Monsieur Dimanche et la Fin du Monde
cyrano
Monsieur Dimanche et la fin du Monde
Chapitre I : 1er Décembre
Le premier jour de décembre, Monsieur Dimanche descendait la rue Henriette, enneigée et venteuse. Sa mallette sous le bras, le visage enrubanné d’une écharpe rouge, il se rendait à l’institut Voltine où il occupait le poste d’administrateur des demandes érotiques. Un travail sans grand intérêt, routinier et sans surprise. Il triait le courrier des admiratrices du Président Obé, sélectionnait les jolies et jetait les laides à la poubelle. Les heureuses élues étaient envoyées pour une nouvelle sélection au service des demandes érotiques approfondies.
Les bus étant restés au garage en raison de la neige, il avait du partir vingt minutes plus tôt. Monsieur Dimanche n’aimait pas qu’on interfère dans sa routine et se sentait de bien mauvaise humeur. Il arriva enfin au bureau, mit son manteau humide sur une chaise et alluma la machine à café.
- Bonjour, dit la machine.
- Bonjour, répondit Monsieur Dimanche.
Il s’assit derrière son bureau et attendit patiemment la pile de courrier du jour. Il était 7h57 et le courrier arrivait tous les jours à 8h00 précise par l’intermédiaire de Monsieur Henry affecté permanent à la distribution des demandes érotiques présidentielles. Celui-ci arriva à l’heure, déposa la pile devant Monsieur Dimanche et posa une fesse sur le coin de son bureau. Monsieur Dimanche haïssait cette habitude mais ne disait rien.
- Alors vieux Dimanche, la neige ne vous a pas empêché de venir ?
- Vous voyez bien que non, répondit Monsieur Dimanche en commençant son travail.
Il commençait toujours par ouvrir toutes les lettres avec un coupe-papier ramené du Briquistan. Un beau couteau effilé avec le manche serti de dents de pingouins. Il procédait de manière mécanique et s’amusait à garder le rythme. Malheureusement, Monsieur henry s’obstinait chaque jour à rester lui faire la conversation aussi n’arrivait-il que très rarement à garder le bon tempo. Monsieur Dimanche trouvait monsieur Henry idiot et Monsieur Henry trouvait Monsieur Dimanche coincé. Aucun des deux n’appréciait l’autre.
- Vous croyez que ça va durer cette neige ? demanda Monsieur Henry.
- Oui, répondit Monsieur Dimanche, c’est l’hiver donc oui, la neige va durer.
- Etes-vous prêt pour le 21, Monsieur Dimanche.
- Prêt ? Pourquoi je serais prêt ?
- Je ne sais pas moi, c’est quand même quelque chose.
- Hum.
- Vous ne trouvez pas qu’il serait bon de préparer quelque chose de spécial ?
- Comme quoi ? demanda Monsieur Dimanche.
- Comme…comme un poème par exemple, ou une chanson, pour rendre la chose plus solennelle.
Monsieur Dimanche arrêta son découpage et releva la tête.
- Un poème ?
- Oui, un truc beau et profond.
- Pourquoi faire ?
- Bah, ça m’embêterai que mes derniers mots soient : ‘’Passe moi le sel’’.
- Et pourquoi pas ? Ce n’est pas assez profond pour vous ‘’Passe moi le sel’’ ?
- Non, j’aimerai bien dire un truc du genre ‘’J’attends la mort avec sérénité ‘’.
- Pfff, vous êtes ridicule, dit Monsieur Dimanche. Et qui est-ce qui va les entendre vos belles paroles ?
- La postérité.
- La postérité ? Mais enfin, il n’y aura plus de postérité après le 21.
- Pas faux, répondit Monsieur Henry.
Monsieur Henry se tu et Monsieur Dimanche reprit son découpage consciencieusement. Monsieur Henry sortit une cigarette et se mit à faire des ronds. Il était très fier de ce talent et ne manquait jamais de le montrer à Monsieur Dimanche. Celui-ci en était extrêmement jaloux et voir son collègue le narguer le mettait toujours dans une colère folle. Mais Monsieur Dimanche était un Monsieur bien comme il faut, aussi gardait-il en lui tout ces ressentiments. Ceux-ci s’accumulaient petit à petit dans une boule un peu au dessous de son aisselle gauche. Il aimait à la caresser sans que les gens ne s’en rendent compte lorsqu’il avait les bras croisés. La pile de Monsieur Dimanche et la cigarette de Monsieur Henry s’achevèrent en même temps. Monsieur Henry écrasa son mégot sur le bord du bureau de Monsieur Dimanche et sortit. Monsieur Dimanche, de nouveau seul, saisit la première lettre et en sortit une page remplie de lignes inégales et une photo en couleur prise de toute évidence avec un Polaroïd. Monsieur Dimanche jeta un coup d’œil à la photo puis jeta le tout dans la poubelle en soupirant.
- Il y en a qui doutent de rien quand même, dit-il tout fort.
Pour une fois, Monsieur Dimanche n’avait pas la tête à travailler. Il se pencha en arrière sur son dossier et se laissa allé à regarder le plafond. Il alluma une cigarette et regarda la fumée monter doucement au plafond. Cela faisait quelque temps qu’il n’était plus totalement concentré sur son travail. Depuis cinq jours en réalité. Depuis l’annonce par le gouvernement de la fin du monde. Un matin, étaient placardées dans tout le pays de grandes affiches sur papier beige. Les gens, comme aux temps de déclarations de guerre ou de fêtes foraines, s’étaient agglutinés tout contre pour lire ensemble la décision du gouvernement de mettre un terme au monde.
C’était une décision conjointe du Sénat et de l’Assemblée. Monsieur Dimanche n’avait pas bien saisi toutes les subtilités politico-politiciennes mais avait tout de même compris qu’en raison du trop grand nombre d’habitant associé à la hausse du prix des pruneaux, il avait été jugé nécessaire de remettre les compteurs à zéro et de repartir sur de meilleures bases. Pour ce faire, l’arsenal nucléaire militaire entier allait être déclenché au même instant un peu partout dans le monde. Les membres du gouvernement, outre eux-mêmes, sélectionnaient les candidats les mieux adaptés pour intégrer la quelque dizaine de bunkers qui permettraient la survie de l’espèce. C’était le travail de Monsieur Dimanche depuis quelques jours. Dans un mémo, il avait été assuré de l’éternelle reconnaissance que le gouvernement lui porterait après sa mort s’il n’envoyait aucune laide dans les bunkers. Car quitte à repeupler la planète autant que se soit agréable.
En soit, Monsieur Dimanche était plutôt d’accord avec la décision du gouvernement, mais une chose l’embêtait quand même, il aurait bien aimé lui aussi être accepté dans les bunkers. Pas pour les filles non car il aimait les garçons mais ça l’ennuyait de mourir avant son anniversaire, le 22 décembre. 40 ans tout pile il aurait eu. Quel dommage ! Lui qui avait toujours aimé les chiffres ronds. Et depuis le temps qu’il l’attendait cet anniversaire, presque dix ans.
Il avait fait une demande à sa hiérarchie mais on lui avait répondu par courrier qu’en tant que pédéraste notoire qu’il n’était pas le mieux placé pour perpétuer l’espèce, et que même sans ça avec sa gueule, il n’avait pas grande chance. Monsieur Dimanche avait accepté la réponse avec flegme, il s’y attendait plus ou moins.
Perdu dans ses pensées et dans un nuage de fumée, il sursauta lorsque la porte s’ouvrit brusquement.
- Et bien, vieux Dimanche, dit Monsieur Henry, on va manger ?
- Quoi ? Il est déjà midi, s’exclama Monsieur Dimanche en se redressant.
Il posa son regard sur la pile de lettres à faire puis haussa les épaules.
- Je resterai un peu plus tard ce soir, se dit-il.
Il se leva et enfila son manteau qui avait séché, enroula son écharpe autour de sa figure et sortit en fermant à clé. Sortant de l’immeuble, il pénétrèrent dans ‘’La Malette Creuse’’, le restaurant en face. Ils s’assirent à leur table habituelle, côte à côte sur la banquette rouge. Cette table était idéalement située, au fond de la salle, assez près de la fenêtre pour pouvoir voir dehors mais assez loin pour ne pas ressentir la froideur de l’extérieur. De cette table, ils pouvaient voir toute la salle et étaient bien en face de l’endroit où se tenait Gustave, le garçon. Ainsi, à peine avaient-ils besoin de lever le petit doigt pour que celui-ci accoure. La distance de la radio était juste assez longue pour ne pas être dérangé par le bruit et assez courte pour pouvoir écouter une émission intéressante en tendant quelque peu l’oreille. Les toilettes étaient à l’opposé du restaurant et leur odeur ne parvenait jamais à Monsieur Henry et à Monsieur Dimanche.
Gustave attendait patiemment que les deux hommes aient pris place puis posa devant eux un verre de vin de Moselle pour Monsieur Dimanche et une Suze pour Monsieur Henry.
- Comme d’habitude Messieurs ? demanda Gustave.
- Oui Gustave, comme d’habitude.
Gustave s’envola à tire-d’aile vers les cuisines. Le restaurant était plein, les gens s’y réfugiaient pour échapper à la morsure du froid qui laissait des marques de dents très peu seyantes sur les bouts de nez et les pointes d’oreilles. Le feu, où cuisaient lentement de pommes de terre enroulées dans du papier aluminium, emplissait la salle d’une chaleur confortable qui n’aurait pas mordu une mouche. Les serveurs s’affairaient et transportaient de leurs bras musclés des soupières, des assiettes, des bouteilles en masse. Le vin chaud coulait à grandes giclées, diffusant dans l’air chaud des effluves aromatisées et alcoolisées qui mettaient en appétits les clients frigorifiés.
Assis confortablement sur leur banquette, ces Messieurs Dimanche et Henry sirotaient tranquillement leur verre. Monsieur Henry vint troubler cette douce mélancolie où tout deux s’étaient vautré :
- Pourquoi donc ont-ils choisi le 21 ? demanda-t-il.
Monsieur Dimanche ne répondit pas et Monsieur Henry poursuivit.
- Le 21, c’est quatre jours avant Noël. Imaginez tous ces cadeaux qui ne serviront à rien. C’est quand même absurde et puis un peu brutal, vous ne trouvez pas ?
- Si, répondit Monsieur Dimanche.
- Une fin du monde, j’imagine que ça se prépare un peu à l’avance. Ça m’a tout l’air d’être un peu bâclé cette histoire.
A ce moment là, Gustave revint à la table avec deux assiettes fumantes.
- Et un rôti de Pigeon des îles pour Monsieur Henry et une fricassée d’endive sauce petit nègre pour Monsieur Dimanche.
- Merci Gustave, répondirent les deux hommes en chœur.
Ils se mirent à manger goulument, sans dire un mot pour ne pas troubler leur effort de mastication. Les serviettes blanches autour de leurs deux cous se maculaient de tâches de sauce et d’empreintes de doigts. Ils faisaient plaisir à voir ces deux fonctionnaires bedonnants. Le patron, lorsque rassasiés ils s’étaient penchés en arrière, les mains sur le ventre, s’était approché avec deux café et deux verres de calvados hors d’âge et les avait posé devant eux avec un clin d’œil. Ils versèrent tous les deux une goutte dans le café et burent le reste d’un trait. D’un air ravi, le patron leur dit :
- Fin du monde ou pas, il ne faut pas se laisser mourir de faim. C’est pas vrai ?
- Oh si c’est vrai, répondirent Messieurs Dimanche et Henry.
- Je vais vous faire une confidence, reprit le patron en ce penchant vers eux. Moi je n’y crois pas à leur histoire.
- Comment ça ? demanda Monsieur Henry.
- Moi je crois que c’est une astuce pour relancer la consommation. Regardez autour de vous. Mon restaurant n’a jamais été aussi rempli. Et c’est pareil dans tout le quartier. Les gens consomment comme s’ils ne leur restaient que quelques jours à vivre.
- Mais ils ne leur restent que quelques jours à vivre, dit Monsieur Henry.
- Vous allez voir, reprit le patron. Le 22 au matin tout le monde se réveillera vivant et en bonne santé.
- Pari ? dit Monsieur Henry en lui tendant la main.
- Pari tenu, répondit le patron. Si j’ai tord, vous mangerez gratis pendant une semaine. Si j’ai raison vous me donnerez la belle montre que vous avez au poignet.
Dans son bureau, Monsieur Dimanche rechignait à se mettre au travail. Il finit par se redresser sur son siège et saisit la première enveloppe. La photo était celle d’une jeune fille aux cheveux noirs. Son front était large et surplombait deux yeux profonds, fixés sur l’objectif. Au milieu de ses deux globes, un nez aquilin descendait doucement jusqu’à une bouche fermée, aux lèvres petites. La pâleur des joues venait faire contraste avec la noirceur des cheveux qui entouraient la tête et cachaient les oreilles. Le menton était fin mais rond. La jeune fille ne trahissait aucune émotion. De profil, on ne voyait que sa tête et le haut de son buste. À son cou, pendait une chaine en argent à laquelle était accrochée une médaille de saint.
Monsieur Dimanche fut troublé par la photo, il la regarda pendant quelque temps, puis mit l’enveloppe sur le côté, sans lire la lettre. Puis, dans un élan d’énergie, il s’attaqua à la pile de courrier. Il allait vite, poussé par une habitude mécanique, presque Taylorique.
Deux heures plus tard, il se pencha en arrière en poussant un soupire de soulagement. Il alluma une cigarette et ne bougea plus que pour la porter à ses lèvres. Il regardait fixement l’horloge au dessus de la porte et attendait quatre heures. Les aiguilles semblaient hésiter à avancer, comme si elles avaient conscience, elles aussi, que la fin du monde était proche. Enfin, la grosse aiguille atteint le douze et presqu’immédiatement, la porte s’ouvrit.
- Vous êtes prêt, mon cher ? demanda Monsieur Henry.
Monsieur Dimanche se leva sans répondre et s’habilla en prenant son temps. Comme tous les jours, Monsieur Henry trépignait. Monsieur Dimanche adorait cette particule de pouvoir qu’il tenait entre ses mains, aussi en profitait-il pleinement. Ils sortirent ensemble, et à l’entrée du bâtiment se serrèrent froidement la main et partirent chacun dans une direction opposée. Comme tous les jours.
Machinalement, Monsieur Dimanche se dirigea vers l’arrêt d’autobus et s’assit sur le banc. Lorsqu’il se rendit compte que la neige empêchait les bus de rouler ce jour-là, il partit dans une colère noire et donna de grand coup de pieds dans les tas de neiges blancs.
Il arriva chez lui les chaussures trempées et une envie de tuer au cœur. En accrochant son manteau, il sentit deux mains caresser son gros ventre. Pervenche, son amant s’était glissé derrière lui et, sentant la mauvaise humeur de Monsieur Dimanche, tentait de lui faire retrouver le sourire.
- Dure journée, Monsieur Dimanche ?
- On peut le dire oui.
- Otez ces godasses inondées et venez avec moi, dit Pervenche en lui prenant la main.
Monsieur Dimanche se laissa guider comme un enfant vers le salon où Pervenche lui prépara un bol de lait chaud avec du miel avant de retourner à la cuisine finir le repas.
Ce soir-là, dans son lit se tourna et se retourna longtemps, faisant échapper à Pervenche des petits gémissements endormis. Il pensait à la photo de la jeune fille et plus il y pensait et plus il lui semblait qu’elle lui était familière. Au bout d’un moment, finalement, il se laissa gagner par un sommeil fatiguant.
Chapitre II : 2 Décembre
Fatigué d’avoir dormi, Monsieur Dimanche ne desserra pas la bouche du petit déjeuner et laissa un Pervenche embêté, persuadé d’avoir mal agit. La neige bloquait toujours les rues et Monsieur Dimanche se pressa pour être à l’heure. Pour une fois, il n’alluma pas la machine à café qui ne lui souhaita pas le bonjour, il n’attendit pas patiemment que 8h sonnent, il ne se débarrassa même pas de son manteau. Il saisit, à peine entré, la lettre de la jeune fille, et, après avoir rejeté un coup d’œil à la photo, commença la lettre.
« Cher Président,
C’est avec grand espoir que je vous adresse cette lettre. L’infaillibilité du gouvernement ne fait aucun doute à mes yeux. Les décisions du Sénat et de l’Assemblée ne sauraient être autre que justes et nécessaires. J’accepte avec confiance la décision de mettre fin au monde tel que nous le connaissons. J’accepte avec sérénité la date choisie. J’accepte avec respect votre décision de ne sauver qu’une infime élite de la population. J’accepte tout ceci et j’espère faire parti de ce nouveau départ. Je remplis parfaitement les conditions énoncées dans les notices que le ministère de la santé nous a fait parvenir. Je suis en bonne santé, je n’ai aucun antécédent familial de cancer, obésité, maladie mentale ou eczéma. Mon patriotisme est infaillible et je voue un culte sans borne à votre personne et à votre gouvernement.
Pour conclure, je me porte candidate à la repopulation de la terre après le Jour de la Fin.
En espérant, Monsieur le Président, que vous recevrez favorablement ma requête, je vous souhaite un vie longue et heureuse.
Mademoiselle Lundi
PS : Vous trouverez ci-joint une photo de moi. »
Monsieur Dimanche reposa la lettre. Il comprit pourquoi cette lettre lui avait repoussé le sommeil toute la nuit : les Lundi étaient vaguement parents aux Dimanche. Il avait entendu quelques histoires confuses racontées par sa grand-mère. Il regretta maintenant de n’avoir pas écouté à l’époque. Il avait dû lire furtivement le nom sur la lettre et l’impression de déjà-vu ne venait non pas de la photo en elle-même mais de l’inscription sur l’enveloppe. Il se prit de pitié pour cette jeune femme. La lettre était presque identique à toutes les lettres qu’il lisait. Monsieur Dimanche vomissait ces éloges excessifs et ce dévouement fanatique. D’en avoir trop vu, d’en avoir trop lu, il avait prit en horreur toute forme de patriotisme et d’idolâtrie. Bien sur, il taisait ces sentiments pour ne pas voir un soir surgir à sa porte la Police des Opinion.
Il expédia son travail le plus vite possible, et quand quatre heure arriva, il courut jusqu’à chez lui. Pervenche s’étonna de le voir rouge et suant.
- Mais qu’y a-t-il de si pressé, demanda-t-il.
Monsieur Dimanche le dépassa sans un mot puis arrivé devant la porte de son bureau, il s’arrêta, la main posée sur la poignée. Il se retourna vers Pervenche en fronçant les sourcils.
- En définitive, rien, dit Monsieur Dimanche. Viens, mon sucre.
Pervenche s’approcha de Monsieur Dimanche et se lova dans ses bras tendus. Il entrèrent tous les deux dans le bureau. D’ordinaire, Pervenche n’avait pas le droit de rentrer dans le bureau de Monsieur Dimanche, aussi était-il un peu intimidé en entrant.
- Hier, j’ai trouvé une photo qui m’a intriguée, commença Monsieur Dimanche.
- Dans une lettre d’une de ses pimbèches qui ne rêvent que de se faire engrosser par un politique ? l’interrompit Pervenche.
- C’est cela, c’est cela. Je ne savais pas pourquoi hier cette photo m’a empêché de dormir.
- Tu ne serais pas en train de nous virer hétérosexuel par hasard ?
- Non, ce n’est pas ça, quoique elle était plutôt jolie sur la photo.
Pervenche ne dit rien mais fit la moue.
- Bref, j’y pense toute la nuit et, au matin, je lis la lettre.
- Ah parce qu’elle sait écrire ?
- Oui, enfin, plus ou moins. Ce n’était juste qu’un amoncellement de patriotismes suants. Mais ce n’est pas important, ce qui est important c’est le nom de cette jeune fille : Lundi.
- Lundi ? Et alors ?
- Alors, les Lundi sont des parents de la tante de ma mère. Ils ont donc un lien de parenté avec moi.
- Moui, plutôt mince comme lien, dit Pervenche.
- Peut-être mais ça m’a touché.
Monsieur Dimanche prit une chaise et l’apporta près de la bibliothèque. Il grimpa avec effort dessus. Pervenche le soutenait tant bien que mal. Il parvint à attraper un classeur à couverture de cuir rouge au dernier étage, coincé entre une encyclopédie de canards lapons illustrée et le guide touristique briquistanais du voyageur moderne. Comme dans les films, il souffla sur la tranche et un nuage de poussière s’envola dans un rayon du soleil couchant qui avait attendu ce moment précis pour se coucher réellement. Il posa le classeur sur son bureau et Pervenche sur ses genoux. Il se mit à tourner les pages. Devant leurs yeux défilaient des hommes, des femmes, des enfants, debout devant leurs veaux, leurs vaches, leurs cochons. Ils avaient tous l’air dur et sobre et il semblait faire toujours mauvais temps sur les photos. Il semblait que la vie alors était triste mais avait cette simplicité rassurante d’une existence simple à cultiver son jardin. Monsieur Dimanche détestait plonger les mains dans la terre fraiche, aussi cela cette impression lui donna-t-elle un sentiment d’irrésistible malaise.
Tout en tournant les pages, il lisait le nom inscrit en haut de chacune d’elle. Famille Mercredi, Famille Juin, Famille Mi-Novembre, Famille Quinzaine etc. Enfin, presque arrivé à la fin du classeur, Monsieur Dimanche s’écria :
- Lundi !
Pervenche, qui s’était assoupi, sursauta :
- Déjà !
Monsieur Dimanche se pencha sur la photo. Les Lundis étaient exactement similaires aux autres familles de la famille. Un père à moustache au regard dur, une mère qui n’ose pas sourire avec un nourrisson dans les bras, une ribambelle d’enfants à leurs côtés, sales mais droits comme des ‘’i’’. Les parents derrières et les enfants assis devant eux. Il décrocha la photo de la page et la retourna. Un écriture fine et penchée indiquait une date une quarantaine d’année plus tôt et la ferme du Rocher. Pervenche, le menton posé sur ses mains, les coudes posés sur le bureau, se malaxait les joues de ses doigts.
- C’est ennuyant à mourir ces vielles photos.
Monsieur Dimanche ne répondit pas. Il se leva et remonta sur la chaise. Il descendit de la bibliothèque un gros livre noir.
- C’est le livre de famille, dit-il. Lorsque ma mère est morte, mon père me l’a donné. Il se foutait pas mal de la famille de ma mère. C’est peu dire qu’il ne les aimait pas. Tu penses une famille de pequenots illettrés. Lorsqu’ils l’ont vu arrivé, propre sur lui, une maîtrise d’anglais en poche, ils ont tout de suite pensé qu’il pétait plus haut que son cul. Ce qui n’était pas tout a fait faux d’ailleurs. De toutes façons, il le leur rendait bien. Pour lui, ils n’étaient qu’une meute d’animaux qui ne voyaient pas plus loin que les cornes de leurs vaches. Ce qui n’était pas tout a fait faux d’ailleurs. Je ne l’ai jamais ouvert.
- Je vais faire du café, dit Pervenche en sautant sur ses pieds, je te laisse à tes divaguassions.
Pervenche sortit et laissa Monsieur Dimanche seul. Celui-ci posa le livre sur son bureau et l’ouvrit. Les pages étaient sèches et poussiéreuses. Elles faisaient un bruit de porte qui grince lorsqu’il les tournait. A chaque fois, montait une odeur de moisi agréable qui lui prenait le nez. Il prit tout son temps pour arriver à la famille Lundi. Il prit plaisir à passer en revue chaque branche, même éloignée. Il se prit d’une certaine mélancolie en pensant à tous ces gens qu’il n’avait pas connus. Mais Monsieur Dimanche était fonctionnaire donc peu sentimental et il chassa bien vite la sensibilité qui commençait à suer par tous ses pores.
La page de la famille Lundi était bien pleine. Elle était remplie d’une liste de noms et de dates indiquant consciencieusement le parcours de chaque membre. Du jour de sa naissance à celui de sa mort en passant par celui de son baptême, de sa première communion, et de son mariage. Par jeu, il chercha l’année de sa naissance. Trois enfants étaient nés cette année là : Juliette, née de Gustave et de Jacobine Lundi ; Paul, né de Hervé et de Hélène Lundi ; et enfin Jacques, né de Martin et de Ernestine Lundi. Monsieur Dimanche fut surpris de voir que Jacques Lundi était né le même jour que lui, un 1er août. Il retourna dans l’album de photos et lu la description au bas du cliché.
« La Famille Lundi, devant de gauche à droite : Jules, 7 ans, Marie, 5 ans, Pascal, 8 ans, Anna, 6 ans et Alfred, 10 ans.
Derrière de gauche à droite : Martin, 35 ans, Ernestine 32 ans, Jacques, 1 mois. »
Monsieur Dimanche observa un temps le nouveau né et essaya d’imaginer ce qu’il était devenu. Peut-être était-il toujours dans cette même ferme. Peut-être avait-il pris la place du père et avait-il eut le même regard dur le jour de la photo de famille. Peut-être avait-il abandonné cette famille de campagne pour chercher fortune en ville comme beaucoup de jeunes gens à l’époque. Peut-être avait-il fini sous un pont, incapable de s’adapter à la vie urbaine. Peut-être avait-il été doué pour les affaires et avait fait fortune en un rien de temps. Peut-être était-il devenu fonctionnaire. Cette dernière pensée le fit sourire. C’est à ce moment que Pervenche entra dans le bureau, portant un plateau lourd qu’il déposa sur un coin de la table. Pervenche sourit en voyant son amoureux sourire. Il versa deux tasses de café bien noir et posa l’assiette de biscuits devant Monsieur Dimanche qui en croqua un du bout des dents. De petites miettes vinrent parsemer la page brunie de l’album photo. D’un coup de manche, il l’essuya puis souffla dans la rainure pour faire disparaître les quelques-unes qui y étaient resté coincé.
- On est bien nostalgique d’un coup Monsieur Dimanche, dit Pervenche.
- Un peu, répondit Monsieur Dimanche en lui enserrant la taille et en le ramenant à lui.
- C’est l’immanence d’une fin prochaine qui vous rend mélancolique ?
- Peut-être bien.
- Allons mon gros poussin, il ne faut pas s’en faire. Ils ont dit sur les affiches que se serait rapide et sans douleur.
Ils passèrent à table une heure plus tard en se lançant des sourires à la dérobée comme deux adolescents qui se plaisent. Monsieur Dimanche passa au salon et s’installa au coin du feu sur son gros fauteuil en cuir, celui dont on ne s’échappe pas. Pervenche alla au bureau débarrasser le plateau du café. Il ramassa les tasses et passa un rapide coup de torchon sec sur le bureau. Son geste entraina l’enveloppe de la jeune fille qui tomba par terre. Il se baissa et la saisit. Il la retourna et eut un mouvement de surprise.
- Mais c’est au bout de la rue !
- Pardon ? demanda Monsieur Dimanche de l’autre pièce.
- L’adresse de l’expéditeur ! dit Pervenche en entrant au salon. Cette fille habite au bout de la rue
Chapitre III : 3 Décembre
Le 3 Décembre tombait un samedi, Monsieur Dimanche et Pervenche restèrent au lit longtemps et ne se levèrent qu’à 10h du matin. Pervenche dormait encore, la tête posée sur le torse de Monsieur Dimanche. Délicatement, celui-ci se détacha du jeune homme et lui posa doucement la tête sur l’oreiller. Il se leva sans bruit et se rendit à la cuisine. Il mit en route la cafetière qui ne lui dit pas bonjour. Il mit une poêle sur le gaz et coupa en deux quatre oranges qu’il pressa pour en récupérer le jus. Il prépara deux grands verres et jeta deux tranches de bacon et deux œufs dans la poêle. Il coupa ensuite deux tranches de pain et les beurra de façon bien homogène.
A moitié réveillé lorsque Monsieur Dimanche s’était levé, Pervenche s’éveilla tout à fait en sentant l’odeur du des œufs au plat. Il se redressa sur le lit, s’étira consciencieusement et se frotta les yeux. Il rejoint Monsieur Dimanche à la cuisine vêtu uniquement d’un caleçon gris. Monsieur Dimanche, à cause de son âge, portait une robe de chambre bleue à liserés dorés, avec une poche sur le cœur. Pervenche traversa la cuisine et se rendit directement aux toilettes en laissant la porte ouverte. Monsieur Dimanche put donc profiter pleinement de la musique matinale de l’homme qui se soulage. Ce manque de pudeur de la part de son jeune amant faisait toujours sourire Monsieur Dimanche et ne le dérangeait pas. Il aimait que Pervenche se sente assez bien avec lui pour ne pas avoir honte de faire ce qu’il avait à faire et ne pas fermer la porte.
En fripant les restes de jaune d’œuf dans son assiette, Pervenche, la bouche pleine, demanda :
- Et si on allait lui rendre une petite visite à la demoiselle Lundi ?
- Pourquoi faire ? répondit Monsieur Dimanche.
- Lui faire changer d’avis.
- A quoi bon ? De toute façon la petite n’a pas ce qu’il faut pour passer la première sélection.
- Oui, mais on pourrait peut-être lui arracher de la tête son patriotisme imbécile.
- Bof. Qu’elle le garde son patriotisme, encore pour dix-huit jours, du moins. A quoi ça nous servirait de la faire changer d’avis pour dix-huit jours ?
- Bah, à nous distraire un peu, répondit Pervenche en se grattant l’arrière de la tête. Ces prochains jours vont être d’un ennui ! Quitte à attendre la mort, autant s’amuser un peu. Tu ne penses pas ?
- Bof, allez, pourquoi pas ? Si ça te fait plaisir.
Ils descendaient tous les deux la rue où se déroulait un épais tapis de neige. Ils s’enfonçaient à chaque pas jusqu’au milieu de mollets. Malgré leurs hautes bottes, la neige leur rentrait quand même dans les chaussures. Monsieur Dimanche pestait fort et cela faisait rire Pervenche.
- Toi et tes idées à la con !
- Ne fais pas la tête pépé, répondit Pervenche. On est bientôt arrivé.
Il s’arrêtèrent devant un immeuble de caractère de quatre étages et furent étonnés par le goût architectural et la propreté de la façade. Ils poussèrent la grille en fer qui se bloqua après quelques dizaines de centimètres à cause de la neige. Pervenche se faufila félinement dans le jardin. Monsieur Dimanche essaya de faire la même chose mais son gros ventre resta immobilisé. Haletant et suant, il repoussa méchamment la main tendue de Pervenche et parvint tant bien que mal à se décoincer. Il rejoignit Pervenche en haut des marches et ne tint pas compte de son regard ironique. Le jeune homme appuya sur la sonnette. Rapidement, la porte s’entrouvrit et une tête longue et décharnée apparut devant eux.
- Oui ? dit la tête longue et décharnée.
- Bonjour Monsieur, commença Monsieur Dimanche, nous aimerions voir Mademoiselle Lundi.
- Mademoiselle Lundi ? Mais pourquoi ?
Monsieur Dimanche, prit au dépourvu, resta sans voix et Pervenche prit la parole.
- Nous sommes de sa famille.
- Bon, je vais voir, répondit la tête longue et décharnée avant de refermer la porte.
Monsieur Dimanche et Pervenche restèrent dehors, étonnés et vexés qu’on ne les fît par entrer. La sueur de l’effort s’était refroidie et tout le corps de Monsieur Dimanche semblait enveloppé d’une couche de froideur qui le perçait de part en part. Pervenche faisait semblant de ne pas avoir froid et concentrait tous ses efforts pour ne pas grelotter. Enfin, la porte s’ouvrit et une jeune fille en tenue de bonne apparut.
- Oui ? dit-elle.
- Mademoiselle Lundi ? demanda Monsieur Dimanche.
- Bah oui, répondit Mademoiselle Lundi.
- Je me présente, Monsieur Dimanche et voici mon partenaire Pervenche.
- Oui ?
- Je vois que mon nom ne vous est pas familier. C’est dommage. Voyez-vous, il se trouve que les familles Lundi et Dimanche sont toutes deux issue du même arbre, généalogique j’entends. Et par le plus curieux des hasards, je suis tombé sur votre nom au cours de mon travail. Avant d’aller plus loin, pardonnez mon outrecuidance mais j’ai les doigts de pieds gelés et je déplorerai grandement qu’on ne doive me les couper si je reste dehors dans ce froid plus longtemps. Pouvons-nous entrer ?
- Non, répondit Mademoiselle Lundi, attendez ici.
La porte claqua une nouvelle fois au nez des deux hommes qui ouvrirent des yeux ronds. Quelques dizaines de secondes plus tard, elle se rouvrit pour laisser la place à une Mademoiselle Lundi enveloppée dans un gros manteau en poil d’orignal. Elle descendit les marches d’un saut et se faufila dans la rue. Monsieur Dimanche et Pervenche, d’abord interdits, se précipitèrent à sa suite. Monsieur Dimanche, fort de sa première expérience, passa le portail sans grande difficulté. Mademoiselle Lundi marchait vite et s’enfonçait peu dans la neige. Le corps léger et svelte de Pervenche lui permettait de la suivre plutôt bien mais Monsieur Dimanche, lui, peinait douloureusement. Il maudissait Pervenche, Mademoiselle Lundi, la neige, les albums photos et les présidents lubriques. Enfin, Mademoiselle Lundi bifurqua et entra dans un café : ‘’Le Chien Sans Tête’’. Elle fila droit à une table près du juke-box et s’assit. L’endroit était chaud comme un restaurant et un immense buste de chien en bronze trônait au milieu du comptoir. La base du cou était tranchée nette et le disque qui restait réfléchissait joliment la lumière des lustres du plafond. Le plafond, justement, était une fresque impressionnante représentant l’arrivée de St Mohammed chez les Cannibales Haïtiens. On voyait distinctement chaque petit morceau de chair du brave saint entre les dents acérées des sauvages. C’était d’une beauté admirable.
Pervenche s’assit devant Mademoiselle Lundi, tournant le dos à la salle et se retourna pour voir arriver Monsieur Dimanche. Celui-ci se tenait dans l’entrée, le bras posé sur le montant et reprenait son souffle. L’air furibond et roulant de gros yeux injectés de sang, il s’assit à côté de Pervenche. Comme ils étaient en public, Pervenche se retint de lui passer la main dans les cheveux.
- On est mieux ici que dehors, n’est-ce pas ? dit Mademoiselle Lundi.
Monsieur Dimanche, qui était passé en quelques minutes d’un enfer glacial à un enfer suffocant, ouvrit la bouche pour lui envoyer une remarque bien sentie mais Pervenche, lui posant la main sur le bras, prit la parole :
- En effet, Mademoiselle Lundi.
Le garçon, un minuscule homme tout rond et blanc comme une paire de fesse, vint poser son nez sur le bord de la table.
- Qu’est-ce qu’ils prendront ? demanda-t-il.
- Ils prendront quelque chose de chaud, Pierre, répondit mademoiselle Lundi.
- Vin chaud, cacao, grog, café, thé, tisane ?
- C’est parfait, Pierre.
Le serveur s’éloigna évitant les coudes qui trainaient à hauteur de son nez d’une façon totalement appropriée à son volume et à sa carrure. Pataudement.
- Alors comme ça vous êtes de ma famille ? dit Mademoiselle Lundi.
- Lui oui, mais pas moi, répondit Pervenche.
- Vous avez dit que vous vous appelez Dimanche, c’est ça ?
- Monsieur Dimanche, en effet, répondit Monsieur Dimanche.
- Ça ne me dit rien du tout.
- Ah, fit Monsieur Dimanche un peu déçu.
- Donc vous êtes qui vous, si vous êtes pas de la famille ? demanda Mademoiselle Lundi en se tournant vers Pervenche.
- Je suis son partenaire, répondit Pervenche, habitué à répondre à se genre de question.
- Donc vous couchez ensemble, dit-elle en se retournant vers Monsieur Dimanche.
Et sans leur laisser le temps de répondre, elle enchaîna :
- Comment m’avez vous trouvé ?
- C’est bien simple, Mademoiselle, je travaille au service des demandes érotiques et j’ai vu votre nom sur une enveloppe. Me souvenant de vielles conversations avec ma défunte mère, j’ai tout de suite fait le rapprochement.
- Ah bon votre mère vous a parlé de moi ?
- Pas précisément, répondit Monsieur Dimanche. Elle a évoqué le nom de Lundi mais vous ne deviez pas être née à l’époque.
- Qu’a-t-elle dit ?
- Oh ! Je ne me souviens pas de grand-chose mais elle parlait de la misère dans laquelle votre famille se trouvait à l’époque et la difficulté à nourrir les six enfants du père Martin.
- Cinq.
- Je vous demande pardon ?
- Cinq enfants, répéta Mademoiselle Lundi.
- Non, six. Six enfants, j’en suis sur.
- Ecoutez, le père Martin comme vous dites était mon grand-père et je n’ai que deux oncles et deux tantes. Ajoutez-y mon père : cinq.
- J’ai pourtant une photo chez moi avec six enfants.
- Une photo ? demanda Mademoiselle Lundi, l’air soudainement très intéressée. Où ça ?
- Chez moi dans un vieil album de famille.
Le garçon revint avec un plateau chargé. Il déposa le vin chaud, le cacao, le grog, le café, le thé et la tisane sur la table.
- Merci, Pierre, dit Mademoiselle Lundi en s’emparant de la tisane.
Pervenche, qui avait repéré la tasse depuis un moment fit la moue et se rabattit sur le thé. Monsieur Dimanche mélangea le vin chaud, le café, le cacao et le grog dans un bol et en bût une grosse lampée.
Monsieur Dimanche sortit un gros billet de son portefeuille et paya les consommations. Les deux hommes raccompagnèrent la jeune fille jusqu’à chez elle. Devant la grille, elle leur serra tout les deux la main.
- Je n’ai pas souvenir que mon père ait perdu un frère ou une sœur, ou alors il n’en a jamais parlé. Ni mes tantes, ni mes oncles, ni mes grands-parents. J’aimerais beaucoup voir cette photo. Si ça ne vous dérange pas bien sur.
- Pas le moins du monde, répondit Monsieur Dimanche. Nous sommes demain Dimanche, venez quand vous voulez, nous serons là. Au 7 de cette même rue.
- À demain donc, dit Mademoiselle Lundi en franchissant le portail.
- À demain, répondirent en chœur Pervenche et Monsieur Dimanche.