Miroir, mon beau miroir

Möly

Je me trouve moche. 31 ans. L'adolescence m'est passée dessus depuis bien longtemps et pourtant, à un âge soi disant « mature » et « adulte », j'en suis toujours au même point : je me trouve pas terrible, pas attirante. Je ne rentre pas dans les « standards de beauté » que je m'acharne à vouloir détruire, contre qui je lutte pour moi et pour toutes celles qui en sont victimes. Et pourtant...derrière ce mépris des stéréotypes se cache une profonde envie d'en être.

J'ai des petits seins, un gros cul, une trop petite bouche, de grands yeux, des grains de beauté partout, des cheveux pas assez lisses, de la cellulite, des boutons par ci par là, des dents plus ou moins droites. Je ne fais pas une taille 36, je ne suis pas sportive, pas filiforme. Et mes formes ne sont pas vraiment là où il faudrait.

Je suis assez triste d'avoir ces mêmes rapports conflictuels avec un miroir, d'avoir cette impression d'être en éternelle crise d'adolescence face à mon reflet. Pourtant, je fais en sorte de me trouver jolie, de m'apprécier. Mais...ça n'est jamais satisfaisant. Je ne suis pas assez canon pour me permettre de n'avoir rien à dire et pas assez intelligente ou talentueuse pour me permettre d'être moche. Comme beaucoup de femmes, en fait, je suis un entre-deux. Ni trop mais surtout pas assez. En me relisant, je trouve ça affligeant ce que je dis mais ça n'est pas sorti de nulle part, d'une crise de la trentaine bientôt passée. Peut-être que la trentaine, comme toutes les autres dizaines, apportent son lot de questionnements, de doutes et de regrets mais non, cette exutoire n'est pas dû qu'à mon âge.

Je suis passée par l'enfance, l'adolescence -et tout le monde sait à quel point cette période est terrible-. L'adolescence...le mal-être et les complexes. Et les copines plus jolies que toi. Et les garçons qui le font savoir. Et ne jettent pas un œil sur toit. Ha l'adolescence... Les premiers flirts, premier baiser et la première fois, n'ont pas changé grand chose à l'image que j'avais de moi-même. J'ai grandi et malgré les histoires d'amour et les coups d'un soir, j'en étais toujours au même point. Les années ont passé et en septembre 2020, je suis toujours cette ado mal dans sa peau. À 31 ans.

Et je le sais, je le sais très bien, que je ne suis pas la seule. Et c'est bien ça qui m'attriste et me met en colère. Pourquoi sommes nous une bonne majorité à nous regarder dans le miroir sous toutes les coutures, à pointer du doigt le moindre défaut, la moindre trace d'échec physique ? À cause d'Instagram, de Facebook, de Youtube, de Biba, de Glamour mais aussi à cause du cinéma, des séries, des jeux vidéos, des bandes dessinées et bien sûr de la publicité. Dans tous ces médias que je viens de citer, vous trouverez des femmes en bikini, en séance de fitness, se préparant un smoothie et un vegan bowl vide de plaisir et pleins de bonnes choses pour éviter à leur cul de doubler de volume, des mannequins squelettiques, immenses et au visage lisse comme du papier glacé, des actrices sublimes à qui on interdit de vieillir et qui finissent botoxées et figées dans leur jeunesse passée, des acteurs de 60 piges qui préfèrent se taper des jeunes femmes de 20 ans plutôt que d'accepter la vieillesse de leurs congénères féminines, des jeux vidéos et bandes dessinées où règnent sexisme et hyper sexualisation et la pub....ai-je encore besoin d'en parler ?


On va me dire -comme à chaque fois que je parle de sexisme, de féminisme, d'égalité des droits- que quand même y'a eu des évolutions et quand même ça change et quand même, maintenant, sur les podiums on les force plus à faire du 32 et dans les jeux vidéos on peut être autant un héros qu'une héroïne. Mais ce sont des changements infimes, pointés du doigt parce que c'est tellement surprenant au lieu d'être juste normal. Et les mannequins grandes tailles, les vraies pas des femmes qui font du 38 -qu'on arrête de nous prendre pour des connes- on en reparlera quand elles seront partout dans les vitrines. Les tailles 46, 52 et plus, elles sont représentées dans quelle vitrine ?

Les réseaux sociaux sont un pot pourri de fausses vies, de vies inventées qu'on a manquées. Mais quand bien même, les publications qu'on y voit ont un impact et si c'était pas quelque chose d'avéré, il n'existerait pas d'influenceuses ou d'influenceurs. Ces personnes perpétuent à vanter un système de merde, qui devrait être désuet. Mais qu'est-ce qu'on aime montrer sa taille fine et son cul rebondi dans un beau maillot de bain sur une plage à Santorin !


Quel est l'objectif de ces déblatérations ? Il n'y en a pas vraiment. De partager, de faire résonner, faire écho et de se soutenir. De dire les choses, de s'en libérer parce que ça fait du bien.

Je suis triste d'avoir à subir cela et de vivre cela, triste qu'on ait toutes à le subir à différentes échelles : je n'ai jamais été grosse et n'ai jamais été victime de grossophobie, mais c'est grave. Il va falloir arrêter de continuer dans ces schémas de fonctionnement. Ça me rend triste aussi, quand parfois, ce sont des proches, des personnes que tu rencontres, somme toute, sympathiques qui, d'une remarque maladroite s'embourbent dans ce raisonnement stéréotypé et le valident sans le vouloir. Personne n'a envie de s'entendre dire qu'iel est moche, ou effectivement pas aussi belle ou beau que la moyenne. Comme pour pleins de choses, quand on a pas demandé notre avis, il vaut mieux se taire. La beauté est plus ou moins subjective et on ne trouve pas tout le monde à son goût, cela dit ce n'est pas nécessaire de faire comprendre à quelqu'un.e qu'iel est pas terrible s'iel n'a pas demandé à le savoir. Et là, encore, c'est tout de même délicat à dire et brutal à entendre.

Bref, si on arrêtait juste d'encenser des femmes et de les valider pour leur physique, qu'on arrêtait la violence envers les physiques « hors-normes » (et j'insiste sur les guillemets), qu'on arrêtait de demander aux femmes intelligentes et pas assez belles d'avoir à prouver plus que leurs congénères masculins et qu'on arrêtait d'ignorer et de snober celles qui sont juste entre les deux et qui n'ont pas aucune valeur pour autant.

En gros, est-ce qu'on pourrait arrêter de faire chier les femmes, UN JOUR ?


À bon entendeur...et bonne entendeuse...


  • Sans vouloir te décevoir, mais je pense que la réponse à la question finale est : non. Ne t'attends pas à ce que la femme soit un jour envisagée autrement.
    Une fois qu'on a compris cela, il faut essayer de vivre pour soi. Tu dois être consciente que tout ce temps que tu perds à pester contre toi, n'est pas utilisé à profiter de ce que la vie t'a donné. Et quand un jour tu cesseras de râler, ou quand tu seras bien vieille, tu te diras que tu n'étais peut-être pas si moche à 31 ans et que tu as laissé passer beaucoup de temps irrattrapable...
    Pardon pour ma réponse dure, j'en conviens, mais n'attends pas que la société ou qu'un homme ou que la vie te rassure. C'est à toi de le faire et tu verras les choses beaucoup plus simplement. Courage !

    · Il y a environ 4 ans ·
    Coquelicots

    Sy Lou

    • Ha non mais je profite, je profite. ;) c'était un cri de colère général, et derrière ce monologue de pensées déprimante, je reste justement optimiste quant au fait que cela changera un jour. Je le vois aussi autour de moi, avec les gens que je côtoie, l'homme avec qui je partage ma vie. Seulement, il y a des choses qui pèsent et qui marquent, des choses qui nous révoltent et je ne suis pas du genre à abdiquer.
      Mais je comprends très bien ton message et je te remercie d'ailleurs pour ton commentaire. :)

      · Il y a environ 4 ans ·
      Texel

      Möly

    • C'est moi qui te remercie pour ta compréhension. J'avais regretté mon "emballement" dans ma réponse, craignant de te froisser ou que tu n'interprètes mal ma réponse.

      · Il y a environ 4 ans ·
      Coquelicots

      Sy Lou

  • beau texte

    · Il y a environ 4 ans ·
    Capture

    maruki

  • Ah oui, alors, qu'on arrête !! Mais je ne crois pas en fait que cela s'arrête un jour. Cela dit, le meilleur remède, c'est de regarder les gens autour de soi, lorsque l'on fait les courses par exemple. Franchement, à part la jeunesse qui est forcément belle, il y a peu de canons !
    Cela dit je me souviens d'une anecdote -parmi d'autres d'ailleurs - Il y a quelques années, à un enterrement, une femme que je n'avais pas vu depuis 30 ans me sort en venant vers moi :"Comme vous avez changé! " Vu, qu'à 60 ans, on ne peut avoir le même visage qu'à 30, j'ai trouvé cette réflexion vraiment très déplacée, surtout en ces circonstances. Bien sûr que l'on voit les gens vieillir, tout le monde vieillit. (Elle aussi d'ailleurs, forcément) Elle aurait mieux fait de me présenter ses condoléances ou me dire un mot gentil. Jamais, je ne critiquerai le physique de quelqu'un, c'est vraiment aberrant ! A côté de cela, j'ai retrouvé une personne récemment, qui ne m'avais pas vu depuis très longtemps, puisque je n'avais qu'une vingtaine d'années, qui a trouvé que je n'avais pas changé. Comme quoi, les avis sont partagés ! ça console un peu. Allez courage Maureen ! Amitiés !

    · Il y a environ 4 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • Merci Louve. Ça fait toujours autant plaisir de partager des textes ici, même si je le fais moins souvent.

      · Il y a environ 4 ans ·
      Texel

      Möly

  • Les miroirs mentent :)

    · Il y a environ 4 ans ·
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    Edgar Allan Popol

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