Mirage dans le cosmos
Jérémy Da Silva
Je m'enfonce dans l'épaisse pénombre, velouté de fibres cancéreuses, qui m'exhorte à déambuler maladroitement. La remise en question est instinctive. J'observe alors le faisceau lumineux provenant de l'entrebâillement des fenêtres, plongées dans l'abîme. Ce mysticisme diffus me parvient en échos, mais je le perçois distinctement. Tous ces individus qui se cachent, pensant avoir trouvé leur moitié. Le cadre paisible d'un appartement, la nuit. Pour y vivre selon la règle commune, il advient de laisser sur le paillasson de l'entrée une part de notre dignité. On la récupèrera au vol le lendemain matin, avant de se lancer pour un nouveau jour de travail abrutissant. Ces gens font ce que leurs parents faisaient avant eux. Ce que la société exige d'eux. "There is no alternative", pour paraphraser une Dame qui rêvait de s'éloigner de l'âge du Fer grâce au capitalisme. "Try again". Face à cette masse informe d'individus désœuvrés, je ne suis qu'un cloporte. Vil. Insignifiant. Quand je vadrouille la nuit dehors, une force occulte m'assaille sans crier gare. C'est une pression à la fois noble et avilissante.
Un réverbère cadavérique se détache, dans le lointain. Il m'apparaît d'abord comme une voie de salut. Puis, à mesure que je m'en approche, il vient m'évoquer l'ordonnancement de la ville, où les lignes droites s'amoncellent dans le but de structurer un espace au sein duquel la vie ne sera pas respectée. Ma petite personne est une inadéquation. Rien de plus. Je suis le grain de sable qui n'enrayera pas la machine, mais finira au contraire concassé par le poids des impératifs moraux. D'un côté, j'envie l'ignorance de cette majorité pleine d'orgueil, qui croît orienter le cours du monde à sa guise. Les salutaires droits et devoirs de notre sacro-sainte République, vous savez... Ce n'est pas parce qu'ils envisagent le restant de leurs jours à travers une grille de lecture conventionnelle et imposée qu'ils sont pour autant malheureux. Au contraire, plus on est au fait des nécessités opératives tout autour de nous, plus le chemin vers la rédemption s'avère hasardeux. Je me place alors en vue de dessus, comme Lars Von Trier au début de "Dogville", et constate la supercherie ambiante. Pour m'y plonger au final. On ne peut s'en vouloir qu'à soi même face à cette absence de perspectives qui plane sur notre communauté.
Et je n'ai pas envie de rentrer chez moi. Marcher me permet, si ce n'est d'évacuer mon angoisse, du moins de l'affronter en n'étant pas démuni. Mes pensées vont bon train. Si je suis méchant envers l'autre, c'est pour l'amener à prendre conscience de sa situation. Ils nous enjolivent ces millions d'années d'évolution mais en restent à la surface. Je vois dans l'interstice du présent, ça et là, des bribes de pulsion que l'homme ne peut refréner. La conquête. Le "toujours plus". Les futilités. Ne parlons pas de politique. Je n'en ai ni la force ni la prétendue "légitimité". Alors je rentre dans mon appartement, et je n'ai pas le courage d'écrire. Mon esprit manque d'organisation pour mener un projet à son terme. Mes rêves placardés. La hantise du vide à combler me terrasse alors. Certains font des enfants pour laisser une trace d'eux sur terre. Pour ma part, je prend une plume. En espérant que ces quelques lignes n'ont pas été qu'un mirage dans le cosmos...
je ne peux m'empêcher de penser en lisant votre texte à Luc Dietrich ; si vous ne le connaissez pas, en voici quelques extraits,
· Il y a plus de 8 ans ·http://welovewords.com/documents/luc-dietrich
fionavanessa
et encore,
· Il y a plus de 8 ans ·http://welovewords.com/documents/cri-2
fionavanessa
La comparaison est flatteuse, je vais me renseigner plus amplement à son sujet, merci :)
· Il y a plus de 8 ans ·Jérémy Da Silva
La plume nous aide à soulager nos maux ...
· Il y a plus de 8 ans ·Louve
C'est en effet ma meilleure alliée dans les périodes de trouble :)
· Il y a plus de 8 ans ·Jérémy Da Silva