Mon prince charmant

Cecile Parmentier

Trois fillettes de huit ans se retrouve un après-midi pour discuter de leur futur époux et comment elles l’imaginent. Assises autour d’une table ronde sous leur pommier préféré, Céleste, Victoire et Célia boivent un bon chocolat chaud avec des langues de chat. Céleste, la première, se décide à parler.

-« Il faudra que mon mari soit blond aux yeux noisette. Qu’il soit beau et intelligent est aussi important à mes yeux. Mais ce qui m’intéresse est que mon mari soit riche à millions, qu’il possède des châteaux, des maisons et des chevaux. J’adore les chevaux et je veux pouvoir passer mon temps à les monter sans avoir à m’occuper du ménage, de la maison ou d’un travail. Nous aurons des domestiques qui s’occuperont de tout, comme ça je pourrais faire uniquement ce dont j’ai envie. 

- Ah non ! Moi je veux chanter, annonça fièrement Victoire. Mon mari sera brun aux yeux noisette, il sera toujours joyeux et aimera vivre à toute vitesse. Et surtout, il sera célèbre et me rendra célèbre par la même occasion. Je veux la gloire. »

Célia les regardait avec un air interrogateur.

Elle eut un petit sourire malicieux et tout doucement leur chuchota :

- Cela va vous paraître bizarre mais, je ne veux pas d’un homme riche ou célèbre, d’un homme beau et mince. Tout ce que je veux, c’est un homme qui m’aime, me fasse rire et avec qui je me sente bien. C’est vrai que si c’est un châtain aux yeux bleu, je tomberai plus facilement amoureuse.

- Tu veux donc rester pauvre et inconnue, s’étonna Céleste.

- Oui, tu veux t’ennuyer toute ta vie à rester sans rien faire, renchérie Victoire.

- Non, non. Je veux tout simplement vivre ma vie et être heureuse. Je verrai au fur et à mesure ce qui me fait envie. Vous vous en rendrez compte aussi un jour. Je vous parie que dans vingt ans, quand on se retrouvera à la même date, je serai heureuse et comblée », lança enfin Célia.

Les trois filles se séparèrent et prirent rendez-vous dans vingt ans au pied de leur arbre préféré.

                Les trois fillettes reprirent leur vie, grandirent et se marièrent selon leur souhait.

Céleste épousa un prince très fortuné et intelligent. Il était exactement comme dans ses rêves, beau, intelligent, possédant plein de château et des chevaux. Elle avait eu un fils, qu’elle aimait et qu’elle gâtait. Elle était heureuse de tant de richesse mais quelque chose n’allait pas. Elle se sentait prisonnière. En effet, elle devait rester au palais, se conformer aux règles, respecter le protocole et céder à tous les caprices de son mari. Il s’occupait bien d’elle, lui achetait tout ce qu’elle voulait mais n’avait plus le droit de donner son avis. Elle pouvait faire autant de cheval qu’elle le souhait mais ne pouvait plus voir ses amis. Elle avait toutes les richesses et les loisirs qu’elle désirait mais avait perdu sa liberté.

Victoria, quant à elle, épousa le guitariste de son groupe de rock. Comme elle le voulait, elle était devenue célèbre. Son mari aimait les sports dangereux. Tout son temps libre, il les passait à faire du parachutisme, des courses de moto, du ski hors piste, si bien qu’il ne restait jamais à la maison. Sur scène, devant son public, Victoria était la plus heureuse des femmes. Pour arriver à son but Victoria et son mari avait décidé de ne pas avoir d’enfant. Mais du coup, quand elle rentrait chez elle, elle se retrouvait toute seule. Ses concerts et ses enregistrements ne lui prenait pas tout son temps. Tout comme Céleste, elle avait réalisé ses plus grands rêves, pourtant il lui manquait quelque chose aussi. Elle avait un mari à la hauteur de ses espérances, il était très dynamique, il était drôle aussi mais il était également toujours absent et ne s’occupait pas d’elle.

Célia, qui avait les rêves les moins audacieux, était marié à un chef comptable qui gagnait bien sa vie. Quant à elle, elle était devenu secrétaire et aimait son travail. Ils avaient eu deux enfants gentils et serviables. Ils n’étaient pas riches, ni célèbres mais ils étaient heureux. Ils adoraient leurs travails, avaient de magnifiques enfants et s’aimaient beaucoup. Tout leur temps libre, ils le passaient ensembles avec leurs enfants, à faire des activités et à s’amuser. Célia avait une vie active, sociale et familiale bien remplie et épanouissante. Elle aimait vraiment sa vie, ses enfants et son mari, elle était donc heureuse et comblée.

Lorsque les trois femmes se retrouvèrent sous leur pommier préféré vingt ans après leur grande discussion, elles avaient bien changé. Céleste, comme cadeau d’anniversaire avait demandé à son mari l’autorisation de se rendre à ce rendez-vous et exceptionnellement, il avait accepté. Victoria n’avait eu aucun mal à se rendre au rendez-vous et son mari étant toujours absent, elle ne lui en avait même pas parler. Célia était impatiente de retrouver ses amies. Elle avait un peu peur d’avoir perdu son pari mais de toute façon elle aimait sa vie et s’était l’essentiel.

Ils leur fallu quelques instants avant d’être à l’aise et de parler librement. Céleste et Victoria eurent du mal à admettre qu’elles n’étaient pas aussi heureuses qu’elles voulaient le faire croire. Céleste avait du mal à parler de sa vie et de son mari, elle avait tellement l’habitude de ne pas pouvoir parler qu’il lui était difficile de s’exprimer en toute sincérité. Victoria avait beau fanfaronner, au bout d’un moment les autres ont pu lire dans ses yeux une profonde tristesse. Elle finit quand même par leurs avouer combien elle se sentait seule.

Célia, comme à l’époque, resta silencieuse et les écouta tranquillement. Au bout de leur récit, elle eut un petit sourire.

-« C’est à mon tour de parler. Comme je vous l’avais dit, j’ai épousé un homme qui m’aimait et ne voulait que mon bonheur. Je ne suis pas riche, je ne suis pas célèbre mais j’ai un mari drôle, doux et aimant, deux enfants adorables, un travail qui me comble. En fait, j’ai tout pour être heureuse et je le suis. Il est facile de faire des rêves, de vouloir être riche et célèbre, mais il ne faut pas oublier les choses les plus simples pour être heureux : un amour sincère. »

Céleste et Victoria la regardèrent avec un air interrogateur.

« Est-ce que vous aimez réellement vos maris ? » : les interrogea Célia.

Devant leur mine défaite, elle comprit que la réponse était négative. Elle leur expliqua qu’un mariage sincère valait mieux qu’un mariage de raison. Un amour partagé valait mieux que l’amour de l’argent ou de la gloire. La richesse et la célébrité n’étaient pas capable ne nous rendre notre amour en prenant soin de nous, en faisant attention à nous, en nous laissant libre de nous exprimer et de vivre. Il fallait épouser un homme que l’on aimait et non son argent ou sa célébrité.

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