mon amazone ma zone sensible

Jean François Joubert

Terre sans lune, un frère sans sa soeur

La Terre serait bleu, et les étoiles jaunes. Les mers, elles, changeraient de couleur selon les règles de leurs humeurs. Le noir et blanc envahissait nos écrans, ses petites lucarnes devant lesquelles, l'humain s'asseyait, se fixait hagard,  y recevant d'un flot le monde. Les fleurs avaient des noms de jolie fille, ou était-ce l'inverse ? Et la Cygne chanteur devenu atone, se perdait dans les couloirs du temps.

La Lune, un brillant astre nocturne et le soleil un pic, rougissant nos peaux. La vie avait le don de l'arc bandant dans le ciel, courbe, fuyante, irréelle, une amazone riait sur son cheval, roux, dansant aux vent titubant sur le dos d'une montagne, cœur. Les millénaires étaient comptés, et l'air un terrain de jeu pour le plaisir des oiseaux, la cigogne, au fou de bassan, et l'étourdie étourneau ne connaissaient pas la fatigue de jouer à plaire dans le lac, ce miroir aux narcisses. La mémoire se donnait à l'école, elle permettait aux enfants de quitter l'innocence, sans trop de maux. Au tableau, il ne manquait qu'un peu de lumière, un peu de désir d'ailes. Je parcourais l'univers, sans trop savoir pourquoi, poussé par un mauvais rêve surgissant du passé. Nos vies éprouvettes étaient gérées, calculées, par des puces savantes, celles qui maintenant, possédaient la conscience de l'humanité. Nous travaillons à la paix, plus rien ne devait nous troubler, pourtant je sentais une absence, un rien, un dernier cri, Une fable urbaine. Les nuits m'arrachaient au sommeil. Le ciel me couvrait de son regard obscur, je tentais de comprendre la douleur de ses soirs. Personne autour de ma personne ne parlait de ce vide, je les voyais tous devenir automates, ne souffrant de sueur qu'après un marathon, de deux heures. La vie semblait uniforme, j'attendais des aveux, un signe, une ressemblance, l'amazone de zone de non mensonge ce songe rieur.

 

Rien, je traversais des forêts, un mirage, des déserts, j'usais de mes forces pour comprendre ce doute venu de mon puits intérieur. La raison me poussait à chercher le non-sens. J'avançais couvrant de multiples regards l'horizon. Je travaillais à comprendre ma différence, une différence acquise d'évidence, entre moi et les autres hommes. J'évitais de trop parler, j'acquiesçais en silence, et pourtant je ressentais de l'ennuie dans ce monde, sans lucarne, alors j'ouvrais un livre et je l'imaginais si belle dans son monde, sa robe désinvolte, je lisais puis retournais au vide quotidien, l'absence de romance. Tout à l'heure, je parlais de désir, un mot qui semblait avoir totalement perdu son sens au cours du voyage temporel. L'Homme mangeait, buvait, dormait à souhait, parfois, il s'amusait à rire. D'apparence, j'étais un être comme les autres, ni plus grand, ni plus petit. Or, ma peau frémissait aux moindres détails, j'étais presque fragile, une sorte de poupée de verre, face à ses autres automates, ses porcs en laine. Jamais, je n'avais eu un ami, car très tôt une méfiance qui touchait à l'instinct, m'avait accompagné dans la vie. Impossible de mettre des mots sur ce mal, j'avais juste peur, alors je me cachais. J'avais appris à ne pas sortir de ce silence, je devais juste m'habituer à me travestir au quotidien. Une fois, j'avais vu les dents, d'un requin, je les avais trouvées belles, elles n'étaient pourtant qu'illusion. C'était cette part d'absence, entre le réel et le faux, que je recherchais. Sur Terre, il me semblait que ses paysages, si beaux, avaient la curiosité d'une contrefaçon, un cadre magique, il manquait un mot "Amour" ce mot que l'amazone de mon livre me livrait dans l'espace de tendresse de cette lecture solitaire. La dent de requin, si je l'avais touchée, saisie, sentie, j'ignore si j'aurais su lire en elle son côté artificiel. Seul le papier glacé m'avait informé, face à cette découverte, j'étais rentré un peu renfrogné, seulement triste. Ma naissance me laissait un doute sur mes origines, j'avais un cauchemar récurant. Les nuits se ressemblaient, quand le sommeil devenait une tombe chez le commun des mortels, moi, je virais, tournais dans mon lit. Ma table de chevet portait se verre de lait, blanc écru, je le vidais, sa substance entrait dans mon corps. Mes papilles gustatives salivaient, après avoir absorbé ce liquide, sans comprendre la raison du pourquoi, je me sentais mieux, alors le balaie des sorciers pouvait aller s'enivrer ailleurs. Mon tour arrivait, le cauchemar repartait, je pouvais me sentir humain et plonger moi aussi dans le monde des rêves, ceux si beau la nuit qu'au petit matin, on ne s'en souvient pas. Je n'avais pas peur de la vérité, pourtant je la sentais absente, au fond je sentais bien qu'il manquait une pièce au puzzle. Cette pièce, ma différence, je l'avais saisie au hasard d'un simple reflet dans la glace. Je marchais sur le trottoir de gauche, des véhicules occupaient la chaussée, les gens circulaient comme d'habitude. Au coin de cette rue que j'arpentais nonchalamment, se trouvait un miroir. Un vent violent courait sur mes cheveux, je voulais d'un simple geste leur redonner leur maintien quotidien, je savais que mon image allait apparaître au prochain carrefour et je l'aimais bien cette face. La glace était bien là, je relevais mes cheveux, leur donnant un juste sens quand ses hommes passèrent près de moi, tous si noirs pas de peau mais sombre humeur, si identiques. Leurs ombres passèrent dans ce miroir, j'avais vu leurs visages. Près de leurs mâchoires carrées, j'avais le teint frais, était-ce une illusion ?

 

L'ivresse des sens, un désir de vie. Je m'abandonnais à ce sentiment, sûr de chercher l'erreur, celle qui me poursuivait depuis l'enfance. Inutile de se contredire, de se mentir à soi-même, je ne pouvais pas m'installer dans le confort de leurs rires bruyants, de leurs mots rauques. Ma voix était frêle, presque aiguë, mes cheveux bruns volaient aux vents, mes poils étaient absents, au fond je n'étais qu'un mirage. Mon plaisir le plus malin était de trouver une plage au sable fin, d'y plonger mon corps au creux d'une vague, puissante, de me laisser rouler sur ce sol de coquillage, douce parabole, de respirer, et de me laisser porter sans fin, sur ce monstre de liberté, la mer. J'aimais le bleu du ciel, les rochers aux formes sauvages et la nage dans ce tourbillon vert, aux idées folles. J'adorais trouver ses espaces vide, où enfin je me trouvais libre de ne plus me cacher. Nu, dans l'eau, je laissais les vagues déferler sur mes idées ressuent, j'aimais trop ne plus penser à rien, sauf à elle mon amazone, elle luttait pour me donner vie. Pourtant, je ne comprenais pas pourquoi je ne voulais pas partager ses douces caresses, toute cette eau. Je sentais que je devais rester seule dans ses instants de voluptés, ne jamais me montrer car je risquais ma peau. Personne ne m'avait prévenue, personne ne me parlait de ma différence, de cette absence d'un petit rien, donc je préférais garder le silence sur mon infirmité. Ce silence constituait ma seule garantie de survie dans cette espace. Le monde était devenu opaque, sans envergure, depuis que l'intelligence artificielle avait pris le contrôle de la situation. Quand, je portais les embryons, je n'avais pas conscience de ce que représentait ses cellules souches. J'agissais selon mon devoir, je portais tout mon savoir dans ses tubes congelés pour que survive l'humanité. J'aurais bien voulu jouer en compagnie d'un frère, d'une sœur, mais la voix divine avait annoncée, peu importe votre couleur de peau, noir, jaune, blanche, rouge ou verte, vous êtes unis car vous êtes tous frères !

 

Dans cette phrase, au cœur de ses mots se trouvait le fruit de mes mystères, ma différence. Bien sûr, j'étais allé au lycée, j'avais appris les secrets de l'Humanité, l'Histoire et quand je passais devant un monument, né de ce passé qui a tant souffert, je ne pouvais que pleurer, lâcher une larme, cueillir quelques fleurs, et des cerises, pour orner ses tombeaux de couleurs. La réalité est parfois difficile à avaler et je ne comprenais pas pourquoi nous tenions tant à construire, tous ses robots, tous ses ordinateurs, au fond que nous apportait ce puits de science ?

Une communication virtuelle, chacun se trouvait la nuit devant son écran pour tenter de vivre, vivre une aventure. Il semblait que je soie la seule à chercher autre chose, une pensée passéiste, un cris d'alarme, un rêve d'ailleurs. Ce que j'aimais plus que tout, c'était de lever la tête, les yeux, de regarder le ciel y perdre ses flammes, puis chercher la vision de la lune, cette astre qui tourne autour de nous depuis si longtemps, aussi sensible qu'un savant fou  recherchant la raison de sa première question. La marche devenait ma puissance, en manque d'image forte, en perte de conscience, je cherchais à fuir le vide de ma nature. J'aurais aimé me balader derrière les pattes d'un chien, loin derrière la folie humaine, juste pour jouir enfin du moment présent, de me sentir femme. Mais j'étais là seule sur cette planète sans sexe, depuis que les machines étaient devenues reines. Dans la rue, je ne croisais que des hommes et je cachais ma peine. Était-il possible que je soie la seule vivante ?

 

Tous les secrets ont une faille, donc je cherchais le fond de ce secret. Des heures de galères face à des mémoires mortes, toujours à chercher ce qui, un jour, à été cacher. Je voulais trouver la trace de ses femmes qui avaient disparues, puisque je semblais être l'unique spécimen conserver par mystère. Devant le silence absolu, je pensais à cette terre qui avait définitivement perdu sa matrice, remplacé par ses œufs de porcelaine polis. Quel gâchis !

Ma vie n'avait pas de sens, me sentant orpheline, seule la toile des étoiles brillait dans mon corsage, mes seins. J'observais leurs formes et y voyait des sœurs, puis je retournais aux archives, obsédé par mes questions sans fin. La guerre était un mot que je ne connaissais peu, j'ignorais son vrai sens, tout ce que je savais c'était que ce mot représentait l'envers de la paix. Alors naïve, j'ai dépassais l'équateur, quitté le nord pour rencontrer le sud, je cherchais ce contraire. Cette image du mal, du mâle !

Loin de comprendre ses batailles mes entrailles vivaient, elles. Je sentais et savais qu'il était l'indice indicible de mon secret. De l'autre côté, je ne voyais que des pales Humain, pas de guerre des sexes, nul trace de passage d'un de ses êtres marquée par la différence, alors je revenais à mes premiers amours, ses montagnes de mémoires. Puis, la chance et sa loi du hasard me mis hors des pistes traditionnelles. Alors que je cherchais dans le vide un message, une histoire, je tombais sur un disque non effacé, une voix douce chantait : "le soleil à rendez-vous avec la lune, mais la lune..."

Jamais, je n'avais porté attention aux chansons, mais celle-là devenait pour moi, une évasion, enfin je pouvais rêver en pleine lumière, ne plus m'arrêter sur mes derniers cauchemars. Le hasard trouble, la chance venait de me donner la solution de l'énigme, la guerre des sexes n'existait plus depuis que l'homme vivait sur Terre, les femmes, elles, avaient épousé la lune tous les soirs, fidèles elles arpentaient ce nouveau sol do ré mi fa do. Moi, je n'étais que la cheville ouvrière entre la terre et la lune, la guerre et la paix...

La matrice ! 

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