Midinette - version II

marjo-laine

Lundi, 8h45, Emmanuelle ne savait pas encore que l'amour pouvait entrer dans sa vie.  En retard, elle enfila les habits de la veille, engloutit une brioche et courut vers son tram. Après s'être ennuyée dans un amphi bondé, elle déjeuna sur le pouce. A 14h00, elle se plongea dans l'étude de Jane Eyre. A 18h00, elle irait voir un film. Elle rentrerait ensuite, avalerait un sandwich et se coucherait aussitôt. Mais en sortant du ciné, elle croisa Dany. Il lui proposa d'aller voir la bande au pub habituel.

Fumant clopes sur clopes, Nico les attendait. Il les salua d'un "Ouallélé! ". Une formule mystérieuse de son crû. Emmanuelle approcha sa joue de la sienne. "Salut Miss!  Quoi de neuf? " Elle balbutia un truc insipide. Elle s'assit sur la banquette, près de lui. Le grand blond approcha sa tête. "Alors, raconte !" Pendant qu'elle cherchait nerveusement quoi dire, Patrice débarqua, casquette vissée sur la tête, et lui posa immédiatement la question rituelle "Alors, c 'est ce soir qu'on sort ensemble? " Pff, hé Patrice, pourquoi la casquette  ?" "Parce que je perds mes ch'veux  !" s'empressa-t-il de répondre avant elle. Il demanda si on avait déjà commandé. "Ben, on t'attendait Poulet !" lui dit Nico. L'appellation volatile qualifiait bien l'animal qu'était Patrice. Il s'assit en face d'elle et fit bouger ses sourcils par de petits mouvements du bas vers le haut, l'oeil lubrique. "Arrête, les sourcils, tu le fais rire, ça me rappelle un mec qui m'a suivie un jour..."

Elle avait habilement saisi l'occasion pour raconter une anecdote. Son histoire ne suscita pas plus d'un commentaire de Nico. Dépitée, elle se tut et leva sa pinte qui venait juste d'arriver. "Yop! " fit Nico. Elle répondit par un "Ouallélé". Le grand blond était aux anges. Nico, loin d'être une structure mentale vide ne s'exprimant que par onomatopées, était au contraire leur rénovateur de langage, leur "maître à parler" en quelque sorte.

23 heures : Fred fit son entrée. Il se tenait devant leur table, glacial, comme d'habitude. "Salut les gens". Il tendit la main, que nous serrâmes à tour de rôle. "Bonsoir Monsieur Fred." Il se posta sur un tabouret, à l'écart. Manu arriva peu après. Il coupa court à toutes les conversations et monopolisa l'attention pendant une heure. Dans sa bouche, chaque évènement devenait une histoire, chaque personne, une caricature. C'était Manu à la plage et ses trente-six conquêtes, Manu à l'armée et ses incroyables galères et comment il avait réussi à monter dans la hiérarchie, par coup de chance. Manu était un personnage, un archétype, un véritable mythe.

Toutefois, on aurait aussi pu dire qu'il n'était qu'un dragueur de bas étage, égocentrique et paranoïaque;  un véritable mytho. Peu importe. Ce soir-là, il essayait de convaincre sa troupe de sortir danser dans une soirée étudiante. Emmanuelle se joignit à sa cause. Certains acceptèrent pour suivre le mouvement, pour d'autres, le goût de l'exploit avait été le plus fort : se coucher à quatre heures alors qu' on devait se lever à sept. Les derniers opposants cédèrent enfin, intrigués par la magie des trois mots "Bière à volonté".

Le couple Jmi et Jade fit son entrée, indécollables. Jade fit une bise à chacun, Jmi salua tout le monde, sauf Emmanuelle. Fred n'avait pas encore décroché un mot, s'étant contenté d'observer, occasionnellement de mépriser. Emmanuelle tenta de le dérider en lançant une vanne. Il la fixa et tendit le doigt vers elle : "Je te mets à l'index" fut sa sentence. Elle pouffa : "Chapeau bas, Fred, le sens de la répartie." Il la reprit : "le sens de la réplique". Il esquissa un sourire, puis reprenant sa froideur habituelle, continua à contempler derrière ses lunettes immenses leur banalité désolante.

A minuit et demi, ils étaient tous à la soirée dansante. Nico, Jmi et Patrice dans la voiture de Patrice à boire des bières. Danny, après maintes tergiversations, était finalement parti se coucher. Manu errait sur la piste. Fred était assis près du bar et matait. Emmanuelle et Jade dansaient sans entrain.

Jade arrêta soudain de se trémousser, emportée par un tourbillon nommé Jmi. Ils tournèrent violemment sur eux-mêmes, décochant au passage un coup de pied à Emmanuelle. Elle maudit Jmi et alla se coller sur une chaise. Elle observa le manège de Poulet et de Manu qui prenaient plus de plaisir à danser tous les deux qu'à draguer, risquant ainsi de faillir gravement à leur réputation. Jade et Jmi ne décollaient toujours pas. La moitié des étudiants étaient saouls, l'autre moitié allait pas tarder à le devenir. Elle se demandait si elle allait passer sa soirée sur cette chaise quand Jmi s'approcha. Elle se leva mais il détourna le regard et alla s'asseoir plus loin.

Elle prit la direction de la sortie. Dehors, il faisait froid, elle remit son pull qu'elle avait noué autour de sa taille.  Elle se mordait les lèvres. Qu'est-ce qu'elle foutait là ? Elle s'imaginait au chaud, sous la couette, à rêver à des trucs chouettes. Elle restait là, à pas savoir quoi faire d'elle, à se geler et à chialer.

Le déluge endigué, elle décida de regagner le bal des dégénérés. Dans le hall enfumé, une main se posa sur mon épaule, c'était Nico. "Dis, qu'est-ce qu'il y a? T'es enrhumée? ". "Ouais, c'est ça, j'en ai marre des gens. Jmi veut pas me parler." "Tu sais, les gens, faut pas se prendre la tête avec eux. Laisse tomber." Elle se mordait l'intérieur des joues. "Bon, j'y retourne." arriva-t-elle à balbutier. "Attends ! Attends, je t'emmène." Et, c'est ainsi qu'il la souleva de terre. Elle se cramponna à lui, surprise de quitter ainsi le sol. Il ouvrit la porte et traversa la salle. Il la retenait maladroitement, ses pieds buttaient contre les danseurs, mais c'était sans importance.

L'essentiel était que portée, élevée au-dessus de ces débauchés s'agitant sur une musique trop forte, elle n'était plus cette fille pleurnicharde, mais une princesse de conte de fées, menée au bal dans les bras de son prince charmant. Elle rencontrait enfin l'amour, c'était ça l'essentiel.

  • Bon, là je n 'ai pas le temps, je reviendrai plus tard. Ne te prends pas la tête pour ce concours, pour moi leur démarche n'est pas très légale et et, surtout, pas honnête. Demander aux auteurs, publiés dans un recueil commercialisé, de refuser leurs droits d'auteurs, ils sont sérieux ? Ce serait pour une bonne cause, je foncerai. Là il s'agit de mettre en vente un recueil, et donc d'enrichir bien gentiment un éditeur et un site. Nous, auteur, aurons le droit à des remerciements sur leur site (si si, j'ai échangé des mails avec eux). Bref, j'adore les concours, le cadre qu'ils donnent, l'inspiration des sujets, mais il ne faut pas déconner non ?

    · Il y a plus de 10 ans ·
    U3w9e40p

    Jeff Legrand (Djeff)

    • hé bien merci beaucoup du tuyau, j'étais pas encore allé lire leur règlement...le bête truc qui me freinait encore c'est le format word et la police truc. Et puis comme Hel, je préfère quand même ma première version, même s'il y a des passages maladroits. (mon texte le plus abouti- à mon avis- sinon,si tu souhaites en lire :"Transfert").

      · Il y a plus de 10 ans ·
      Zen

      marjo-laine

  • merci Hel, j attendais ton avis :-) En fait, j ai réduit et passé à la dernière personne pour répondre aux contraintes d un concours...c est peut être plus efficace mais ça a perdu de son âme au passage...merci!

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Zen

    marjo-laine

    • Ah ces contraintes de concours...M'en parle pas ! ^^
      Je comprends mieux, bien tu gagnes un parfum peut-être plus contemporain, un rythme certain et qui sait comment je l'aurais lu sans avoir le goût de la première...Te faudrait un lavis vierge de la première version sûrement. Je te souhaite bonne chance pour ce concours en tout cas !

      · Il y a plus de 10 ans ·
      Avat

      hel

    • merci Hel, je vais voir si j'arrive à candidater (j'ai encore trop de caractères grr)

      · Il y a plus de 10 ans ·
      Zen

      marjo-laine

  • J'au lu la V2 puis la V1 pour vérifier "la mémoire" de mon ressenti, et re la V2. Alors et c'est subjectif sans doute mais définitivement pour moi se sera la V1. Je note une version beaucoup plus rythmée ici, peut-être trop, je sais pas, j'y suis en tout cas moins sensible, je trouve qu'on le vit moins de l'intérieur, y a pas ce même parfum que l'on trouve dans première version, qui s'attarde plus mais se laisse à mon goût mieux ressentir. Après celle-ci est peut-être sans doute plus dans l'air du temps, et je lui préfère l'air d'hier :)

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Avat

    hel

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