!*! JACKPOT : JACKBOSS !*!

le_gallicaire_fantaisiste

!*! Mon patron s'est délité !*! Petit florilège des patrons que j'ai eu la chance de côtoyer : A chacun sa drôle de destinée étrange et qui n'a fait que commencer puiqu'il reste encore des années...

Délité : 10H00, regard d'aigle posé sur toutes les proies qui bougent, il arrive pour son inspection. Suffisant pour le moins que rien, soupçonneux rigoureux, il fait œuvre de présence à reporter multipliée par cinq sur sa fiche de rémunération pour "trouble investissement personnel". A cette heure, il sort tout juste de son lit, on distingue encore nettement la trace de son oreiller sur son front. Il a pris le temps pour arriver mais pas celui de passer sous la douche.

 

Mattoir : Frappez le piston, sortez le talent. En glissant le bout du doigt sur la surface du cuir, vous ne distinguerez aucune profondeur, aucun relief. Autrefois, en d'autres temps le charisme et l'artiste sont bel et bien morts. Aujourd'hui, juste un petit chef, du genre sous-fifre, un peu ridicule, un peu bancal, qui tient debout en appui sur l'idée et la fortune de son père et qui prétend à tout bout de champs qu'il est nettement plus performant et ingénieux que lui.

 

Doigts : Au bout de ses bras cassés, ses longs doigts à la manière de pattes d'araignée s'agitent fébrilement battant comme la mesure de son sourire débile. « Je suis le chef, c'est moi le chef, je suis le chef ! ». Il est là qui désigne, pointe et ordonne. Roulement de tambour éteint, avec ses ongles, sur son sous-main en daim. Il sait naturellement, qu'il sait tout, parce qu'il estime que ce sont des choses qui viennent avec l'héritage. Il vous déclare tout à fait sérieusement que le travail que vous avez fourni pour lui dernièrement était  « A peu près bien réussi à 100% !».  Lasse, « trop jeune, trop inexpérimenté, trop fautif déjà, pour la prétention de ses poses et de ses grands airs ».

 

Langue : De vipère. Il se répand avec constance sur son immense penchant paternaliste. Ceux à qui, il a feint de tendre la main, lui ont vendu peu cher les cordes de leur arc. Peu cher ! Il les méprise encore plus que tous les autres, unités économiques qui comptent triple financièrement et comptent pour rien dans la pratique. Il diffuse à tous les vents leurs secrets les plus intimes, pauvres d'eux qui ont cru, à son air sentimental bien profond, qu'ils pouvaient le choisir pour confident des petites médiocrités de leurs vies qu'il s'applique à retourner contre eux ensuite. Par ordre croissant de piédestaux, plus il a la chance d'en savoir, plus il en dit en confidence, manière toute personnelle de témoigner de cette estime de façade qu'il a toujours prodigué généreusement pour cette raison qu'elle ne lui coûte rien.

 

Hyper-technologie : il possède absolument tous les derniers joujoux sortis, il vous en liste le catalogue détaillé, il ne lui manque que le principe pour faire fonctionner toutes les options. Il s'en remet aux femmes pour les trouver, ce n'est plus tout à fait cet homme qu'on s'attend à voir relever les défis, chasser sur ses terres ou les défendre de ses ennemis. Ses armes à lui, outils technologiques d'un monde virtuel, sont traversées d'ondes et d'air, pleines de vent comme lui. C'est pourquoi il envoie de préférence un tel qui passait mal à propos dans les parages de son bureau pour les combats réels.

 

Médaillé d'imposture : Il ne faut pas de diplôme pour être directeur, juste une carte de visite pour l'inscrire. Il est devenu vraiment quelqu'un après que son père en eu commandé toute une pile. Cela vous change un homme. A présent il les commande et les fait imprimer lui-même, disons qu'il a pris des libertés avec son titre. Il l'expose en choisissant ses couleurs, la hauteur de ses caractères, le gras et les blancs. Pour les diplômes qu'importe, il côtoie le beau monde qui n'en a pas davantage et prétend le contraire sans pouvoir décrocher un mot d'anglais. Croyez-vous sérieusement, qu'on irait plus à lui qu'à un autre, lui faire l'affront d'étaler publiquement, que le temps supposé consacré à ses études ne couvre pas le quart du temps qu'il lui aurait fallu pour décrocher tous les diplômes qu'il prétend aujourd'hui avoir passé avec succès. Et qu'à cela ne tienne, il exige de pouvoir contrôler les numéros de série des diplômes de ses employés, membres sans mérite des classes inférieures, pour éviter la fraude. Il ne va tout de même pas embaucher n'importe qui, quelqu'un de compétent qui n'aurait pas le diplôme, ce serai un drame. Quelqu'un d'aussi compétent que lui avec le diplôme en prime, ce serait bien pire. Mais lui, au pays merveilleux des dispenses et des passerelles pour contourner les contrôles, il flotte d'un paradis à l'autre sans avoir besoin de se battre pour exister ou gagner de quoi vivre. C'est aussi pour cela qu'on l'admire.

 

Maîtriser son sujet : A la compétence réelle, il substitue les anecdotes. Juste trois ou quatre qu'il ressort en rectifiant la sauce : autre interlocuteur, autre endroit, à la saison et à l'heure qui se présentent : «  alors admiration… » encore.

 

Avec les filles : Sa réussite ne l'a pas rendu beau. C'est justice, il est jeune et il est laid. Tout sombre, dépourvu de subtilité, grossièrement lourd et bête. Pourtant il arrive souvent que la bête croit pouvoir y prétendre "derechef". Et d'autant plus lorsque l'objet de son intérêt appartient à une classe inférieure. Il trouve toujours un prétexte pour s'approcher trop près, pour coller sa tête près de son épaule ou son genou près du sien. Au fond ce n'est toujours que du mépris, il n'en veut pas vraiment de cette fille qui ne représente rien, qui n'a pas la moindre valeur. Il joue, il veut la place du favori. C'est cette question d'apprécier et de savourer toute l'étendue de son pouvoir et de son autorité. Dans son esprit c'est clair, elle peut un temps se faire désirer mais si elle allait s'obstiner à le repousser, il y aurait cas d'affront, cas de contestation, cas de bravade à réprimer sans pitié parce qu'il est d'abord le chef, que c'est lui le chef, qu'il est le chef. «  Mais pour qui se prend-t-elle celle-là ! » dit-il des femmes qui ne lui donnent pas satisfaction en affaire ou pour les tentatives de partie de jambes en l'air.  Et pour celles qu'il gouverne avant de leur retirer tout leur travail et de leur montrer la porte, c'est aussi dit clairement : « Vous devriez vous estimer heureuse qu'on s'intéresse à vous et si vous refusez de faire ce qui fait partie de votre métier, alors songez sérieusement à changer de profession, car elle n'est sans doute pas faite pour vous. »

 

Caméra vidéosurveillance : Pour lui la sécurité et le voyeurisme ne font qu'un. A la merci de l'aval de la loi, ses cibles sont zoomées, dé zoomées à loisir. Qui ne dit mot, consent, qui en dit un, viré. Il jouit avec délice de tout un arsenal de prétextes qui vont du contrat intérimaire au contrat à durée déterminée à renouvellement à façon. Alors il joue, il joue encore, à toute heure, il bascule de l'écran de son pc à celui de son téléphone portable, il scrute, il guette, il caresse son menton en galoche comme un sceptre, il ne lui manquerait qu'un petit bouton rouge de désagrégation pour que le monde soit absolument parfait.

 

Lâche : Lorsqu'on entend une tempête se lever dans les couloirs, il court s'enfermer dans son bureau. Il ne parait plus tant qu'elle ne s'est pas apaisée. Il se dit qu'il faut laisser mourir le vent dehors, que de guerre lasse, il finira par se coucher tout seul. Cette méthode a fait ses preuves sur la durée. Il reparaît beaucoup plus tard tel le fantôme de son propre spectre, les traits tirés, le visage émacié, triste au possible. Il inspire une pitié étrange, c'est le but recherché. « Quoi, vous mesurez ce que vous m'avez fait à moi ? Vous m'avez porté un coup terrible et à ma femme avec moi et à mes enfants avec elle! Vous m'avez tué voilà tout ce que vous m'avez fait, alors que j'ai toujours été tellement bon pour vous, que je suis quelqu'un de tellement fragile, je suis même malade, vous saviez que j'étais malade? Vous saviez que j'avais la maladie de chrome? Ah non vous ne le saviez pas, eh bien vous le savez maintenant et vous m'avez tué et vous avez tué toute ma famille avec moi ? Vous pourrez parvenir à dormir après cela ? Et moi ? Et moi ? Et moi ? Vous avez seulement pensé à moi ? » Il répète en boucle un semblant de désespoir à qui mieux  mieux veut l'entendre parce que c'est lui le chef. Des manières d'imposture et des formules choisies bien rodées.


Le Gallicaire Fantaisiste

Signaler ce texte