Mission : codex DE2012

katherineravard

Paris, le samedi 1er décembre 2012.

Appartement de Jean-Claude Varin.

-  Mais ouiiii Stéphan ! Je te les apporterai lundi, comme promis...

 A chaque fois que Stéphan Richard bipait mon portable lorsque j’étais en week-end à Paris, c’était invariablement pour que je lui ramène deux ou trois vinyles que l’on pouvait encore dénicher chez Boulinier, boulevard Saint-Michel...

-  Et si tu vois une encyclopédie sur la culture maya je prends aussi, ajouta t’il précipitamment.

-  Ca fait au moins cinq fois que tu m’appelles, je ne risque pas d’oublier lui répondis-je ironiquement ! Ecoute, il faut que je laisse maintenant, c’est l’heure du bulletin météo… Capito ?

-  Ah bon ! il est déjà 20h35 …. Dingue ce que ça passe vite, je vais le regarder aussi… bien que de toute façon je ne crois plus beaucoup aux prévisions de ton père…. Sans vouloir te vexer, je trouve qu’il se plante trop depuis quelques jours, ca devient pénible …

-  Comme si c’était facile en ce moment, rétorquais-je d’un ton agressif. Même un grand médium n’arriverait pas à prévoir la gravité des évènements qui s’enchaînent à toute allure.. et puis tu sais, si les observateurs qui relèvent les températures se plantent… au final mon père ne peut pas faire une bonne synthèse et si la synthèse est fausse eh ben… ses prévisions sont fausses aussi, tu piges ?

Stéphan pigeait surtout qu’il ne valait mieux pas polémiquer en entendant le ton agressif de ma voix au téléphone. « En plus, songeait-il, ce n’est vraiment pas la meilleure méthode pour demander un service à un pote » …

«  les vents, les pressions et  l’humidité de l’air, continuais-je piqué au vif, si tu connaissait tous les critères qu’il faut analyser… tu serais plus clément dans ton jugement sur son travail » !

Le sujet était tellement épineux depuis plusieurs semaines que les attaques verbales sur les prévisionnistes des chaînes de télévision étaient d’une rare violence…

-   Le prends pas mal, Julien… mais je te dis juste ce que pense la moitié des gens autour de moi… la direction de France 54  ferait mieux de supprimer la rubrique météo jusqu’au 21décembre, ce serait plus facile pour ton père et après les choses devraient se tasser comme si de rien n’était » …

Depuis la rentrée de septembre, Stéphan Richard était dans le même groupe que moi à E.S.J. Lille pour élaborer un dossier pratique sur le mayanisme...

-   Et toi finalement, ca te fait pas flipper de savoir qu’on va peut-être tous y passer dans trois semaines ?

Je n’avais pas envie de lui confier maintenant ce que j’avais sur le coeur. D’ailleurs, je me méfiais toujours un peu de lui. Il avait toujours le chic pour fayoter au maximum auprès de certains enseignants et pour repérer les meilleurs élèves du groupe qui pourraient l’aider un jour ou l’autre à finaliser un sujet qui ne l’inspirait pas... Sans parler de sa manie de faire des fiches thématiques sur tous ceux qui l’approchaient. C’était une véritable base de données sur pattes. Il ne s’en cachait pas d’ailleurs… Toutes les informations étaient analysées, triées et finalement écrites sur des fiches en carton couleur selon une thématique assez classique  (sport, musique, cinéma, peinture, littérature, etc). Ce qui le faisait kiffer au maximum, c’était de tout savoir à l’avance sur la personne qu’il avait en face de lui de façon à pouvoir utiliser au mieux les informations qu’il avait récoltées…Elèves, professeurs, médecins du travail, infirmières, tout le monde y passait.  Je pense qu’il se promettait un bel avenir avec ce type de pratique. Moi qui détestait montrer mes préférences, j’avais choisi de lui mentir effrontément et le plus longtemps possible. Il ne savait même pas que j’avais une nouvelle petite amie d’origine mexicaine que j’avais rencontrée suite à une visite guidée au Père Lachaise. Nous nous étions revus plusieurs fois là-bas. Ce fut une révélation…

 -  Julieeennn, tu m’écoutes ????

Stéphan ne supportait pas de parler longtemps dans le vide.

-    Mais oooui ! Tu sais, ca me fait flipper comme tout le monde mais, en y réfléchissant bien…je mets plutôt ça sur le compte du réchauffement climatique… En tout cas, je suis assez sceptique sur cette histoire de calendrier maya !

-    Hé ben j’admire ton calme, répondit-il… moi, je suis à l’Hexomil depuis plus d’un mois ! Impossible de dormir convenablement …

-    Je suis sûr que tout va bientôt rentrer dans l’ordre …et puis tu verras avec les fêtes du Nouvel An, on fera une grosse teuf entre trois téquilas et des montagnes de tacos !

-   Si seulement tu avais raison… bon, en attendant on compte sur toi pour le pot mardi soir  ?

-   N’aie pas peur Stéphan, j’y serai et avec tes vinyles. A plus….

Je raccrochais brusquement pour ne pas rater la nouvelle prestation de mon père qui faisait la pluie et le beau temps depuis maintenant 8 ans à la télévision…. Bien sûr, à 18 ans, ce n’était pas la première fois que je l’observais devant l’écran cathodique mais depuis le divorce épineux auquel il avait dû faire face, je faisais un effort particulier pour suivre son travail car il devenait légèrement dépressif et souvent distrait ….Comme si toutes les catastrophes qu’il annonçait à la télé le touchaient personnellement …. C’était flippant, surtout pour moi qui l’avait toujours connu de bonne humeur et plein de projets dans la tête… J’allumai le poste. Le journal de 20 heures venait juste de clôturer sur une hécatombe de mauvaises nouvelles économiques et le jingle du bulletin météo résonna juste derrière. La silhouette de mon père apparut devant la carte de France striée de légers dessins aux couleurs vivaces. Il était plutôt séduisant dans son nouveau costume bleu marine qui lui donnait une fière allure de capitaine de croisière au long cours…. Pourtant, à y regarder d’un peu plus près, on pouvait deviner le vrai stress d’un présentateur météo expérimenté et soumis en permanence à une pression médiatique démesurée... Ou alors j’avais un don de double vue contrairement à la majorité des gens !

 Pour les directeurs de France 54, le bulletin météo représentait le sésame qui ouvrait la porte d’un monde meilleur vers l’Audimat. Le bulletin se devait donc d’être impeccablement maîtrisé car la direction pariait sur le fait que le téléspectateur ne zapperait pas sur une autre chaîne s’il était séduit par la teneur des informations données à ce moment là. La politique de la maison était d’ouvrir la soirée par un bulletin sérieux, de bonne qualité  mais en lui donnant néanmoins quelques touches d’humour et de légèreté… chose que mon père avait bien du mal à faire passer en ces temps de crise existentielle …. Malgré le maquillage épais auquel il avait eu droit, on voyait que les traits de son visage étaient tirés. Je devinais l’ampleur de ses angoisses dues sans aucun doute aux nombreuses heures passées devant l’ordinateur à effectuer les synthèses qui lui permettaient de faire les fameuses prévisions météorologiques. …. Il commença son speech par des informations locales sur les avalanches de neige qui avaient encore noyé les Pyrénées avant d’alerter la population sur une alerte orange Neige-verglas sur la moitié Nord-Est de la France … Le blabla habituel suivait concernant les températures glaciales qui touchaient la majorité du territoire et qui étaient de toute façon en général en dessous de zéro … Lorsque je vis la température de 19° s’afficher sur la carte représentant l’île de Beauté, je repensais au projet de ma mère d’acheter une résidence secondaire à Porto-Vecchio. La sonnerie du téléphone interrompit mes rêveries corses.  Je me soulevais du canapé pour décrocher.

-   Alors, Nostradamus de pacotille, tu vas nous faire encore le grand jeu ?? La prochaine fois, le grand blizzard ce sera pour toi et ta nouvelle lune endimanchée….

-   Tu vas la FERMER, connard…..hurlais-je hors de moi, en jetant vigoureusement le téléphone sur la banquette.

J’étais rouge de colère. Sans pouvoir contrôler les palpitations de mon cœur qui tambourinaient comme un cheval au galop. Pourtant j’aurais dû prendre les choses différemment puisque c’était tous les soirs la même rengaine après la diffusion du bulletin. Depuis quinze jours, mon père était le bouc émissaire de tous les mauvais plaisantins de la Terre qui se défoulaient sur lui à défaut de pouvoir faire autre chose… c’était hallucinant la passion qui pouvait se déchaîner sur un présentateur de bulletin météo… la passion et la haine car la majorité des communications étaient maintenant beaucoup plus menaçantes comme si mon père était Dieu lui-même, programmant d’un coup de dé magique plusieurs  lundis au soleil contre quelques dimanches sous la pluie ….Je n’osais pas encore imaginer la tête qu’il allait faire ce soir…..Avant même que je n’ai eu le temps de me ressaisir, la clé tourna dans la serrure et il fit son entrée dans l’appartement que nous occupions dans le XVème. C’était un beau trois pièces en duplex que ma mère avait bien arrangé malgré les difficultés financières du moment. Décoratrice d’intérieur, elle lui avait donné un look sobre et chaleureux mélangeant les matériaux en bois ancien et le marbre de Carrare de l’entrée qui faisait l’admiration de ses amis parisiens.  Ma chambre était à l’étage, remplie de bandes dessinées et de cd pop rock des années 60...

 Je décidai de filer dans la cuisine pour éviter une sempiternelle conversation sur les résultats de l’audimat. D’un bond, j’étais arrivé devant le congélateur que j’ouvris précautionneusement. Avec ses nombreuses boîtes alignées en file indienne, il était difficile de faire un choix. Je voulais bien faire un effort et préparer un bon dîner à mon père mais pour le moment, ma volonté se résumait à décongeler une pizza royale qui me semblait faire l’affaire pour son samedi en célibataire…

-   Papa, je suis dans la cuisine … ca te dirait une pizza avec de la salade verte  ?

Il passa la tête à travers la porte de la cuisine.

-   Julien, c’est une gentille intention de vouloir préparer mon dîner..Tu sors ce soir ?

-   Euh ! Oui papa, j’ai un anniversaire chez un pote dans le XVème. Je te l’ai dit hier soir ….

-   Ah oui, c’est vrai, j’ai un peu la tête ailleurs en ce moment … en tout cas, je veux bien une salade verte avec ma pizza  !

-   Super ! je vais la vinaigrer comme tu aimes …

-   Je suis complètement vanné ce soir, j’ai eu une de ces journées, affreuse… tiens, j’ai même pas envie d’en parler  !

-   Prends-toi un martini, ca va te détendre » lui répondis-je gentiment.

-   Tu as raison, on va se prendre un petit apéritif avant que tu partes à ta soirée. Au fait, Alexandra devait passer prendre sa clé USB qu’elle avait oubliée l’autre jour, tu ne l’as pas vue ???

-   Non, je viens juste de rentrer.

-   Je vais voir dans le bureau si le macbook a changé de place….Au fait, ne rentre pas trop tard  car nous sommes invités à déjeuner demain midi…

-   T’inquiètes pas, je rentrerais pas trop tard …

Il sortit de la cuisine et se dirigea vers leur chambre qui jouxtait la salle de bain. Alexandra Palmer était la nouvelle copine de mon père qui faisait des incursions rapides dans notre appartement et s’éclipsait discrètement à l’aube pour ne pas perturber le cours de notre vie entre hommes et que nous avions mis bien du temps à apprivoiser. Nous avions eu des moments très durs, des échanges pleins de haine et de rancœur, comme toutes les familles recomposées… Puis, la vie avait repris ses droits et nous étions arrivés à un quotidien tranquille qui nous assurait une paix éphémère. Maintenant je n’avais plus que lui auprès de moi car ma mère avait déménagé à Londres pour créer une ligne de meubles design avec un ancien copain d’école qu’elle avait retrouvé un beau jour dans un cocktail parisien. Elle officiait maintenant dans Sydney Street où, d’après les rumeurs des réseaux sociaux, sa boutique avait l’air de cartonner auprès de la clientèle branchée londonienne…J’étais entrain de finir un martini on the rocks lorsque la sonnerie de l’interphone résonna à travers le mur.

-   J’y vais papa. C’est sûrement Eric qui vient me chercher …

-   D’accord Julien, passe une bonne soirée….

Je descendis en trombe les escaliers et rejoignit Eric et Isabelle, mes amis parisiens, dans la Renault Twingo gris métallisé qui était stationnée en bas.

-   Alors Julien, toujours prêt pour le grand saut dans l’inconnu ?

-   Je ne sais pas ce que vous tramez mais vu vos mines, je m’attends au pire ...

-   Allez on roule et direction le Père-Lachaise pour retrouver les autres…

-   Le Père-Lachaise, tu rigoles ? C’est fermé à l’heure qu’il est …

Isabelle se retourna vers moi pendant qu’Eric venait de monter le son de l’autoradio. Les bourrasques de vent montaient en puissance pendant que les flocons de neige commençaient leur danse hivernale.

-    Ecoutez le flash info s’exclama Eric, on dirait qu’il se passe quelque chose de grave ...

« La porte-parole de l’E… vient de nous info… à l’instant que l’avion présid…le Falcon 7X aurait été frappé par la f… alors qu'il était en r… à 16 heures pour Vladivostok. Un front de cumulonimbus t….. à ce moment l'est de la F »…

-  Monte le son Eriiiiiiic ! Avec ce vent, on entend que des bribes d’informations qu’est-ce-qui se passe, bon sang ?

« Nous attendons encore une confirmation du service de presse de l’Elysée mais il semblerait que l’avion du président de la République ait été détourné par un commando terroriste dont les revendications restent encore inconnues à ce jour… « 

 

 Paris, le dimanche 2 décembre 2012.

Commissariat de quartier.

 

-   Alors, Varin, tu vas cracher le morceau où tu préfères que l’on te laisse en cage avec tous les néo-rockers qu’on a ramassé cette nuit au Père-Lachaise ?

L’inspecteur principal Dubois perdait patience. Son visage plutôt jovial au début avait maintenant viré vers la couleur rouge écrevisse comme s’il voulait mettre un terme à cet entretien et partir à la pêche (à l’écrevisse pour ceux qui ne suivent pas).  Il faut dire qu’avec son allure d’ancien boxeur à la Rocky Balboa, l’inspecteur avait de quoi impressionner… et des plus chevronnés que moi !

-   Inspecteur, je vous ai dis tout ce que je savais … croyez-moi, c’est une horrible méprise !     Je ne sais pas ce qui m’arrive, c’est un coup monté, vous pouvez en être sûr….d’ailleurs, je n’ai pas de casier judicaire, vous pouvez vérifier…

-   On a déjà vérifié, figure-toi.

Mes nerfs semblaient vouloir me lâcher et je n’arrivais plus à contrôler les muscles de mon visage qui se crispaient lamentablement. Si seulement j’avais pu prendre un relaxant vite fait bien fait avant qu’il ne me donne l’estocade finale en me faisant cracher le morceau sur cette histoire de dingues.

 - Ecoute, on ne va pas passer la journée sur ton histoire… on a des affaires plus sérieuses à traiter en ce moment. « Je reprends tout depuis le début… tu maintiens ta version initiale comme quoi on a délibérément mis le flingue dans ta poche sans que tu t’en aperçoives ? »

-   C’est ce que je me tue à vous dire, inspecteur. Vous êtes sourd ou vous le faites exprès ??

Il commençait vraiment à me chauffer. Et pourtant on était au mois de décembre et pour me chauffer fallait y aller car j’était plutôt du genre frileux, habillé avec deux sous-couche de thermolactyl (que j’omettais d’enfiler si j’avais un rancard avec ma meuf) et deux couches de sweats polaire genre ours blanc de la banquise…. 

-   Dis donc Varin, fais un peu attention à ton vocabulaire… répliqua l’inspecteur principal en faisant mine de m’attraper par le colback parce que je pourrais changer de ton et de coller en cage pendant quelques heures… histoire de te réchauffer les neurones avant l’arrivée de ton père el senor météo !

-  P…parce que vous avez déjà prévenu mon père ?

-   Eh oui, soupira t’il… bien obligé. Mais prends plutôt ça pour un service que je lui rends car, tu ne le sais peut-être pas encore, mais je connais bien ton père…. Nous habitions dans le même quartier dans notre petite enfance… c’est un type courageux et j…. Il fut soudain pris d’une quinte de toux intempestive et finit par écraser rageusement sa gitane dans le cendrier.  « E…et je conseille de te méfier de tout ce que tu peux entendre sur lui en ce moment, finit-il par lâcher dans une dernière quinte de toux»…. 

-   Vous inquiétez pas inspecteur,  je sais depuis longtemps que c’est un excellent prévisionniste … d’ailleurs, je n’ai pas l’habitude d’écouter les rumeurs ou les ragots des jaloux qui critiquent régulièrement son travail sur France  54. Je sais simplement qu’il a des ennuis depuis quelque temps à cause de ces perturbations climatiques et de toute la pression médiatique que ca engendre …

-   Tu veux dire qu’il a des problèmes avec sa direction ?

-   Je c.. crois oui qu’il a quelques ennuis avec son patron …..Mais vous savez il ne me dit pas tout.. et qui n’a pas de problèmes avec son patron en ce moment ?

Il acquiesça.

-   Ecoute, on verra bien tout-à- l’heure ce qu’il aura à nous raconter. Il doit venir te récupérer ici….

-   Très bien, inspecteur.

Pendant ce temps, l’inspecteur Laguerrie faisait des allers-retours entre son bureau noyé de paperasses multicolores et l’étage inférieur où travaillaient conjointement trois autres collègues débordés par les interrogatoires de la journée. C’était le bras droit de l’inspecteur principal Dubois. Il déboula dans la conversation comme un TGV en pointe de vitesse vers Marseille :

-   Capitaine, capitaine ….comment voulez-vous ne pas paniquer avec toutes ces nouvelles catastrophiques et ces agressions diffusées en boucle à la télévision, on va tous finir aux antidépresseurs si ca continue….

-   C’est vrai que l’actualité n’est pas au beau fixe depuis quelques jours, reprit l’inspecteur principal ….. et d’ailleurs, qui peut dire ce qui va nous tomber dessus la nuit prochaine….

Le téléphone ne cessait pas de sonner. Laguerrie avait bien du mal à faire face. Il transféra finalement ses appels sur les postes des élèves-officiers M. Leblanc et C. Norris qui partageaient tous deux un bureau open space deux étages plus bas.

-   Capitaine, la tension a encore monté d’un cran depuis deux jours…. C’est une avalanche de cambriolages et de délits en tout genre …. tenez y’a pas une minute, ils ont carrément braqué une bijouterie dans le XIIème avec les clients encore à l’intérieur et ils les ont embarqués dans leur 4 x4 …

-   Quoi ? C’est pas possible… Mais qu’ont-ils fait des otages ?

-   Ils les ont relâchés à quelques kilomètres… vers Vitry-sur-Seine je crois et après ils se sont fait la malle….

-   Et les patrouilles du quartier ?

-   Elles ont été coincées dans les embouteillages…  et après, trop tard… plus de traces des fugitifs !

Dubois se renfonça dans son fauteuil noir et sortit une gitane de son paquet neuf. Signe de nervosité grimpante et de future nuit blanche au commissariat du quartier à mitonner encore et toujours des interrogatoires fiévreux avec des suspects empaquetés les uns après les autres comme des cadeaux de Noël en attente d’être livrés en traîneau.

-   Mais qu’est-ce-qui se passe en ce moment, soupira t’il. Ils se sont tous donné le mot pour mettre la capitale en vrac avant Noël …

-   Vous savez capitaine, je suis sûr que ces histoires sur la fin du monde le 21 décembre y sont pour quelque chose…. à force d’entendre les médias nous rabattre les oreilles sur ces théories mayas…. les gens ont simplement pété les plombs…

- Ou ils sont simplement terrorisés, repris-je tout-à-coup.

Laguerrie semblait vraiment déboussolé. On aurait pu dire qu’il partait en vrille dans des tâches insurmontables et qu’il allait bientôt être touché par le burn-out si commun de notre époque.

-   Si vous aviez vu la panne d’électricité dans mon quartier hier soir, déclara t’il tout d’un coup dans le bureau….Incroyable !!! Les locataires dans mon immeuble ont complètement paniqué alors que ce n’était rien de bien méchant … il était 18h00, ils se sont retrouvés sur le boulevard, criant et beuglant comme s’ils allaient se faire égorger…. L’atmosphère commençait à être angoissante, certaines femmes avec des enfants ne savaient plus comment faire et certains ont appelé les ambulances par sécurité …. Personne ne voulait réintégrer son appartement de peur de se faire agresser dans le noir…. Et puis soudain, l’un du groupe ….un homme d’une trentaine d’années je crois …. Enfin cet homme aperçût dans une rue avoisinante un rai de lumière si puissant qu’ils se dirigèrent tous instantanément dans sa direction…. Après une centaine de mètres à travers les rues du quartier, ils débouchèrent sur le parvis d’une petite  église romane du XIIème siècle.. et le pire c…

-   Et le pire c’est que les ¾ des églises sont fermées la nuit, le coupais-je.

-   Mais non, le pire c’est qu’ils ne voulurent plus quitter l’église… rassurés par la présence divine sans doute... Aucun d’eux ne rentra chez lui avant la levée du jour... Ils prièrent ensemble, chacun récitant des textes sacrés ou chantant des psaumes en latin. Un voisin m’a raconté tout cela ce matin ….

-   Nous sommes tellement habitués à ce que tout marche non stop renchérit Dubois qu’une panne d’électricité provoque forcément une angoisse insurmontable chez certains… c’est une chose compréhensible, mon vieux ! On peut  difficilement empêcher la population de paniquer...

Je décidai de m’immiscer dans le contenu de la conversation.

-   Vous savez inspecteur que beaucoup d’intellectuels et de têtes bien pensantes commencent à douter de la bonne marche de l’univers actuellement et ..

-   Et alors quoi, jeune homme ?

-   Tout ça pour vous dire qu’il faut peut-être chercher une réponse à tout ce qui se passe  dans la spiritualité…car « Tout effet à une cause, tout effet intelligent a une cause intelligente, la puissance de la cause intelligente est en raison de la grandeur de l'effet »

Les inspecteurs s’étaient arrêtés de parler. Ils me fixaient avec leurs yeux de serpent à sonnette pendant que je savourais l’effet de la citation sur leurs visages hagards et marqués par les heures sup’.

-   A…Allan Kardec, ca vous dit quelque chose ? bredouillais-je ensuite.

-   Vaguement, répondit Laguerrie. J’ai une cousine bretonne qui a été sur sa tombe au Père Lachaise l’année dernière…  y’ avait un monde fou …. d’ailleurs je n’ai rien compris… il pleuvait à torrent et les gens continuaient à prier comme si un soleil imaginaire réchauffait leurs os flétris !

-   Eh bien continuais-je, Allan Kardec est le fondateur et le codificateur du spiritisme… il  sut relier science d'observation, expérimentation et philosophie, dans une synthèse de grande portée         pédagogique sans laquelle le spiritisme ne serait pas devenu ce qu'il est et tel que nous le connaissons aujourd'hui….

-   On a bien compris que c’est ton héros du moment Nostradamus de pacotille mais je te conseillerai quand même de te la boucler et de te concentrer sur ce que tu vas pouvoir dire à ton père avant qu’il ne t’en fasse voir de toutes les couleurs me coupa l’inspecteur principal, visiblement agacé par la tournure de la conversation.

-   Le pape de la météo avec l’astrologue Nostradamus, ça nous promet une belle soirée en perspective, renchérit Laguerrie.

 Nostradamus de pacotille … si seulement j’avais pu lui faire ravaler sa langue de vipères…..je décidai pourtant de la boucler une bonne fois pour toute en pensant à tous les suspects qui avaient fini à Fleury-Mérogis à cause de leurs nerfs trop fragiles… Les nerfs à vif, comme dirait mon copain Jack Lee…Le silence s’enlisait dans le bureau pendant que l’inspecteur principal Dubois me toisait une nouvelle fois avec ironie.

-   On reprend… Donc hier, samedi 1er décembre, tes amis passent te chercher vers 21 heures… et vous partez en voiture dans la direction de la porte de Versailles ?

-   Nous devions fêter  l’anniversaire d’un copain qui habite à côté….

-  52, Avenue Félix Faure ?

-   Faut pas me demander puisque vous le savez …

Dubois fouillait méticuleusement dans ses notes éparpillées sur le bureau.

-   52, Avenue Félix Faure, métro Boucicaut, répéta t’il en mâchouillant son stylo….  Vous arrivez donc aux alentours de 22h00 à la soirée, exact ?

-   Plutôt 22h30  ! On a mis un temps fou pour se garer, le samedi dans Paris c’est pas gagné …(j’avais omis volontairement de leur signaler le petit détour au Père Lachaise).

-  Bon, en tout cas tu me feras un topo des invités qui étaient présents à cette soirée … certains seront sûrement interrogés pour les besoins de l’enquête …

Le téléphone me fit soudain sursauter. L’inspecteur principal décrocha le combiné.

-   Très bien mademoiselle, faites-le monter.

Il raccrocha et me fixa avec une attention marquée.

-   Ton père vient d’arriver dans nos locaux. Il sera là d’une minute à l’autre.

Je sentis une boule dans ma gorge. Je me renfonçai dans la chaise préparant déjà ma défense devant l’auditoire paternel qui allait sans doute être tendu. Enfin j’entendis les pas rapides de mon père dans le couloir. Il frappa à la porte et j’entrevis brièvement son visage fatigué avant que l’inspecteur Laguerrie ne lui propose une chaise en face de moi. L’air était devenu lourd dans la pièce.  C’était la température de mon corps qui commençait à monter...

-   B..bonjour inspecteur Dubois, commença t’il timidement… j’ai cru que je n’allais jamais pouvoir arriver jusqu’à vous... Il y a encore des émeutes sur tout le Boulevard Saint-Michel et les quais sont saturés de fumée et de gaz lacrymogène…

Sa chemise sentait le souffre et son attaché case avait l’air aussi d’avoir bien souffert.

-   Vous êtes venu en voiture ?

-   Non, j’ai préféré prendre l’autobus mais en fait, nous savons été bloqués rapidement par des émeutiers et j’ai dû finir le trajet à pied... Je crois vraiment que tout ca va mal finir ….

Il était blanc comme un linge.

-   Dites inspecteur, est-ce que finalement je peux récupérer mon fils Julien ???

-   Ca dépend de lui, uniquement. Et des quelques éclaircissements que j’aimerais bien avoir sur son emploi du temps de la veille…

Jean-Claude Varin était sonné. Comme un vieux boxeur knock out par un match de trop. Entre ses problèmes professionnels et l’avalanche de catastrophes climatiques sur la France qu’il n’arrivait plus à anticiper, il commençait à perdre pied. Il fallait d’abord que son fils sorte du commissariat rapidement ou toutes les télés allaient s’en donner à cœur joie dans les prochaines heures ... Il imaginait déjà les titres : la star de la météo ne fait plus le beau temps ou el senor météo adore la recette du poulet…..

Il frémissait d’angoisse.

-   Roger, commença t’il en fixant l’inspecteur principal dans les yeux, permets-moi de te tutoyer en souvenir du bon vieux temps… je sais que je n’ai pas été toujours un père idéal depuis mon divorce… j’ai un peu de mal pour surveiller correctement Julien mais je te promets de faire des efforts si tu nous donnes une nouvelle chance … d’ailleurs, qu’a-t’il fait au juste ?

-   Savais-tu que Julien possédait une arme ?

Le visage de mon père vira au vert de gris, la couleur de sa chemise en lin offerte par Alexandra. Il me fixa sans pouvoir prononcer un mot. Ses lèvres s’entrouvrirent et se fermèrent dans la même seconde… J’étais livide, confus et déstabilisé lorsque soudain on entendit dans les étages inférieurs des bruits sourds et des meubles tomber violemment. Des cris surgirent autour de nous et dix secondes plus tard, des rafales de mitraillette éclatèrent les vitres du bureau… D’un bond, Laguerrie se précipita dans le couloir, pistolet à la main...

-   Ne restez pas là, cachez-vous au fond du bureau, murmurait Dubois, l’inspecteur principal.

Il voulut appeler des renforts mais toutes les lignes téléphoniques étaient coupées et les portables ne fonctionnaient  plus.  Panne de réseau. Dubois ouvrit le tiroir de son bureau, sorti une petite clé en fer forgé et se dirigea ensuite vers la fenêtre où se trouvait une armoire blindée. Elle grinça quelques secondes pendant qu’il enlevait un fusil à pompe Remington modèle 870 rangé sur le côté gauche. Le poids du Remington dans les mains le rassura. Il referma l’armoire d’un coup sec, me poussa violemment contre le mur lorsque l’électricité coupa net et que le noir nous enveloppa tous les trois dans un silence de mort…

Paris, le lundi 3 décembre 2012.

Appartement d’Alexandra Palmer.

 

 Ca faisait déjà plus d’une heure qu’Alexandra Palmer, reporter vedette de la radio C.Multiple, mitonnait sa dernière recette Curry de bœuf à la façon thaï  dans sa nouvelle cuisine fraîchement installée par son petit ami, Jean-Claude Varin, le célèbre prévisionniste de France 54. Par réflexe professionnel et pour ne pas manquer la dernière  actu’ de ses collègues, elle avait allumé la radio et sélectionné une chaîne généraliste qui répétait en boucle les dernières informations importantes de la journée…

 « Les pluies torrentielles qui se sont abattues hier soir sur la majorité du pays ont causé d’importants dégâts notamment dans la région PACA ou des crues importantes ont été constatées….Des milliers de personnes ont été obligées de quitter leurs habitations et de se réfugier pour la nuit dans des casernes de pompiers ou des gymnases libérés pour l’occasion….

Son portable se mit soudain à biper d’une manière véhémente.  Alexandra coupa la radio pour prendre l’appel.

-   Oui Vincent, je suis au courant. Je viens d’écouter les infos locales… Quoi ? Vous avez déjà bouclé la conférence de presse pour mardi mais je pensais vous proposer un sujet sur ….

-   Quoi ? Parle plus fort, y’a des problèmes de réseau !

Vincent Balez était le rédacteur en chef principal de C.Mutiple, la radio pluriculturelle suivie chaque matin par 1.000.000 de fidèles auditeurs qui n’auraient manqué pour rien au monde les sujets de société ou les magazines culturels qui alimentaient leur antenne plusieurs fois par jour.

-   Ecoute Alexandra, tu prend trop de liberté depuis quelque temps avec l’information et ca n’a pas plu du tout à n....

-   Bon, je sais que j’ai eu tort mais tu ne vas pas me rebattre les oreilles à chaque fois a… je me suis expliqué avec la rédac’…. Tu te rappelles ???

-   Ne t’énerve pas …

-   Je ne m’énerve pas…. Et puis je protège simplement l’intégrité de certaines personnes pour éviter qu’elles se fassent lyncher en sortant de chez elle et surtout en ce moment où tout le monde a les nerfs à cran…

Elle hésita avant de continuer.

-   Je pense que je suis simplement intègre, vois-tu …

-   Intègre surtout lorsque ça touche ceux que tu connais personnellement…

Et zut. Vincent regrettait déjà le ton de sa phrase mais impossible de revenir en arrière. Devant une femme comme Alexandra, c’était peine perdue... Et puis après tout, c’était plutôt normal qu’elle défende à l’antenne son chéri Jean-Claude Varin qui avait de fâcheux problèmes avec sa rubrique météo depuis quelques semaines... Elle sembla accuser le coup et écrasa nerveusement sa cigarette mentholée qui gémit doucement dans le cendrier.

-   Ecoute Alexandra, je ne sais pas comment te le dire m..

-   Mais ???

-   La direction a décidé de te mettre au vert quelque temps … le temps que tu te ressaisisses …

-   Eh bien, on pouvait pas me l’annoncer de vive voix ? Et m’appeler dans le bureau du patron comme tout le monde …

-   C’est une information que je n’aurai pas dû te donner, Alexandra… mais je préfère que tu sois déjà prévenue avant ta convocation chez Bob la semaine prochaine

-   Je te remercie de ta sollicitude, venant d’un confrère brillant comme toi, je suis flattée.. 

Elle faillit lâcher le téléphone.

-   Ecoute reprit-il,  tout est extrêmement compliqué en ce moment … la crise est là, les budgets sont restreints et l’audimat règne en maitre… la moindre critique du public et on est tous dehors… je n’y peux rien, c’est le monde actuel qui est comme ça !

-   Le monde et surtout ceux qui le régisse comme ils veulent et avec ceux qu’ils veulent…. Pour les autres, ca va être plus compliqué …..

 -  Ecoute, si tu veux faire de la politique et refaire un monde qui ne te convient plus, tu es libre de t’inscrire là où bon te semble …

-   C’est bien noté, Vincent …. Ecoute, je vais réfléchir à tout ce que tu viens de me dire et j’aviserai sur mon avenir à la station … peut être devrais-je tout simplement enfiler un poncho et filer au Nouveau-Mexique m’acheter une hacienda ….

Il sourit au téléphone en voyant que son humour reprenait le dessus. Il faut dire qu’elle avait toujours su faire face aux évènements douloureux en gardant un sens de l’humour irrésistible...

-   Mets-toi au vert quelques jours, Alexandra… si tu veux je peux passer demain soir chez toi et on reparle de tout ca tranquillement …

Elle soupira.

-   Si tu veux, enfin on verra …. Bon, ne perds plus ton temps avec moi et file vite à ta réunion sinon papa Bloomfield va te gronder ….

-   Tu as raison. Bloomfield se prend vraiment pour Dieu le père en ce moment et je ne voudrais pas être dans l’œil du cyclone ….Je t’embrasse Alexandra et prends soin de toi !

Bip, bip… la voix chaude de Vincent disparut dans l’écouteur pendant qu’elle attrapait la bouteille de bourbon délicatement posée sur la table bistro du salon. Elle jeta son téléphone de rage sur le canapé et versa le liquide jaunâtre dans un grand verre prévu normalement pour une orangeade. Elle avala cul sec le breuvage qui s’écoula lentement dans sa gorge. Elle se sentit mieux en un instant et s’enfonça dans le canapé king size blanc cassé qu’elle venait d’acheter chez un brocanteur du coin. Elle savait que ses emmerdes allaient vraiment commencer maintenant, à l’aube de la cinquantaine ou normalement les ¾ de ses copines étaient déjà grand-mères, couvant la progéniture de leurs enfants et savourant les anniversaires du p’tit dernier dans la propriété des beaux parents... Mais tout compte fait, les emmerdes professionnels d’Alexandra Palmer c’était peut-être pas grand-chose par rapport à tous les évènements dramatiques qui se profilaient dangereusement à l’horizon … « De quoi se marrer, ruminait-elle encore, allongée confortablement sur le sofa. Et si seulement Michel me voyait… il rigolerait un bon coup. » Michel était son jeune frère, professeur de dessin industriel,  qui avait plaqué femmes et enfants sur un coup de tête pour tenter une expérience de vie dans la communauté Aurora près de Pondichéry…

 21 heures. Les minutes défilaient inlassablement car ca faisait maintenant plus d’une heure qu’Alexandra était allongée sur le canapé et que son esprit vagabondait grâce aux effluves de l’alcool. Face à la fenêtre, elle voyait la neige envelopper la capitale d’un nouveau manteau blanc. Les flocons s’épaississaient et venaient s’accumuler sur la chaussée verglacée… Prise de frissons, elle jeta une couverture polaire sur ses épaules, regrettant la présence de Jean-Claude qui l’aurait immanquablement serré dans ses bras. Sa chaleur lui manquait. Jean-Claude Varin, la seule vraie rencontre sentimentale qui comptait dans sa vie, celui en qui elle croyait plus qu’en elle-même, celui pour qui elle aurait tout donné, même son avenir professionnel ….Et pour une femme comme Alexandra, sacrifier sa vie professionnelle pour un homme, ca voulait dire quelque chose... Elle reprit un verre de bourbon en songeant à leur première rencontre orchestrée chez des amis communs qui habitaient à Paris. Ca avait tellement bien marché entre eux qu’après cinq minutes de conversation entre l’entrée et le plat principal, Jean-Claude tomba immédiatement amoureux d’elle et ne pensa plus qu’à la revoir. Le coup de foudre fut immédiat et réciproque. Il faut dire qu’ils avaient beaucoup de points en communs et que les sujets de conversation, en plus de l’actualité, ne manquaient pas... Et puis, il était beau comme un dieu. Surtout ce soir-là. Elle ferma les yeux en repensant à cette minute indicible où leurs regards ne s’étaient plus lâchés de la soirée. Cette première soirée fut magique et inoubliable... Comme un cadeau du ciel ! Elle souriait comme si elle y était encore lorsque la sonnerie du téléphone résonna dans l’appartement. Elle décrocha d’une voix lasse.

-   O..oui, c’est bien Alexandra Palmer au téléphone....

La voix de l’interlocuteur était lointaine et semblait déformée …

-   Que dites-vous ? Je ne vous entends pas très bien…

-   Mme Palmer, nous avons des informations importantes à vous communiquer.

Elle faisait des efforts pour reconnaître la voix de son interlocuteur mais sans succès.

- ….je pense que vous avez déjà entendu parler de la fin de notre monde prévue normalement le 21 décembre 2012…

-   Euh ! Vaguement comme tout le monde…..

Elle hésitait toujours à donner des avis personnels à des inconnus.

-   Alors, reprit la voix,  si vous souhaitez approfondir le sujet, vous avez encore quelques jours devant vous  qui seront sans doute les plus marquants de notre histoire commune….

Alexandra regrettait déjà d’avoir décroché son phone. Elle pensait qu’elle avait affaire à un petit plaisantin.

-   Ecoutez bien Mr l’inconnu… les opportunistes comme vous qui voudraient profiter de la panique générale pour servir leurs intérêts personnels…on devrait tous les embarquer au poste de police ! Et puis, au lieu de faire des plaisanteries scabreuses au téléphone, vous feriez mieux d’héberger toutes les personnes sans-abri qui sont actuellement dans une grande détresse…

Elle entendait un soufflement bizarre dans l’écouteur.

-   Si vous croyez que la période se prête à la fantaisie, attendez quelques jours… c’est bientôt Noël, continua t’elle avec véhémence !

La colère lui montait encore au visage lorsqu’elle jeta son pouce sur la touche rouge pour stopper net la conversation. Moins d’une minute après, la sonnerie du portable retentit à nouveau. Après s’être redressée vigoureusement sur le canapé, elle se décida à moucher une bonne fois pour toute son correspondant.

-   Je sais bien, continuait la voix d’outre-tombe, que vous avez souvent affaire à des charlatans dans votre métier et que êtes en permanence sur le qui-vive … alors pour vous prouver ma bonne foi, je vais vous donner une information que vous pourrez vérifier rapidement….

La curiosité d’Alexandra reprit le dessus.

-   Je vous écoute, Mr comment déjà ???

-   Appelez-moi Mr Dean, ca ira pour le moment.

-   Alors je vous écoute, Mr Dean.

-   Ecoutez bien… je vous certifie que votre patron va avoir besoin de vous dans les jours qui viennent et que vous allez bientôt reprendre une mission ambitieuse au sein de votre rédaction…

-   Mais qui êtes-vous et comment savez vous que j’ai des problèmes professionnels actuellement ?

Elle réfléchissait en même temps. « Si c’est toi, Richard écoute bien… les blagues les meilleures sont souvent les plus courtes alors abrège… et viens plutôt prendre un verre ce soir à la maison »….

Mais la voix caverneuse reprit sa litanie dans le téléphone.

-   Ce n’est pas Richard à l’appareil. Notre mission est de vous protéger avant la date fatidique, vous retrouverez le rang que vous auriez toujours dû occuper dans votre radio…vous avez été élue par notre Cercle pour témoigner des évènements importants qui se produiront bientôt…. nous vous recontacterons ultérieurement ….

-   Mais que racontez-vous ? Une mission ? Vous faites partie des renseignements généraux ????

-   Alexandra, il faut me croire... encore quelques semaines et vous pourrez retrouver votre rang … n’oubliez pas tout ce que je vous ai dit ….. Soyez patiente, l’heure est venue pour vous et pour tous les nôtres de participer à la naissance d’un nouveau monde,  respectueux de l’équilibre de notre planète….….

-   Vous savez, l’interrompit-elle, je crois que vous faites erreur… je ne fais partie d’aucun mouvement religieux ni même d’aucune association écologique. Je m’appelle Alexandra Palmer, j’ai 44 ans et je suis Capricorne ascendant Vierge … alors autant vous dire tout de suite que j’ai plutôt les pieds sur terre… enfin si vous connaissez un peu les signes astrologiques, bien sûr …

-   Bien sûr que je connais l’astrologie… la position des planètes dans le système solaire permet, si l’on adhère à cette croyance, d’obtenir des renseignements non négligeables sur le caractère des hommes et aussi sur leur destin….d’ailleurs, les amateurs d’astrologie mondiale vont sûrement être à l’honneur dans les jours qui viennent …

Il marqua un temps d’arrêt.

-   … mais je ne vous ai pas contacté ce soir pour parler d’astrologie mais plutôt de votre prochaine mission… Vous êtes la personne dont nous avons actuellement besoin, la seule qui pourra témoigner d…..

-   Ecoutez Mr Dean, la coupa Alexandra, apportez une preuve tangible de ce que vous dites et peut-être alors pourrais-je apporter un peu de crédit à vos supputations…

-   Très bien Alexandra. Permettez- moi de vous appelez Alexandra…vous allez bientôt recevoir un message important qui vous donnera la clé des évènements à venir… soyez patiente et surtout ne parlez à personne de notre conversation…

Elle voulut lui répondre mais un signal sonore avait retenti. Son mystérieux interlocuteur avait déjà raccroché. Avant même qu’elle ne reprenne ses esprits, un éclair foudroyant transperça le ciel et l’appartement fut soudain plongé dans les ténèbres… Prise d’une peur incontrôlable, Alexandra se jeta hors de l’appartement et dévala les escaliers à toute allure ….

 

 

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