Mon enfant, ma soeur

johanna-maury

Chapitre 1. Le casque sur les oreilles, j'écoute en boucle une chanson de Noir Désir "Le vent nous portera". Je rumine en silence. A 16 ans, moi Lalie, je ne voulais pas partir en vacances avec mes parents cette année mais avec ma copine Mélissa. Résultat : me voilà coincée à l'arrière de la voiture sur l'autoroute avec papa/maman en route pour l'Ardèche.Si seulement j'avais pu partir avec Mélissa ...

Elle est trop cool Mélissa. Elle a le droit de mettre des petits tops et des shorts moulants. Moi, non. Mon père me l'a interdit. Il a son mot à dire sur toute ma vie, c'est insupportable. Mélissa fume des cigarettes en cachette derrière le lycée, c'est un pote à elle de terminale qui la ravitaille. Ses parents, ils lui foutent la paix même quand elle rentre en sentant le tabac. Alors bien sûr, j'aiessayé. J'étai à peine dans l'entrée de l'appartement quand mon père s'est mis à hurler que je ne devais pas fumer. Que fumer pue, que fumer tue. Il a même chercher des vidéos sur internet pour me montrer les effets du tabac. Le drame, quoi ! En plus, interdiction formelle de voir Mélissa en dehors des cours pendant un mois. Je n'en peux plus. Toutes les fois que mon père me croise maintenant, il respire profondément pour repérer l'odeur du tabac. C'est trop nul à la fin ! 

Et Mélissa, elle, a le droit de se maquiller, même en semaine. Elle a toujours des super palettes avec plein de couleurs que lui ramène sa mère quand elle fait des courses. Et puis un incroyable fond de teint : elle a toujours l'air bronzée, Mélissa, pas comme moi avec mon teint d'endive. Et naturellement, interdit de mettre la moindre touche de mascara. Trop déprimant. Même si, de temps en temps, je réussis à piquer du gloss à ma mère. 

Et il y a pire encore ! Mélissa sort tous les samedis soirs avec ses potes de terminale. Ils font des trucs trop bien : comme aller en boîte, se faire un ciné et aller boir une bière ou juste traîner dans les rues. Moi, je  n'ai jamais le droit de sortir. Mon père dit que je suis trop jeune, que je ne connais rien à la vie. Qu'il ne veut pas que je rentre en voiture avec n'importe qui. Trop dangereux. Le problème, c'est qu'avec mon père, tout est toujours trop dangereux. 

Et maintenant, les vacances en famille ! En Ardèche s'ils vous plaît ! Dans un camping familial, sans aucune animation après 23 heures. Les jeunes parents et les vieux, ça se couchent tôt ! Mon père se retourne et doit me dire quelque chose. Je remonte le son de la musique et ferme les yeux. Aucune envie de lui adresser la parole, ça va là. Je suis suffisamment en sécurité. Pas la peine d'en rajouter. 

J'ai dû m'endormir un moment. Je suis réveillée par mon père (encore lui !) qui me secoue. C'est l'heure du déjeuner. Je m'extirpe de la voiture en faisant la gueule. Je dormais trop bien, il a fallu qu'il me réveille. En plus, je n'ai pas faim. La voiture me rend nauséeuse, il devrait le savoir depuis le temps. Pourtant, il va fallloir manger. Sinon, mon père va s'inquièter. Me poser des tonnes de questions. On n'en sortira pas. Le casque toujours sur les oreilles malgré le regard noir de mon père, j'attaque mon assiette de frites en soupirant. 

Dans les toilettes du restaurant, je me regarde longuement dans la glace. Dommage que je n'ai pas la palette de Mélissa. Je pourrais me faire des yeux immenses et charbonneux. je remonte mon tee-shirt trop sage au dessus de mon nombril, ce serait vachement cool quand même si je pouvais m'habiller plus court. Et un piercing, je rêve d'un piercing. Mélissa a dit qu'elle s'en ferait faire un pour ses dix-sept ans. Elle a trop de chance. 

En me détournant du miroir trop déprimant, je crois rêver : Mélissa est là, derrière moi qui me regarde en rigolant. Mélissa avec son short moulant, son tee-shirt hyper court, son maquillage dément. Mélissa est là ! Mélissa m'entraîne. Allez ma vieille, on se les fait ces vacances à deux. On se l'était promis. On y va, on fonce. J'ai pas fait tout ce chemin en stop pour rien. On part toutes les deux ! A nous les vacances de rêve, ils sont pas prêts de te revoir tes vieux ! Je n'y crois pas, c'est trop beau. Oui Mélissa, on y va. 

Chapitre 2 - Les parents voudraient reprendre la route. Ils attendent leur fille qui ne revient pas. Ils la cherchent, ils s'affolent. Le père reproche à la mère de ne pas la surveiller suffisament. La mère reproche au père d'être tout le temps sur son dos. La panique les gagne. Ils appellent la police. 

Chapitre 3 - Les adolescentes volent une voiture et partent à toute allure. Elles mettent la musique à fond : "je n'ais pas peur de la route, faudrait voir, faut qu'on y goûte, ...", elles chantent à tue tête.  Elles rigolent comme des folles et roulent toujours plus vite. 

Chapitre 4 - La police parle de fugue probable et cuisine les parents sur les problèmes éventuels de Lalie. Très vite, un policier se rend compte que le père est particulièrement mal à l'aise. Excessivement paniqué, le père hurle contre les policiers qui lui pose des questions au lieu de chercher sa fille. Il devient quasiment hystérique au point qu'un médecin est appelé pour le calmer. Il s'affale et se met alors à pleurer. Le flic pense à un probable cas d'inceste. 

Chapitre 5 - Les deux adolescentes ont évité de justesse l'accident. Lalie, que l'incident a secoué, demande à Mélissa de ralentir. Mais celle-ci ne répond pas et garde le pied enfoncé sur l'accélérateur. Lalie s'énerve, lui dit à nouveau d'aller moins vite. Toujours pas de réponse. Sa copine garde les yeux fixés sur la route et ne semble plus l'entendre. Le ton monte, Lalie s'énerve de plus en plus. Elle ne comprend pas son mutisme. Depuis un moment, elle la trouve changée Mélissa. Comme si ses traits se brouillaient, comme si son profil devenait flou. 3le vent l'emportera, tout disparaîtra..."

Chapitre 6 - Le flic cuisine la mère. Elle tremble. Oui, son mari a une attitude bizarre avec leur fille en ce moment. Depuis quelques mois. Depuis son seizième anniversaire en fait. Non, elle ne comprend pas pourquoi.  Peut-être que ça expliquerait la fugue.Non, non, non son mari n'aurait jamais fait de mal à leur fille, elle en est sûre. Le flic pense que les mères ne savent pas forcément tout sur les agissements de leur mari. 

Chapitre 7 - Maintenant, Lalie a vraiment peur. Cette fille qui conduit n'est pas Mélissa. Pourtant, tout à l'heure, elle l'a bien reconnue. Comment cette fille peut ne pas être Mélissa ? Elle la connaît pourtant par coeur sa copine ! Lalie ne crie plus. Elle s'accroche à son siège terrifiée. Un instant, elle a songé à sauter de la voiture. Mais à présent, elle est tétanisée. La route défile à toute allure. La fille à côté d'elle ne parle pas. Son profil redevient de plus en plus familier à Lalie. le flou a disparu. Pourtant, ce n'est pas Mélissa qui est là sur le siège du conducteur. Les yeux de Lalie s'aggrandissent tout à coup de stupéfaction : la fille, là, tout près d'elle, ce n'est pas à Mélissa qu'elle ressemble, c'est à elle, Lalie, cette fille a exactement ses traits. 

Chapitre 8 - Le flic confronte les parents. Le père cherche à expliquer sa conduite. Oui, c'est vrai, il a tout le temps peur pour sa fille. Oui, c'est exagéré, il s'en end compte. Oui, mais il a ses raisons pour être inquiet. A 16 ans, les enfants sont imprévisibles. Sa fille est immature. Elle se croit grande mais ne voit pas le danger. Lui, il les connait les dangers de la vie. On fait des bêtises à 16 ans et on en paye le prix plus tard. Le flic insiste : pourquoi tant d'interdits, elle a quand même 16 ans. Le père pleure, n'en peut plus. Il a quelque chose à ajouter mais pas devant sa femme. 

Chapitre 9 - La voiture roule toujours à vive allure. Lalie est hyptonisée par cette fille. Toujours accrochée à son siège, elle ne peut en détacher le regard. Elle a l'impression d'être en face d'un miroir. Mais, non, finalement, en y regardant mieux, cette fille lui ressemble certes, mais ses cheuveux sont plus foncés et ses yeux plus marron que verts. Ce n'est pas elle, non, cette fille lui ressemble plutôt comme une s..... Lalie perçoit un choc brutal dans tout son corps. Elle entend son père lui dire qu''il l'aime puis le noir l'envahit. 

Chapitre 10 - Le père a fini par avouer : il a eu très jeune, trop jeune, un enfant avec une petite amie de passage, bien avant la naissance de Lalie. Oui, il a fuit ses responsabilités. Sa femme n'en sait rien. Et sa première fille, sa petite Lilas, qu'il n'a vue qu'en photo, est morte à 16 ans sur la route. Elle avait volé une voiture pour chercher et retrouver son père. Il pleure, il regrette. Bien sûr qu'il l'aurait aimé cette petite Lilas autant qu'il aime Lalie, s'il avait été plus vieux, plus courageux.
Une heure plus tard, l'hôpital prévient la police : une jeune fille de 16 ans qui correspond au signalement de Lalie a été amenée suite à un accident de voiture. Ses jours ne sont plus en danger. Elle est très choquée. Elle demande si sa soeur a survécu. "...j'emmène au creux de mon ombre des poussières de toi, le vent les portera..." 

  • Pas mal du tout! J'ai accroché surtout à partir de la page deux et puis plus moyen de m'arrêter, il fallait que je sache! J'aime la fin et l'ajout des paroles de musique. Histoire petite et sympa!

    · Il y a plus de 11 ans ·
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    Chris D

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