissance et à ton service désormais!

_Enchantée également, je suis Judith et heureuse de rencontrer une figure amicale par ici. Je commençais à me sentir un peu seule. Où sont donc passés les habitants de l'Icevaldt, on dirait qu'ils se sont volatilisés...Tout a tellement changé, et ces wolfars, je croyais qu'ils avaient été décimés... Mais, dites moi, pourquoi seriez-vous à mon service désormais? »

Les deux billes charbonneuses semblaient se teinter de tristesse. La jeune femme frissonna, elle avait froid, elle se sentait épuisée après cette attaque surprise des hommes-loups. Elle avait besoin également de se faire une petite toilette, son visage et ses vêtements étaient encore maculés du sang de ces monstres affamés.

« Allons-nous mettre à l'abri, si tu le veux bien Judith, et reprendre un peu des forces. Nous pourrions discuter librement, sans avoir à rester sur nos gardes. Je connais cet endroit comme ma poche, pour y avoir vécu depuis des millénaires. Le pic des dieux...C'est ici que tout a commencé, ici aussi que les premiers sages ont décidé de bâtir ce temple, le temple des anciens. Ici est conservé précieusement la mémoire d'Imaginoria et j'en suis l'unique gardien. Malheureusement, le dernier sage vient de nous quitter et tu es la seule personne, à présent, qui soit capable de la déchiffrer et de la reconstituer...Imaginoria a besoin de toi, nous t'attendions... ».

Alors que Can prononçait ces dernières paroles, des hurlements se firent entendre au loin, par delà la grande forêt noire. Les bouleaux immenses, et balancés furieusement par la bise, prenaient l'allure d'une armée d'ombres menaçantes. Imaginoria devenait une contrée de plus en plus hostile, elle qui autrefois était si douce, elle qui résonnait de rires d'enfants, de chants des peuplades autochtones, de la voix sensible et chaleureuse d'Ayashé... Mais Judith n'avait pas le temps de rêvasser. Les cris des wolfars, qui devaient  sans doute servir à rameuter leurs clans éparpillés, se rapprochaient dangereusement. Et les munitions allaient manquer.

« Viens Judith, rendons nous au temple, nous y serons tranquilles. Je connais le chemin, tu peux me faire confiance, suis moi! »...

à suivre.

Christine

Can: arbre en sioux