Place aux jeunes!
zephyr
Synopsis :Samedi 2 février, 11h45, Colette Martin, retraites de 75 ans, vient d’être abattue d’une balle entre les deux yeux alors qu’elle s’apprêtait à démarrer sa voiture.L’affaire, déjà particulière, se corse. La vidéo de l’assassinat est poste sur internet. A la fin du film, un lien internet s’affiche. Il renvoie sur une page internet contenant une seule phrase « Samedi 9 février, 11h45, un inutile de moins. » L’affaire est confie à Lisa Bachel, lieutenant spécialisé en comportement criminel. Au lieu de son partenaire habituel, elle va devoir faire équipe avec Bertrand Devan, un tout jeune lieutenant expert en système informatique. L’expertise scientifique a révélé que la balle a été tire par un fusil d’assaut classique. Le tir est d’une grande précision mais ne correspond pas a la technique, ni au matériel des tueurs d’élite. Le tireur est bien entraine mais ce n’est pas un pro. Lisa choisit de concentrer ses recherches sur la fédération de tir et les permis de port d’arme dans la région. Tandis que Bertrand s’acharne à trouver le propriétaire du nom de domaine du site internet et de retrouver l’auteur de la video.
Les tensions entre Lisa et Bertrand ne tardent pas à les diviser. La différence d’âge et de méthode de travail ont raison de leur entente. Mais au lendemain du deuxième meurtre promis par le site internet, ils vont devoir enterrer leurs conflits sous peine de se voir retirer l’enquête.
Cette vague d’assassinat ne fait que commencer. Comme le redoutent les autorités, les vidéos ne sont qu’un prélude a une propagande discriminatoire visant les plus de 75 ans. Relayés par les réseaux sociaux, les appels aux actes violents contre les personnes âgées vont se multiplier, encourages par celui que les internautes appellent « Le Faucheur ». A la veille d’un embrasement national ultra-radical, les deux lieutenants vont devoir jongler entre leur enquête, un journaliste à la déontologie inexistante et une population à protéger.
Début :
La vieille dame ouvre péniblement la portière de sa voiture. Gênée par l’épaisseur de son manteau rouge, elle a peine à s’installer confortablement derrière le volant. Alors qu’elle met la clef dans le contact, on entend un bruit de pétard mouille. Du sang explose dans l’habitacle, elle s’effondre brutalement sur le volant.
La vidéo se poursuit encore quelques secondes et se fige sur une adresse internet.
Patrick Roum, le chef divisionnaire prend la parole.
_ Samedi 2 février, 11h45 Colette Martin, retraitée de 75 ans a été abattue d’une balle dans la tête. La vidéo que vous venez de visionner a été postée sur internet moins d’une heure après le meurtre. Le lien qui s’affiche à la fin du film renvoie sur une page web. Un autre assassinat est prévu pour la semaine prochaine. Même jour, même heure.
Une nouvelle image s’affiche sur l’écran de la salle de conférence surchauffe de la PJ de Toulouse. Un fond noir, une seule phrase. « Samedi 9 février, 11h45, un inutile de moins. » Si on clique sur cette phrase, on peut télécharger un document PDF. Une sorte de pamphlet ultra radical qui prône l’extermination des plus de 75 ans. Il les juge responsables de tous les maux de la société.
Regardez un peu.
Un nouvelle page s’affiche sur le grand écran.
« … Les vieux sont des éléments inutiles à notre société. Des fardeaux ! Ils creusent le trou de la sécurité sociale, ils retiennent 40% du parc immobilier et ils dépouillent la jeune génération en les louant à prix d’or. Ils tuent nos jeunes car ils conduisent mal. Le prix de leurs retraites nous oblige à se tuer à la tache. Il faut nettoyer la société !... »
Les lumières se rallument. Patrick Roum du haut de son mètre soixante quinze, continue de sa voix trainante.
_ En moins de 24h, cette vidéo a été visionnée près de 150 000 fois. Et elle a fait des émules. Des dizaines de groupe Facebook ont été crées. Ils encouragent les actions de celui qu’ils ont autoproclamé « Le faucheur ». La plupart incitent leurs membres à faire des croches pieds aux vieux dans la queue du super marché. Mais d’autres, plus inquiétant, les poussent à lapider des personnes âgées dans la rue ou encore de bruler des maisons de retraites.
Lisa Bachel, lieutenant de police spécialisée en comportement criminel comprend mieux pourquoi elle a été convoquée à une heure si matinale un dimanche. Comme les deux autres personnes présentes dans la salle, Lisa n’a touchée ni aux jus d’oranges, ni aux viennoiseries.
Ce dont elle s’étonne en revanche, c’est que son co-équipier soit absent.
_ Comme vous l’avez sans doute compris, reprit Partick Roum, la situation est assez complexe. Nous n’avons pas seulement à faire avec un tueur en série. Nous redoutons que la dimension, disons, informatique de l’affaire réveille d’autre passions meurtrières chez nos concitoyens.
Lisa hoche la tête en signe d’acquiescement. Elle partage le sentiment de son supérieur.
Patrick Roum, malgré sa calvitie et son air pédant a toujours inspiré la sympathie chez ses collaborateurs. Lisa aime travailler sous ses ordres. Elle apprécie Patrick Roum pour ce qu’il est, un homme droit et professionnel.
_ Voila pourquoi je vous ai choisi tous les deux pour mener cette enquête.
Lisa se redresse sur sa chaise, pas sure de bien avoir compris la dernière phrase prononcee par son boss.
_ Excusez moi. Vous pouvez répéter ?
_ Oui Lisa, vous avez bien entendu. Vous allez faire équipe avec Bertrand Devan, dit-il en désignant la seule autre personne présente dans la pièce. Un jeune homme à qui Lisa aurait à peine donne 20 ans et qui la regardait avec admiration, des mèches de cheveux dans les yeux.
Ne vous fiez pas à son jeune âge. C’est un notre meilleur expert en système informatique.
Lisa furieuse, proteste.
_ Sauf votre respect monsieur, j’ai déjà un partenaire…
Patrick Roum, soupira d’impatience. Il supportait mal que ses décisions soient remises en cause.
_ Non seulement vous allez travailler ensemble mais en plus, je vous affecte à un nouveau bureau ! Le temps de l’enquête, vous irez vous installer dans le service de Bertrand.
Lisa leva les yeux au ciel d’exaspération. En plus de se coltiner un bébé geek , elle allait devoir bosser à la Grotte.
_ D’ailleurs, il est grand temps de vous y rendre ! Une dernière chose. Il planta tour à tour ses yeux dans ceux de Lisa et Bertrand. Cette affaire est prioritaire. C’est un ordre de Monsieur le maire en personne. Comme vous le savez, les élections sont cette année et il n’a pas envie de voir une partie de son électorat se faire massacrer par l’autre.
En résume, ne comptez pas vos heures supplémentaire, mettez votre vie prive au placard et arrêtez moi ce malade ! Ai-je été assez clair ?
Les deux lieutenants hochèrent positivement la tête.
_ J’ai déjà fais transférer toutes les pièces de ce dossier dans votre nouveau bureau. Au travail ! Ajouta Patrick Roum avant de quitter la salle de conférence, laissant en tête à tête les deux personnes restantes.
Lisa se leva, imitée par Bertrand. Alors qu’il s’avançait vers elle pour lui serrer la main, elle le détailla avec incrédulité. Il portait un tee-shirt humoristique avec un petit Dark Vador dessiné sur un préservatif qui disait, « Je ne serai pas ton père ».
Elle reporta son attention sur son visage presque juvénile.
_ Vous avez quel âge ? Lui demanda-t-elle avec le tact d’un 33 tonnes.
_ 24 bientôt 25. Et toi ?
_ Quand on est bien élevé, on ne demande pas son âge à une femme.
_ Oula, ca veut dire que tu as dépassé la quarantaine c’est ca ?
Lisa le fusilla du regard. Lui semblait s’amuser de la situation, sa mâchoire carrée se fendit d’un sourire révélant une dentition digne des meilleures pubs Colgate. Elle le sentait désinvolte et moqueur. Elle détestait qu’on la tutoie sans sa permission.
_ J’ai 39 ans et aucun problème avec mon âge !
Bertrand rie.
_ C’est ce qu’elles disent toutes !
Lisa soupira.
_ Je voulais te dire, reprit Bertrand, que je suis très fier de pouvoir travailler avec toi. Tu as une sacrée réputation. Je suis tres admiratif de ton travail. Surtout de la façon dont tu as résolue l’affaire Erasmus.
Bien que Lisa ne soit pas particulièrement sensible aux compliments, elle se radoucit tout de même.
L’affaire Erasmus avait fait sa réputation et son grade de lieutenant. C’est son analyse du comportement qui avait permis d’arrêter le meurtrier des étudiantes étrangère qui venaient étudier à la fac du Mirail. Il y avait eu cinq meurtres de jeunes femmes de nationalité différentes et qui avaient toutes été retrouvees mutilees chez elle. A l’époque tout le monde se focalisait sur un suspect. Un des agents d’entretien de l’université, connu des services de police pour violence raciale. Lisa était convaincue que le tueur était une femme. Les mutilations touchaient les cuisses, les hanches et le visage. En regroupant certains critères, elle avait pu arrêter la meurtrière et sauver in-extremis une victime.
La jeune femme au visage vérolé et à la culotte de cheval proéminente, mettait en confiance des étudiantes qui se sentaient isolees, les droguaient, les mutilaient puis les tuaient alors qu’elles étaient inconscientes. Elle leurs enviait leurs minceurs et leurs beautés. Dans un délire narcissique, elle pensait enlever la beauté de ses victimes pour se l’accaparer.
Elle laissa son nouveau collègue se rendre seul à la Grotte. Elle avait besoin passer un coup de fil a ses enfants. Son mari lui répondit d’une voix endormi. Professeur en collège prive, il avait fait la fête la veille avec ses copains lors l’enterrement de vie de garçon de l’un d’eux. Ses deux jumeaux dormaient encore. A bientôt 13 ans, ils commençaient gentiment à rentrer dans cet âge ou les adorables petits garçons se transformer en ado taciturnes.
Lisa sentait sa vie de famille lui échapper. Ses enfants n’avaient plus besoin d’elle et son mari s’était accommodé de ses absences. Comme des colocataires, ils se croisent, parlent des problèmes d’intendance mais chacun vie sa vie de son cote. Sans doute le secret de longévité de leur couple.
Apres une explication rapide avec son mari, elle se rend aux toilettes. Dans la glace, comme toujours, elle inspecte son reflet. Ses yeux noirs scrutent la moindre parcelle de son visage. Pour l’instant, elle est heureuse. Son corps ne lui fait pas encore défaut. Faut dire, elle l’entretien. Jogging quotidien, crème hydratante, soins en institut. Elle a bien fait de faire confiance à la jeune coiffeuse de son salon habituel. Cette coupe dégradée et la mèche qui lui couvre une moitié de son visage quand elle ne la cale pas derrière son oreille, la rajeunissent. Contrairement à la plupart des femmes, elle aime ses cheveux raides comme des baguettes et leurs couleurs noisette.
Située au sous-sol, la Grotte ou service informatique, rassemble une dizaine de personnes. Tous des hommes. Quand Lisa pénètre dans cet antre masculine, elle s’attend à prendre une vague de testostérone dans la figure. Habituée à travailler essentiellement avec des hommes, ca ne lui fait pas peur.
Pourtant, l’ambiance qui règne dans ce service n’est pas aux gros bras et aux démonstrations de force. Au contraire, elle à l’impression d’avoir à faire à une bande d’adolescents attardés. Un tas de figurines en plastique trônent sur les bureaux. Elle en reconnait certaines, comme la boite a cookie Superman ou le Spiderman en carton grandeur nature. A son entrée, tous lèvent la tête, l’open space en arc de cercle, faisait face à l’entrée. Elle pensait à tort que le tee-shirt humoristique de Bertrand était original, c’est sans compter sur ceux de ses collègues.
Le plus gradé, vient lui serrer la main. Sur son tee-shirt, il y a deux oiseaux très moches et un slogan « Please Angry Birds. Give my life back ».
_ Bonjour, je suis Bruno Chavet, le responsable de cette section. Alors c’est vous qui nous volez Bertrand ? Lui dit-il avec un sourire aimable.
_ Lisa Bachel. Il semblerait en effet. Rassurez-vous, il ne sera pas loin.
_ Oui, je vous accompagne au bureau. Est-ce que vous savez ce que nous faisons ici ?
_ Euh…vous réparez les ordinateurs ? Non je plaisante.
Bruno Chavet, lui sourit. La quarantaine passée, le visage doux et innocent, on lui donnerait le bon dieu sans confession.
_ Nous sommes spécialisé dans la lutte contre la cybercriminalité. Ce sont tous les délits et certains crimes commis au moyen d’un ordinateur. Les fraudes qui impliquent des systèmes informatiques comme l’utilisation de cartes bleue volées ou le piratage. La lutte contre la pédophilie, contre les sites qui encouragent au suicide, au terrorisme ou encore aux meurtres. Comme dans votre affaire. Ca représente un sacre travail.
Effectivement, malgré l’aspect décontracté du personnel et de l’espace de travail, chaque personne présente avait les yeux rives sur plusieurs écrans à la fois.
Bertrand, déjà occupé à lire le rapport préliminaire du légiste, ne leva pas la tête. Ils restèrent le reste de la journée à examiner les rapports de la police scientifique et élaborer une stratégie d’enquête.
Vers 17h, ils avaient enfin fini leur journée. Avant de se quitter Lisa voulait faire un dernier récapitulatif.
_ Donc, le rapport scientifique a conclu que la balle a été tirée d’un fusil d’assaut classique. Le tir est d’une grande précision mais ne correspond pas à la technique, ni au matériel des tueurs d’élite.
On penche donc pour un suspect bien entrainé mais pas professionnel. Demain, rendez-vous à 9h ici, on ira rendre une petite visite au centre de tir. L’après-midi on entrera la basse de données des permis de port d’armes avec le type de fusil utilisé. Ca te va ?
_ Parfait ! Moi j’en vais me concentrer sur l’origine de la vidéo. Les premières analyses de l’adresse IP n’ont rien donne. Toutes les requêtes HTTP qu’il a envoyé ont été relayées par un proxi en Chine.
_ Et en clair ca donne quoi ?
Bertrand soupira.
_ En gros, on ne sait pas d’où vient la video. Tu rentres chez toi ? Avec les autres on va aller boire un verre.
_ C’est dimanche soir et je voudrais un peu profiter de ma famille.
_ Moi la famille je la fuis. Ma copine a invité ses parents à venir manger mais je lui ai dit que je bossais.
_ C’est mal de mentir…
_ Bof ! Ca lui évite de piquer une crise.
_ Ouais. Bon. Une dernière chose ! Demain vient habiller, disons, convenablement.
_ Oui maman ! Promis, je mettrais une chemise propre.
Lisa lui jeta un regard torve. Elle regarda Bertrand partir avec soulagement. Son partenaire lui manquait. Avec lui c’était facile, un regard suffisait pour se comprendre. Avec Bertrand, elle devait supporter ses excentricités et sa nonchalance. Aucun courant ne passait entre eux.
Le lendemain matin, à 9h précise, Lisa attendait de pied ferme son collègue. Il arriva vingt minutes plus tard, des viennoiseries à la main pour se faire pardonner de son retard. Lisa l’envoya promener et il lui reprocha de ressembler à sa mère. Elle lui montra le journal régional daté du jour. En première page, s’étalait le meurtre du week-end précédent. L’événement faisait les gorges chaudes du journaliste. Sans aucune retenue, il évoquait le coté sanglant et froid du meurtre. Au lieu de rassurer les lecteurs sur le travail de la police, il pointait du doigt le retard de l’enquête.
Lisa fulminait. Le meurtre avait eu lieu à peine deux jours plus tôt. Comment pouvait-il attendre des résultats en si peu de temps ?! Pierre Catard, elle ne reconnut pas le nom en bas de l’article. Ce devait être un nouveau.
C’est dans un silence de plomb qu’ils arrivent à la fédération de tir. Toujours furieux l’un contre l’autre, Lisa demande à voir le responsable tandis que Bertrand part inspecter les installations.
A l’armurerie, il est surpris de voir une femme derrière le comptoir. Caroline Couato ne correspond à aucun des stéréotypes des fans d’armes à feu. Avec son visage d’ange et un sourire tendre, elle a l’air d’une princesse égarée. Bertrand commença par une série de questions simples.
Il apprend qu’elle travaille ici depuis trois ans en contrat étudiant. Elle est en maitrise à la fac de science. C’est sa sœur qui lui a trouvé ce travail. Elle connait le gérant. Et puis, c’est toujours mieux que de vendre des frites et de sentir la friture toute la journée. Bertrand acquiesce en souriant.
Il lui demande si elle a déjà essayé de tirer. Elle répond un par non catégorique. Les armes, ce n’est pas pour elle !
Il lui demande si elle peut lui faire faire un tour du propriétaire. Désert à cette heure, Caroline n’eut aucun remords à laisser le comptoir vide.
Malgré son interrogatoire discret, il n’apprit pas grand-chose de plus sur les usagers du centre de tir. Oui beaucoup ont l’air bizarre mais non elle ne voit pas qui aurait pu faire une chose pareille.
Apres un rapide tour du centre, Bertrand la ramène à son poste. Avant de la quitter, il prend ses coordonnées et lui donne sa carte professionnelle en l’incitant à appeler si quelque chose lui revenait. Ou pour les urgences. Conclu-t-il avec un clin d’œil.
En repassant par l’office, il demande à la secrétaire de lui sortir la liste des clients du centre, ainsi que les archives des records au tir au fusil et a l’arme de poing.
_ Votre collègue me les a déjà demandés.
_ Parfait ! Seriez-vous ou elle est en ce moment ?
_ A l’étage avec Monsieur Sinal. C’est au bout du couloir sur votre droite, prenez l’escalier et c’est le dernier bureau sur la gauche. Ca ne sert à rien de frapper à la porte car la pièce est complètement insonorisée. Il vous faut sonner sur le bouton à droite de la porte qui à l’air d’un interrupteur.
Bertrand reproduit exactement ses indications. Face a l’entrée, il trouve la porte entrouverte, il l’a pousse en s’annonçant et trouve un homme en train de mettre en joue sa collègue avec un fusil de chasse. Par reflexe, Bertrand dégaine à son tour et hurle à l’homme de poser son arme à terre et de reculer face au mur.
Lisa, d’une voix froide et forte intervient.
_ Pose ton arme Bertrand. S’il te plait. Pose ton arme.
(A suivre).