Murmures au vent

hel

bout des autres bouts, qui fait suite aux odeurs, qui faisaient suite à Antoine à la bouche cousue, je logerais les bribes à venir là-dessous.

Quand il n'y a plus rien à toucher ni à saisir, il vient alors quelque chose qu'on croit être la fin, mais qui n'est pas encore la fin, quelque chose qui brûle en dedans et qu'on ne sait pas, qu'on ne nous a pas appris ou si peu ou si mal. Il vient quelque chose qui ne s'annonce pas, sur la pointe des pieds qui déjà se colle au plus près tout en nous arrachant le souffle, quelque chose qu'on croit être la mort et qui est juste l'absence.

Antoine n'est plus là, son odeur s'est enfuie dans les roulements de tambour sous la houlette de Madame Simone, noyée sous l'eau, et pourtant la présence d'Antoine vibre encore, peut-être n'a-t-elle jamais été aussi forte, aussi grisante. C'est ce que fait l'absence, elle martèle, elle assène et répète, elle creuse ses sillons, elle imprime au cœur des pulsations qui tiennent de mirages, qui eux-mêmes tiennent de souvenirs qu'on repasse, ressasse, jusqu'à tout redessiner et se maquiller les miettes qui restent. Peut-être même qu'on divague sans savoir, qu'on embellit, qu'on sublime des petits riens en choses plus grandes. L'absence fait ça, elle permet, donne tous les droits et c'est même comme ça qu'elle s'installe, qu'elle s'insinue dans chaque chose pour en avaler le goût et les couleurs, et vous les rendre fades et délavées à côté des chimères qu'elle vous autorise.

Moi je ne savais pas que dans mon ventre, Antoine avait grandi comme ça, jusqu'à se faire une place, puis jusqu'à laisser un trou comme un manque et du vide autour. Je me croyais grande et forte, le cœur bien verrouillé à triple tour, je m'étais laissé frôler Antoine, parce que j'aimais l'idée d'Antoine, sans lui avoir fait de place, sans jamais penser qu'il passerait par mon ventre pour y creuser un trou.

Ça ne partira plus jamais maintenant, Antoine aura laissé quelque chose, quoiqu'il advienne, il y a à cet endroit une place comme une possibilité. Comme quelque chose d'échoué mais qui peut-être aurait pu éclore.

Petit à petit, je me suis mise à chercher Antoine partout, partout n'importe comment.

Dans chaque homme qui n'est pas Antoine, j'y vois un trait, un morceau qui dépasse, et je m'approche plus près, parce qu'il me faut maladivement, obsessionnellement savoir. Il me faut vérifier, frôler encore, du bout des doigts, du bout de la pulpe comme sur le vieux ciré, pas trop loin, mais presque trop près, quand il me vient des hauts le cœur et des nausées, quand il se mélange là les bouts de ma conscience à mes désirs coupables, un sentiment de trahison qui m'arrête juste à temps le geste et la curiosité. Je vomis tout ce qui est Antoine autant que ce qu'il ne l'est pas. J'en suis malade, un peu, j'en suis vide surtout. Il me semble même qu'à force de chauds froids je me sèvre, non pas que j'oublie Antoine, c'est bien tout le contraire, mais j'en fais autre chose.

L'absence est devenue presque commode, Antoine une fable que je récite. Une histoire gommée de ses aspérités, embellie, apprêtée juste ce qu'il faut pour y tanguer. Un dernier cri un peu étouffé mais que je me plais à pousser encore quand l'envie me prend, quand le reste perd trop de ses couleurs. J'ai fait D'Antoine quelque chose comme un petit printemps que j'ai calé au fond de ma poche, une chimère prête à dégainée, à se repasser à tue-tête, avant de la ranger dans sa pochette pour le prochain coup de blues.

Jusqu'à ce qu'Antoine réapparaisse, comme ça sans prévenir.

  • Ton feeling est excellent ! continue de la sorte !

    · Il y a presque 9 ans ·
    W

    marielesmots

  • Ce murmure c'est un cri. Beau. Fort. Oppressant. Comme tes mots.

    · Il y a presque 9 ans ·
    479860267

    erge

    • Merci, merci, je me répète mais c'est précieux tout ça, de savoir comment ça peut ressortir, comme je le ressens et tente de le transmettre.

      · Il y a presque 9 ans ·
      Avat

      hel

  • Superbe Hel ! Les odeurs m'avaient étourdie, me voilà conquise. Ta façon de décrire l'absence est ...magnifique. Moi aussi j'ai hâte de voir Antoine. Faut déjà que j'aille le lire avec sa bouche cousue pour tout remettre dans l'ordre.

    · Il y a presque 9 ans ·
    Ananas

    carouille

    • Merci Carouille, ça me fait plaisir, enfin surtout je suis contente que ça trouve de l'écho comme ça, je me dis chez d'autres femmes (bon j'ai surtout des lectrices héhé) alors je me dis peut-être je touche quelque chose, bien sûr je suis contente pour l'esthétisme qu'on le souligne, parce qu'il symbolise pour moi la force que ça peut avoir peut-être, la portée, mais le juste est important, qu'il y est un fond qui parle chose que j'omettais peut-être, que je suis bavarde ! Bref tous ces mots donnent de l'élan. MERCI

      · Il y a presque 9 ans ·
      Avat

      hel

  • Une suite à la hauteur du précédent chapitre ... très très réussi... ah passion quand tu nous tiens... il est vrai qu'il y a des êtres qui laissent une place prépondérante et indélébile dans notre coeur, une place d'exception... que l'on ne pourra jamais effacer ... enfin Antoine va arriver... bravo Hel pour ta façon d'exprimer les sentiments et les tourments de si belle façon !!

    · Il y a presque 9 ans ·
    W

    marielesmots

    • Merci Marie d'être si encourageante, c'est bien ce que je voulais exprimer, une place et pourtant elle ne fait n'a fait que deviner Antoine, c'est une histoire d'absence et de silences, je vais creuser, essayer, plus autour aussi, bon c'est un peu bordélique car je n'ai pas de plan, je fais au feeling comme ça me vient, possible que je retrie après, réorganise. Mais des gros merci !

      · Il y a presque 9 ans ·
      Avat

      hel

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