Meurtre sans préjugés

carino

Au cœur du Gévaudan, sur un plateau de tournage, une enquête s’ouvre sur la mort violente d'un acteur. Le cadavre gît au centre d’une grange. Il a été déchiqueté par un grizzly. Pas la moindre trace d’ours dans ce pays brumeux. Cela ressemble à une mauvaise plaisanterie mais il en faut plus pour désarçonner l’inspecteur Viala. Il est le cliché de l’inspecteur de police, fumeur invétéré et buveur. Le vieil inspecteur utilise également le cliché et les préjugés comme mode de fonctionnement. Doublement divorcé, misogyne, raciste et homophobe, Viala se moque des convenances et provoque les suspects du show-business pour leur soutirer nombre d’informations. Qui d’autre que lui pouvait enquêter sur une affaire aussi étrange?

    A Montpellier, les trois grâces de la fontaine moussue de la place de la Comédie portaient un regard bienveillant sur la parade carnavalesque des écoles de la ville. Sous le soleil d’un mardi gras, les enfants défilaient sous des jets de confettis multicolores. Dans une joyeuse cacophonie, la ronde étrange des spidermen et autres princesses enchantait les spectateurs qui se prélassaient à la terrasse des cafés. Le cortège battait la mesure au rythme d’une musique endiablée et entamait l’ascension de la rue de la Loge. Les nouveaux pèlerins masqués piétinaient gaiment le chemin de Compostelle, sous le regard dédaigneux des vieilles bigotes du quartier. Encadrés par des instituteurs nonchalants et grimés à la mode des années Woodstock, les enfants passèrent devant la statue de Jean Jaurès. Le symbole de la république socialiste fut soudainement bafoué par les mains baladeuses d’un groupe de garçons de CM2. Un instituteur hippie, mais patriote, se rua sur les enfants pour les inciter à descendre du socle républicain. La rumeur amusée du cortège entrait par les fenêtres des habitations alentours, dans les commerces et pénétrait insidieusement les ruelles étroites et sombres du vieil Ecusson.

Au fond d’une venelle coudée, dans un bar miteux, l’inspecteur Viala sirotait son whisky de 14 heures 10 devant un petit poste de télévision accroché au dessus du comptoir. Agacé par les cris des enfants, l’inspecteur agitait son doigt en direction du poste pour faire signe au barman d’augmenter le volume. La retransmission d’un match de football s’achevait sur une défaite écrasante de l’équipe locale. L’homme fit claquer son verre vide sur le zinc et d’un geste du doigt commanda une autre dose de pur malte. Docile, le barman, lâcha son torchon pour resservir ce vieil ours mal léché. L’inspecteur Viala suivit de ses petits yeux fatigués le filet doré du whisky remplir son verre. Il n’était pas si vieux que ça, mais vingt ans de marée noire en cigarettes et alcool avaient eu raison de son teint méditerranéen. Le silence s’installa dans le bar, cédant parfois la place à la déglutition avide du vieil inspecteur et se rompu brutalement sous la sonnerie stridente de son téléphone portable.

-Ouep.

-Viala ? C’est Aurenster. Rappliquez immédiatement, je vous mets sur une affaire.

L’inspecteur raccrocha son téléphone et le plongea dans sa poche. Une dernière rasade de whisky et Viala fit un dernier geste pour saluer le tôlier.

Au commissariat central, les portes automatiques s’ouvrirent sur la silhouette fatiguée de l’inspecteur. A l’accueil, une jeune recrue parlait sur un ton compatissant à une victime éplorée. La femme portait élégamment une veste de tailleur sur un jean très serré. Viala tituba dans l’entrée et fixa, un temps, son regard trouble sur le cul de la jeune femme puis se rapprocha d’elle la tête penchée sur le côté. La recrue se redressa militairement pour saluer l’inspecteur.

-Que se passe-t-il ici ?

-Madame vient déposer plainte pour vol.

-Quel vol ?

La victime toisa avec dégoût l’intrus et expliqua, des sanglots dans la voix, le méfait.

-On m’a volé ma bague de fiançailles, là, dans la rue.

Viala prit un air songeur.

-Je vois, donc vous allez vous marier.

-Oui.

-Et cette bague, elle était comment ?

Les mains frêles et fraîchement dépouillées de la jeune femme mimèrent grossièrement un bijou avec une pierre précieuse.

-C’était une bague en or avec un diamant de 18 carats. Un bijou de famille. Mon fiancé la tenait de sa grand-mère. On l'a donne aux futures épouses. C’est une tradition chez eux.

-Je vois, c’est donc un bijou d’une très grande valeur ?

-Oh, oui. Bien sûr.

-Et l’homme qui vous l’a volé, vous pouvez me le décrire ?

La jeune femme prit le temps de la réflexion, comme pour se remémorer ce souvenir douloureux.

-Tout est allé tellement vite. Un homme est arrivé en courant derrière moi et m’a plaquée contre le mur.

La femme détourna, mal à l’aise, son regard de l’inspecteur pour s’adresser de nouveau, avec frayeur, à la jeune recrue.

-J’ai eu tellement peur.

Viala attira son attention en replaçant le propos sur des détails concrets.

-Je vois, mais cet homme était-il noir ou arabe ?

Sans hésiter la femme répondit qu’il était tout ce qu’il y avait de plus noir. Viala acquiesça et poursuivit son interrogatoire.

-Avec une balafre sur la joue gauche et de fines tresses blondes dans les cheveux ?

-Oui ! C’est ça, c’est lui, c’est mon agresseur.

La femme éclata en sanglots. La jeune recrue la réconforta en lui tapotant maladroitement l’épaule, puis glissa furtivement à l’oreille de Viala.

-C’est formidable inspecteur, vous le connaissez ? Est-il fiché ? Je peux peut-être lancer une recherche.

-Inutile, sergent. Cette femme ment.

La victime cessa de pleurer, incrédule.

-Mais enfin, pas du tout monsieur.

-Madame, la bague est dans la poche arrière de votre jean. Si vous ne souhaitez pas vous marier vous devez la rendre à la famille de votre fiancé, c’est la loi. Sergent, dressez lui un procès verbal pour tentative d’escroquerie.

La femme protesta vivement. -Non, non, vous vous trompez. Je ne cherche pas à garder la bague c’est une erreur, je vous assure. Excusez-moi, vraiment je n’aurais pas dû venir ici.

A reculons, la femme se rapprocha doucement de la sortie du commissariat, pour ensuite disparaître à toute hâte.

Derrière le guichet de l’accueil, le sergent secouait la tête navrée.

-Mais, comment avez-vous su ?

-Un jean aussi moulant laisse peu de place à l’imagination. Une femme comme elle, avec autant de préjugés est forcément une garce et assurément une menteuse.

-Vous avez vu tout ça à son jean Armani?

-Bien sûr et je peux même vous dire que c’était un faux.

A l’étage, un long couloir traversait des bureaux vitrés où fourmillait une horde de fonctionnaires de police. Viala se figea et prit une grande bouffée d’air, avant de traverser le corridor en apnée. Tête baissée, il ne jeta pas le moindre regard aux collègues qui le saluèrent sur son passage. La porte du  bureau du commissaire Aurenster se rapprocha rapidement. Viala l’ouvrit et se réfugia dans le bureau, expirant bruyamment avant de reprendre son souffle. Le commissaire, un quinquagénaire séduisant à l’allure distinguée, raccrocha son téléphone.

-Ah, Viala ! Venez, asseyez-vous vieux.

Viala se tenait toujours le dos plaqué à la porte.

-Non.

Le commissaire rit.

-Très bien, j’ai besoin exactement d’un homme comme vous, anticonformiste et avec de l’expérience. Vous aimez le cinéma ?

-Non.

-Parfait ! Je vous mets sur la mort d’un acteur sur un tournage proche d'ici.La production a prévenu nos services et ils demandent un maximum de discrétion sur cette affaire. Considérez que votre mobilisation est effective à partir de maintenant.

Viala soupira blasé et se détourna du commissaire pour fuir le traquenard. Aurenster l’arrêta.

-Au fait Viala, le tournage du film se passe en Lozère.

Viala quitta le bureau dépité puis inspira à fond.

Une 106 Peugeot, dernier cri des années 80, s’arrêta dans la boue du Gévaudan. La portière rouillée s’ouvrit pour laisser apparaître, dans une fumée blonde, les mocassins vieillots de l’inspecteur Viala. Sous un ciel gris, Viala découvrit un lieu de tournage dans la campagne lugubre du mois de février. Des figurants se promenaient dans des haillons de fermier. Un homme, la quarantaine, cria dans un porte-voix avec un fort accent belge. Viala se rapprocha tranquillement de la scène. L’équipe de cinéma était attroupée autour d’une vieille grange. Une vache ruminait paisiblement au milieu des techniciens qui s’affairaient. La cigarette suspendue à ses lèvres, Viala fit un effort pour enjamber les mètres de câble électrique enfoncés dans la boue. Un projecteur éclairait une jeune actrice brune, frêle et frigorifiée. Elle frottait ses mains blafardes l’une contre l’autre. Viala se rapprocha de la jeune première.

-Dur métier, hein ?

La jeune femme leva un regard timide vers lui.

-Oui. On attend de tourner une scène depuis une heure maintenant.

-Allez donc vous réchauffer dans la grange.

-Je ne peux pas, la régie y est installée et la production nous interdit l’entrée.

Soudain, l’accent belge retentit et s’adressa directement à Viala, qui ne réagit pas.

-Je crois qu’on vous parle, dit-elle. Vous êtes dans le champ.

-Bien sûr que je suis dans le champ.

-Non, je veux dire dans celui de la caméra.

Le réalisateur se rapprocha d’eux à grands pas. Il portait des bottes de caoutchouc et agitait nerveusement ses bras en direction de l’inspecteur, comme un épouvantail.

-Hey, vous ! Qu'est-ce que vous foutez?

-Je suis de la police, Inspecteur Viala.

Viala dégaina son insigne au nez du réalisateur penaud.

-Ah, je vois, vous venez pour Mathieu.

Viala hocha la tête. Le réalisateur pointa alors son doigt en direction de trois femmes, à l’allure très citadine, un peu à l’écart du tournage. Les femmes étaient assises inconfortablement sur une seule fesse, jambes croisées, sur d’énormes caisses noires, au pied d’un arbre mort.

-Allez voir ces femmes là-bas. Ce sont mes productrices. Elles vous expliqueront tout ce qu’il y a à savoir. Moi, j’ai un film à finir et mon acteur principal est mort. Je ne suis vraiment pas d’humeur à blablater.

-Je vois. Excusez-moi. Vous êtes belge, non ?

-Oui, je suis originaire de Bruxelles.

-J’espère que votre film n’est pas une comédie. Vous savez ce qu’on dit sur l’humour belge, n’est-ce pas ?

L’actrice étouffa un petit rire moqueur devant le réalisateur qui, vexé, s’empourpra et sortit aussitôt du champ. Viala adressa un clin d’œil rieur à la jeune femme puis jeta son mégot de cigarette qui s’éteignit instantanément au contact du sol boueux. Un rideau brumeux était tombé et Viala pénétra dans la ouateur blanche de l’épais brouillard pour rejoindre les trois femmes, qui dans ce décor campagnard donnaient l’impression de trois grosses pintades endimanchées. En se rapprochant, Viala perçu le croassement lugubre d’un corbeau. L’oiseau de malheur était perché dans les branches dénudées de l’arbre près des productrices. L’une d’elle, une grande brune à la charpente massive jetait des petits cailloux en direction du volatile pour le chasser. Un attelage de chevaux de trait sortit de la brume pour couper la route à Viala. L’inspecteur s’immobilisa pour laisser passer les bêtes robustes. Ses mocassins s’enfoncèrent dans la boue humide et des effluves de fumier lui chatouillèrent désagréablement les naseaux. Viala sortit un mouchoir et se le plaqua contre le visage. A grande enjambée, Viala rejoignit le trio. Il leur adressa un salut étouffé par son mouchoir. Les femmes le dévisagèrent perplexes. Viala découvrit son visage et sortit son insigne pour signifier sa fonction. La chasseuse de corbeau fit un pas en avant pour lui tendre une poignée ferme.

-Patricia. Enchantée. Je suis la productrice du film. Je vous présente mes collaboratrices, Elodie et Juliette.

Elodie était une grande fille blonde, un peu chétive. Son visage très long et de biais lui donnait l’air de contrefaire un grand Modigliani. Juliette était plus petite et rougeaude. Des plaques d’eczéma luisaient sur les contours de ses joues et de son décolleté. Les deux femmes le saluèrent en minaudant. Viala scruta le visage des trois femmes avec attention, comme s’il en photographiait les moindres détails.

-Enchanté Mesdames. Je viens enquêter sur la mort de l’acteur principal.

Viala sortit un calepin noir de la poche intérieure de son manteau et se mit à feuilleter les pages noircie de sa minuscule écriture. Il lu lentement le nom de la victime prenant soin d’articuler chaque syllabe.

-Mathieu Rosan.

Patricia, qui de toute évidence était la cheftaine de l’équipe prit la parole sur un ton gouailleur et avec une certaine agressivité.

-Oui, c’est ça. C’est moi qui l’ai trouvé allongé dans la grange. Son visage était enfoui sous une meule de foin.

La blonde évanescente, Elodie, se cambra outrancièrement avant de prendre la parole sur un ton séducteur.

-C’était affreux son corps était comme déchiqueter et il y avait du sang partout.

Viala fut surpris par cette annonce et par le ton douceâtre qu’employait cette femme pour décrire l’horreur de la mort de l’acteur.

-Déchiqueter ?

Patricia reprit sur un ton féroce.

-Oui, c’était affreux, son corps était couvert de plaies béantes et des morceaux de chair avaient été arrachés, comme si une bête féroce l’avait attaqué et dévoré.

Juliette prit alors la parole. Son eczéma donnait l’impression d’une extrême timidité, mais sa voix était assurée et faussement candide.

-C’est la première fois que nous venons ici, mais nous ne sommes pas s’en connaître la légende qui habite cette terre. La bête du Gévaudan. Nous avons toutes vu le film de Christophe Gans, le Pacte des loups, avec Vincent Cassel et Monica Belluci. Vous le connaissez ?

Viala répondit que non, sans daigner la regarder.

-Oh, je vois, vous n’êtes pas cinéphile.

-Non ma p’tite dame et je peux vous dire que ces légendes n’existent que pour effrayer les petites parisiennes dans votre genre.

Les productrices affichèrent un sourire crispé.

-Bien, vous me dites avoir trouvé le corps dans la grange, c’est bien ça ? Est-ce pour cela que les lieux sont désormais interdits aux comédiens ?

Juliette lui répondit sur un ton suave.

-Oui, c’est exact inspecteur. Nous n’avons pas bougé le corps de Mattthieu.

Elodie avait une élocution toute particulière, sa voix aigrelette trainait sur les consonnes et rallongeait le prénom de Mathieu, comme pour susurrer son désir pour le garçon.

Viala griffonna son calepin avant de le refermer dans un claquement sourd.

-Bien, allons voir ça.

Dans la grange, un projecteur de cinéma éclairait la scène de mort. Des hommes en combinaison blanche fouillaient les quatre coins de la charpente boisée. Le médecin légiste, un homme d’une trentaine d’années avec les traits tirés était agenouillé prêt du corps inerte de Mathieu Rosan. Il portait des gants et manipulait avec soin une petite languette qu’il collait sur différentes parties du corps de la victime. Viala se retourna pour faire face aux trois productrices qui marchaient sur ses talons crottés.

-Pourquoi la grange n’est elle pas sous scellés?

Patricia lui répondit d’un ton sec.

-Parce que la grange est un élément du décor et qu'il se trouve en arrière plan de la scène que le réalisateur est en train de tourner. Notre film traite des ravages de la mondialisation sur le monde agricole, pas de la mort d’un fermier dans la série des Experts.

Viala respira profondément pour calmer sa fureur.

-Mademoiselle, que les choses soient claires. Retirer les scellés de la police scientifique est un délit. Vous êtes peut-être en train de travailler, mais nous aussi. Alors restez en dehors de tout ça et je ferai appel à vous quand j’en aurai vraiment besoin.

Viala referma la porte de la grange aux nez des trois pintades.

Viala se dirigea vers le jeune médecin légiste.

-Docteur ?

Le médecin se redressa pour faire face à l’inspecteur. Il dépassait Viala d’une bonne tête.

-Liebmann. Docteur Liebmann. Désolé, je ne vous sers pas la main.

Le jeune homme désigna d’un mouvement de tête ses gants ensanglantés.

-Bonjour, je suis l’inspecteur Viala de la brigade criminelle de Montpellier.

-Je crois que vous perdez votre temps, inspecteur. Cet homme est décédé d’une mort accidentelle. Après examen, je peux certifier que cet homme a été attaqué par un ours. Vous voyez les marques sur son torse ?

Le médecin désigna du doigt des marques profondes qui déchiraient le poitrail de la victime. Viala s’attarda sur le visage de l’acteur. Même s’il n’était pas un fan de cinéma, cette tête ne lui disait rien du tout. L’acteur était jeune, la trentaine, il portait une chemise à carreaux rouge et noir et un pantalon de velours. Ses mèches de cheveux, d’un blond cendré, étaient maculées de sang et collées sur son front. Viala approcha son doigt du visage de l’acteur pour frotter la pulpe de son index contre sa joue. Un fond de teint ocre maculait désormais le doigt de l’inspecteur. L’homme était mort dans son costume, maquillé et prêt à tourner mais très loin des feux de la rampe.

La voix grave du médecin sortit Viala de ses pensées.

-Regardez bien, vous voyez, la profondeur des lacérations latérales entre la deuxième et la troisième intercostale, ce sont les marques des griffes d’un ours brun.

Le médecin plaça devant la lumière des bandelettes adhésives, sur lesquelles s’affichaient des prélèvements de poils. Il s’agissait sans aucun doute d’un poil animal, épais, long et d’un brun presque rouge. Viala regarda intensément à travers les films adhésifs du médecin puis se rengorgea.

-Eh bien, docteur, je crois que je suis au contraire à ma place, puisque de toute évidence il s’agit bien d’un homicide. La population des ours bruns n’existe plus que dans les Pyrénées et les Alpes. L’espèce a connu un déclin rapide au début du vingtième siècle pour arriver de nos jours à une petite dizaine d’individus dans nos chaînes montagneuses. Dixit Discovery Chanel, je suis quelque peu insomniaque depuis mon dernier divorce. La garce m’a tout pris sauf la télé… Bref, il n’y a pas plus d’ours brun en Lozère que de puma ou autres bêtes féroces, mis à part les trois hyènes qui rodent devant la grange.

Le médecin sourit, dévoilant à la face nicotineuse de l’inspecteur un sourire éclatant.

-Je vois, vous avez rencontré la production. Sacrées personnalités,hein?

Viala prit un air songeur.

-Liebmann ? C’est juif, non ?

-Oui, en effet.

-Que vous soyez médecin ne m’étonne pas, mais que vous vous occupiez des morts, si. Il n’y a pas vraiment d’argent à se faire dans ce milieu.

Le médecin perdit son sourire et dévisagea l’inspecteur d’un regard noir.

-Je n’ai pas le temps d'écouter vos propos antisémites inspecteur.

-Oh, non, ne le prenez pas mal. Je ne disais pas ça pour vous. Je suis juste un vieux curieux. De toute évidence vous avez le sens de l’honneur et j’aime bien ça. Mais continuez votre travail, je vais jeter un coup d’œil un peu partout.

Viala prit ses distances avec la fureur contenue du médecin pour flâner aux quatre coins de la grange. Un détail attira soudainement son attention. Entre les brins de paille, un bouchon d’oreille orange.

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