Mon père ce héros, mon DG ce salaud (autre page 3)
Jacques Lagrois
VQue ce soit à sept heures du matin ou six heures le soir, j’ai en horreur ce métro avec sa faïence blanche dont je ne voyais pas la réalité en mai. Ses lumières blafardes éclairent d’une méchante lueur des gens pâles, endormis et pourtant avançant à pas rapides vers un destin identique et sans gloire. Des couloirs sans humanité les mènent pour un troisième étage avec ascenseur dans une cité dortoir de la banlieue parisienne, un bureau ou une usine. J’ai en horreur cette foule dont je fais partie, lorsqu’elle ne proteste pas, les bras prolongés par des banderoles vengeresses. Je crains comme la mort cette gangrène sournoise qui rampe sur des corps ensommeillés et qui éteint la lueur de vie des yeux qui déjà ne voient plus l’horizon, n’entendent plus la petite chanson d’une enfance éteinte qu’ils s’étaient juré de ne jamais oublier. Combien je me retiens de crier que je ne suis pas des leurs, que je ne me reconnais pas dans cette fatalité, que je veux avoir une seconde chance en pleine lumière ! Hier, j’ai laissé tomber mon sac dans le métro et ma gamelle a rampé un instant au sol, me dévisageant, visible aux yeux de tous ; elle m’a nargué, semblant crier ma condition sociale et l’échec de mes espoirs, j’ai eu honte, je l’ai ramassée et rangée, sans oser regarder les gens autour de moi. J’imaginais plus que je ne les voyais, leurs sourires sarcastiques. Je me suis haï, j’ai haï mon père et ma mère, ce métro, cette HLM, la vie… Je ne suis pas tendre avec ce prolétariat qui fut l’espoir d’un printemps et qui n’a pas tenu ses promesses. Y vois-je simplement des gens individuellement ou une masse informe bernée et qui retourne à son outil de travail ? Y vois-je mon propre reflet, aujourd’hui, dans cinq ans, dans dix ans?
Quelques lignes du chapitre "Aprentissage de la douleur"
Je n'ai pas baissé la garde, mes idéaux restent identiques, mon propos était simplement, c'est ce que le livre fait, que les ouvriers -poussés, et là tu as raison par certains partis politiques, dont je tairais le nom- ont considérés que leur condition (ouvrière) leur donnait la véritable et juste conscience politique et philosophique des événements du monde. Le statut d'ouvrier n'est pas une fois en soi, il n'ouvre aucune porte, il enchaîne. L'éducation est la véritable clé de voûte, c'est pas là que doit passer la conscience politique mais aussi l'accès à l'art à la culture. C'est mon désir de fuir ce destin tout tracé qui m'a donné l'envie d'écrire. Je n'en veux à personne mais mon destin était un boulot de con, un HLM et surtout un esprit cloisonné, je ne suis pas devenu un col blanc, j'ai fait des boulots de con mais avec une valise toujours prête pour l'inconnu. Cette conversation est très interressante, j'espère qu'elle se prolongera
· Il y a plus de 13 ans ·Jacques Lagrois
Hé, Jacques, la défaite du prolétariat n'est pas celle du peuple mais celle des politicards de tout poil qui ont saisi notre destin à pleines mains et dans lesquelles nous avons cru discerner la caresse d'un espoir aujourd'hui trempé d'amertume et de rage. En tout cas en ce qui me concerne. Partout dans le monde, la preuve en est flagrante, quand le(s) peuple(s) se mêle de démocratie et de liberté, il sait se faire entendre et réclamer ce qui lui revient de droit... Bien malheureusement, dans nos douillets systèmes occidentaux, la dictature molle fait des ravages et nos aliénations (télé, maison, boulot, etc.) s'ajoutent les unes aux autres pour mieux nous clouer sur place, nous et nos rêves. Bon, ben ça va mieux en le disant. Merci Jacques, j'aime beaucoup ta sincérité. Elle me touche et me donne envie de partager plus avec toi... A bientôt, donc.
· Il y a plus de 13 ans ·jones
merci, que diable, merci, je vous sais gré des quelques lignes que vos m'avez laissé
· Il y a plus de 13 ans ·Jacques Lagrois
Ah ! encore une fois, je suis conquise. Je veux le reste Jacques !!!
· Il y a plus de 13 ans ·Gisèle Prevoteau