Muse-Montagne

muse-montagne

Depuis l’enfance j’ai une fascination pour la mort, un élan qui me poussa dés l’âge de 6 ans à parcourir la nuit épaisse de l’étrange maison de campagne dans laquelle je vivais et qui, je l’appris quelques années plus tard, était construite sur un ancien cimetière…de quoi passer une enfance dorée et paisible…je me dirigeais régulièrement au cours de mes déambulations vers l’imposante commode du salon qui me scrutait, statue miraculeuse dans le clair-obscur. Je lui inventais deux yeux de chat, ses tiroirs se transformaient en de gigantesques bras tendus, m’attirant comme des aimants. J’ouvrais le tiroir à couteaux, m’emparais de l’un d’eux passant et repassant la lame caressante sur mon coeur.

Nulle intention pourtant de m’infliger un quelconque châtiment…la proximité du néant, le sentiment de ma propre disparition me procurait une douce et étrange sensation, je répétais ce rituel, perplexe, nomade, j’inondais la nuit.

Aujourd’hui encore l’insomnie, les lueurs, les bruits et les craquements des ténèbres me taraudent, je n’ai plus de commode, je déteste les meubles, je préfère les espaces vides, les boulevards, les couloirs et les galeries.

C’est dans l’une de ces places arides, une galerie d’art contemporain proche de la Bastille à paris que je rencontrais vers l’âge de 24 ans un énergumène qui devait secrètement me rappeler ma commode.

Quelques cafés plus tard, je devenais « Muse-Montagne ».

L’énergumène tentaculaire, explorateur et spécialiste de trous du cul, faune perdu dans la ville, armé d’humour et d’un appareil à vous fixer l’âme me montre des images glacées: équarrissages, morgues transformées en scène de théâtre ou les cadavres rejouent une dernière scène…je reste perplexe.

Les tiroirs de ma commode d’antan s’ouvrent de nouveau, l’aimant qui m’attire n’est plus de bois mais de chair et de sang, petit, caché derrière une immense paire de lunette ringarde, parle peu, encule et photographie des femmes, nues…l’une d’entre elles, allongée avec un cierge allumé dans l’anus m’a beaucoup fait rire. La transgression est un sujet qui l’obsède …

Le faune veut m’ajouter à son cheptel…

Effrayée par le nombre, la quantité d’individus, d’animaux, morts ou vifs couchés sur la page, révélés, fixés par ses yeux de faune je me décidais pourtant…je guiderai ce dernier vers une cérémonie dont je serai le maître.

Un café et une pâtisserie plus tard je conduis l’énergumène au Père Lachaise.

Je laisse glisser mes vêtements sur la dalle froide d’un mausolée et j’entreprends une "danse" sans trop savoir ce qui me pousse à agir de la sorte…j’entends le bruit du rideau de l’objectif qui prend sa respiration tandis que je m’agite doucement,

"le bon dieu me le pardonne" et puis je descends nue dans la terre, et je pose mes bras en croix sur la dalle d’une tombe en faillite. Le faune a oublié mon trou du cul, le faune est ivre, je suis baptisée « Muse-Montagne ».

Si je me décide un jour à acheter une commode, je lui ferai cadeau de ce nom …

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