Miou sous les toits 2

W

Sédimentations du souvenir.

 2.


Il s'en est passé du temps depuis cette histoire, me dis-je. Je relève les yeux de mon plan de travail et contemple un temps les lumières du crépuscule. Raconter ces évènements, c'est quelque chose. Je me gratte le menton tout en songeant à cette foule de souvenirs qui me remontent de ces années là. Dehors, la vie nocturne bat son plein ; les automobiles jouent de leur bruit de phares et de klaxon pendant que les rires des fêtards me parviennent d'en bas de l'immeuble. Troisième étage, fenêtre ouverte, un petit appartement dans une grande ville. Une certaine sérénité dans le cœur, bercée d'un étrange mélange d'amour et d'amertume. L'exploration de cette portion de mon passé fait renaître en moi un torrent d'émotions, vécues ou refoulées. Je regarde les lignes déjà écrites. C'est fort peu mais je préfigure déjà la suite, je revois les gestes, je réentends les sourires tandis que d'antiques parfums viennent colorer mon esprit de leur exotisme ou de leur anachronisme. Les parfums… j'aurais voulu en enfermer quelques uns pour qu'ils me racontent leur histoire, plus tard, quand leurs accords ne seront plus que souvenirs évanescents et vestiges nostalgiques. Je me dis que l'écriture m'offre un peu cette aptitude à conserver ce qui s'étiole au gré du temps. En m'improvisant Jean-Baptiste Grenouille des mots, je peux préserver les saveurs mielleuses des moments qu'on immortalise habituellement par une photo, éclat instantané de bonheur dans le silence pesant des années.

 

Puis le téléphone sonne.

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