Mon Ali
Sève Maël
« Mon Ali,
Je viens de rentrer de ma première mission. Elle a duré plus de trois semaines et je repars après-demain pour quatre mois.
J’ai vu des gens mourir. Je ne connaissais pas la mort. C’est froid et c’est pénétrant. Je n’arrive pas encore à pouvoir poser les yeux sur les cadavres des enfants et encore moins à les toucher pour pouvoir les transporter. Les adultes, c’est plus facile. Il fait très chaud aussi. Je reste des heures allongé sur mon lit sans arriver à dormir. Je revois ces corps, je pense à tous ces gens. Je pense à toi aussi. C’est ton corps que je voudrais pouvoir toucher, ta bouche que je voudrais pouvoir embrasser. Il y a une semaine, un des pilotes volontaires à craquer. On l’a rapatrié en France.
La nourriture est infecte, mais on finit par l’oublier. Je voudrais aller me baigner dans une cascade d’eau glacée avec toi.
Tu ne m’as pas donné de nouvelles. Mais je suis sûr que tu ne m’en veux plus. Tu es intelligente Alissa alors je sais que tu comprends. N’oublie pas tes rêves et cette magie qui est en toi. Tu sais, la guerre, ça donne un sens à la vie. Les gens sont tellement vivants ici, parce qu’ils savent qu’ils peuvent mourir à chaque instant. Alors tout devient plus intense, plus fort. Je passe chaque jour en me disant que c’est peut-être le dernier, que mon avion se fera peut-être abattre en plein vol. Mais le soir revient toujours, et moi avec. Je ris moins mais je souris plus. Il paraît que derrière le campement, il y a un esprit caché sur les hauteurs des montagnes qui prend soin des âmes perdues.
Je pense à toi encore et toujours. Tu es avec moi à mes côtés dans chaque instant. Et souviens-toi que je t’ai promis de revenir. Je t’aime mon amour. A chaque minute de chaque jour dans chaque lever de soleil.
Prends soin de tes orphelines. Je sais qu’elles ont besoin de toi et qu’elles t’apporteront autant que tu leur apportes.
Je t’aime, jusque dans l’infini de mes soupirs. Et je ne veux pas finir cette lettre parce que tant que j’écris, je me sens plus proche de toi. Je sens presque ton odeur…
Je te retrouverais cette nuit encore dans mes rêves.
Je t’aime. N’abandonne rien.
Nathan. »
Une correspondance intimiste qui sonde le fond du coeur et des perceptions, qui remet à plat les sentiments essentiels. Bravo !
· Il y a plus de 13 ans ·leo
Quel réalisme...très émouvant..bravo !!!
· Il y a plus de 13 ans ·Pascal Germanaud
Merci !!!
· Il y a plus de 13 ans ·Sève Maël