Mon ange gardien

petisaintleu

Yernaux. Au Scrabble, ça ferait un sacré paquet de points. mais c'est un nom propre, propre à mes origine maternelles.

Alfred, mon grand-père, j'ai été un sacré petit con avec toi. Mais, être adulte c'est reconnaître ses fautes et je me repens de mes tours pendables.

A mes yeux d'adolescent, tu n'avais qu'un défaut : celui d'être un homme simple. Il y a quelques années, j'ai tenté de faire mon arbre généalogique; des fois que j'y croise un ancêtre qui enterrerait ma honte de n'avoir que des origines prolétaires. Aucun n'a dérogé à la règle. Je suis remonté jusqu'à la Révolution pour n'y trouver que des ouvriers ou des journaliers qui se vendaient à la petite semaine dans les fermes.

Tu avais pourtant tout pour faire pétiller mes yeux d'enfant. Bricoleur hors pair, tu m'avais fabriqué un banjo. Tu m'avais montré une photo défraichie d'Alfred et ses Boys, une formation de jazz, les cheveux gras de brillantine et un costume rayé de maquereau.

Les vacances à Fourmies, ce n'était pas le Club Med. Il n'y avait que les étangs des Moines et les promenades en forêt jusqu'à Anor. Mais à dix ans, qu'est ce qu'on en a à fiche ? Tout ce qui sort du quotidien acquiert un caractère festif. D'autant plus que jamais, et ce n'est pas faute de t'avoir poussé à bout, tu n'as levé la main sur moi.

Un matin d'hiver, tu es parti faire du vélo. Tu voulais sans doute fuir pour une heure ou deux  ma grand-mère qui avait déjà sa dose de Kronenbourg à huit heures du matin. La plaque de verglas sur laquelle tu t'es vautré ne t'a pas fait de cadeau. Tu ne t'es jamais réveillé de ton intervention au col du fémur.

A l'église, je bâillais ferme jusqu'à ce qu'un fou rire incontrôlable ne me prenne à la vue d'un employé de mon papa, venu te rendre un dernier hommage, accoutré d'un pantalon rouge vif.

Mais tu n'es pas rancunier. Je l'ai écrit, tu es gentil.

Depuis plus de vingt-cinq ans, dès que j'ai une décision importante à prendre, tu es là. Je ne te vois pas, je ne t'entends pas. Je rêve de toi. Je ressens ta présence apaisante, signe que mon destin est pris en main pour éviter les écueils.

Un jour, alors que je dépassais imprudemment et en troisième, au volant de ma Ford Fiesta pourrie, un camion dans une côte, un voiture déboula en face à tombeau ouvert. J'étais mort. Je fermais les yeux. En les rouvrant, je vis le camion dans le rétroviseur. Merci Pépère.

Dis-toi qu'il nous restera l'éternité pour effacer mes seize années d'ingratitude. Ce ne sera pas de trop.

  • J'aime beaucoup beaucoup ! C'est poignant et très percutant.
    Il n'est jamais trop tard pour bien dire !
    CDC

    · Il y a presque 11 ans ·
    D9c7802e0eae80da795440eabd05ae17

    lyselotte

    • Et j'ai tout le temps, jusqu'à mon dernier souffle, pour être rongé par les remords.

      · Il y a presque 11 ans ·
      Cpetitphoto

      petisaintleu

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