Mon paradis

Marine So

Si l'enfer c'est les autres, alors cette île est le paradis. Seule, je débarque à Nanuku dont les deux dernières syllabes du nom laissaient présager un doux séjour...

Si l'enfer c'est les autres, alors cette île est le paradis. Seule, je débarque à Nanuku dont les deux dernières syllabes du nom laissaient présager un doux séjour...

C'est donc nu cul que je passerai ma semaine auprès des cocotiers. C'était sans compter la présence discrète de l'équipe d'accueil... Peu importe, ils me disent y être habitués. Étrange sensation que celle de retourner à son état d'origine. Enfin presque. J'ai l'eau courante, l'électricité et le wi-fi. Je cours tous les matins sur le sable chaud avant qu'il ne devienne brûlant. L'eau salée et fraiche me tire la peau et le vent qui souffle me caresse le corps. Mes cheveux reprennent leur état naturel. Fini le lissage, place aux boucles sauvages qui encadrent un visage beaucoup plus mâte qu'à mon arrivée. Le soir quand je me regarde dans la glace, je vois une femme vivante, qui reprend toute sa place dans la nature, celle à laquelle j'étais promise. Seule, je me ressource, me purifie, mange sainement les produits germés sur cette même île. Mon estomac n'est pas forcément d'accord avec ce changement. Il vient troubler mon séjour et m'empêche de dormir. Heureusement que cette île offre tout de même le confort de bungalows munis de toilettes. Des toilettes à chaux certes, mode bobo-écolo oblige, mais je sais respirer par la bouche. Non, ce ne sont pas les toilettes à chaux, ni mon estomac retourné, qui troublent le plus mon séjour... Ce qui, malgré toute la bonne volonté de mon hôte, m'empêche de trouver la paix est que je ne suis pas seule. Non je ne suis pas seule !

Des milliers d'autres sont là. Peu visibles mais terriblement dérangeants, démangeants. Ils s'affairent autour de moi me touchent puis repartent, dansent, surtout la nuit, et n'en finissent pas de faire du bruit dans mes oreilles.

Ce sont les insectes. Les insectes et leurs douloureuses piqûres qui me rappellent que je ne suis plus la bienvenue dans cette nature qui m'a créée. Elle ne veut plus de moi et de ma peau aseptisée. Je suis étrangère à cet état. Comme mon ventre avait voulu me le faire comprendre à mon arrivée, il m'avait prévenu. Je ne suis point faite à cette vie-là. Ce paradis pour insectes veut me faire partir. Qu'à cela ne tienne, je remercie mon hôte, fais mes bagages et retourne à ma ville bien-aimée. Air pollué, je t'aime. Nourriture sous-vide, merci. Appart parisien, tu es bien MON paradis.

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