Mirage [Diptyque II]

--mephisto--

Entre mes doigts s'écoule un peu de cette poussière

De ces fragments ocre et feutrés, traces éphémères

De ma jeunesse nomade.

Ces mêmes traces qui,

Le long des caravanes, se hissent en volutes,

S'envolent et puis chutent

Et puis recommencent, tandis que la file avance,

Devance les dunes, les embrasse, les écrase,

Estampillées par la grâce,

Des derviches tournant à l'obsession d'ailleurs.

Celle d'une oasis artificielle capable de sauver les âmes de la canicule.

Je reviens donc sur mes pas,

Jouer à reculons dans ce bac à sable géant

Retrouver les cités enfouies,

Que j'érigeais jadis à chaque halte

Et que je fréquente, au bout du compte,

Dont je piétine l'asphalte.

Comme un inconnu qui se fendrait dans la masse,

Qui trépignerait d'impatience

Au centre de foules sans visages, dispersées dans les rangs,

Parmi des files immuables

Qui cheminent elles aussi, et nous aussi,

A notre rythme, et moi avec

Moi, devenu grand, enfin adulte, à mon tour

- ce tour que j'attendais tant -

Bâtisseur pas à pas de l'une de ces rangées

Fastes mais dépeuplée,

Dont la seule certitude fût de se muer en son propre repère.

A noter, à l'heure où je vous parle, je m'en éloigne.

Je le sens.

C'est en train de disparaître,

Tout comme ce sable se vide entre mes poings serrés

Sensation étrange d’une volte-face imminente.

Une certitude cependant : j'avais la foi,

Elle m'a toujours suivi.

Maintenant, je la précède; le temps est venu.

Le temps...

Derrière lequel j'ai couru, immobile

Et qui désormais me poursuit sans relâche.

Mais je n'ai plus peur. Je vous le promets.

C'est de l'histoire ancienne.

Je gomme le faux, j'affine le trait,

Délaisse le passé d'une révérence,

Et quand il n'en restera plus rien,

Quand tout ce sable se sera évanoui

Alors...alors je redeviendrai l'architecte clairvoyant de mon enfance.

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