Mon vomitif adoré

Lucie Labat

Mon vomitif est un sentiment, un homme, un monde, toi

Mon vomitif n'est pas liquide, gazeux et pourtant il s'ingère, se régurgite, et s'installe tout autant que le plus parfait des poisons.

Mon vomitif est fait de foutre de chair et de sang, comme nous tous tout autant. Mais surtout de foutre.

Il ne coule pas dans mon estomac, comme le foutre il est visqueux et reste dans la gorge, amer, puant.

Il tient place de langue, de dents, de glande, il est là je le sens, survivre à l'orée de mes lèvres.

Je voudrais le cracher, loin, rageusement, mais il a pris ma gorge comme repère, comme antre, comme refuge loin de ma cruauté. Il s'est niché au fond de ma trachée, on ne peut l'en décoller.

Mon vomitif est un filtre d'amour périmé, mal tourné, déversé, renversé, dilaté, dans toutes les grottes, dans toutes les cachettes, dans toutes les voûtes et les orifices de ma statue de granite.

Il ne fait pas effet tout le temps, juste les soirs de haine ou de désir, de haine et de désir, de haine parce que désir. Inassouvi. Il ne s'épanche que par la sueur, les larmes, les cris physiques… ou non. Mon corps est alors drainé de sa présence par des subterfuges qui m'illusionne de son absence.

Quand le goût de mon vomitif s'en va, son odeur infeste mes narines moribondes. C'est la nausée.

La nausée me prend me submerge m'étouffe. L'infection gangrène tous mes membres, c'est la contraction, la paralysie. La tête s'emballe, les fluides s'écoulent, le corps reprend le dessus, se penche, c'est fini.

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