Nadir et Yao
lucinda-n-whackblight
Il était nettement plus fort que moi. Mais il semblait se laisser faire. J’en profitais pour lui balancer un coup de pied en plein milieu de sa belle tronche. Nadir ne reprit pas ses esprits tout de suite. J’en profitais pour m’écrouler, épuisé et en fin de compte assez mal en point. Deux côtes fêlés, ce n’est pas rien. Nadir, lui, avait le nez écrasé et la mâchoire déboitée. Son beau sourire de Zorro serait en mode veille pour un bout de temps.La poursuite dans les couloirs de l’hôpital fut semblable à celle d’une bonne série télévisée. Je me retrouvais à courser Nadir jusqu’à la cage d’escalier de secours. Il avait un étage d’avance sur moi. Nous en étions déjà entre le troisième et second palier. Je soufflais comme un phoque et Nadir gueulait que je ne l’aurais pas de sitôt. Je me demandais la raison pour laquelle il me disait cela. « Mais qu’est-ce qui t’a pris de tout péter dans cette chambre de l’hosto ? » En réponse, juste un éclat de rire de taré. Il ne manquait pas d’humour celui-là. Je me mis à rire dans la foulée. « Bon, moi, j’arrête là. J’ai une famille, moi. » Merde, c’est vrai, lui, il est divorcé.Nadir hurla de rage. « Tu crois quoi, que je suis venu ici par hasard ? » Je ne comprenais pas immédiatement la question. Il avait de la famille dans la cité, comme moi. C’est vrai que je ne l’avais pas revu depuis au moins vingt ans. « Ça fait vingt quatre ans qu’on ne s’est pas revu, n’est-ce pas ? » Je n’avais pas fait le décompte. « Oui, et alors ? » Je ne voyais pas où il voulait en venir. « Écoute, moi je me pose. J’en peux plus. » C’est vrai que j’étais un peu enveloppé et plus très jeune. Mais de là à me faire cogiter sur une époque que je refoulais au plus profond de mes gonades. C’était une époque où les nanas je les cannibalisais matin et soir. Depuis, je me suis fait suivre pour ça. Addiction sexuelle. Avec le sida. La thérapie… La rémission ! J’avais échappé au pire.Nous étions sur le parking ouest de l’hôpital. Nadir sprintait du côté de la rue du Commerce. J’allais le perdre dans la foule. J’en avais plein les poumons. « On se retrouve, là où tu sais, seul ! » Et puis, j’espérais qu’il m’avait entendu, qu’il m’avait compris. J’allais venir seul.Déjà certaines familles commençaient à s’insulter devant l’hôpital, côté Sud. L’entrée des émigrés, comme on disait à l’époque. Un parking type hypermarché. Pas un seul arbre. Pas un brin de verdure. Le spleen. Trois ou quatre bancs le long des parois vitrés de l’entrée. Et puis une vingtaine de personnes agitées cherchant des explications. Les petits frères de Nadir en arrivaient à ce retenir les uns les autres pour ne pas se jeter sur les miens qui meuglaient de plus belle. Je m’approchais en traînant un peu. « Calmez-vous ! Nadir s’est barré de l’hôpital. C’est fini. » Je ne sais pas pourquoi j’avais dit que c’était fini. Ça commençait. Car je venais de comprendre ce que Nadir voulait dire concernant les raisons qui l’avaient ramené au bercail.Les parents étaient en larme. Ils étaient largués, complètement dépassés par les évènements. En rejoignant ma chambre, je les croisais. « Je ne sais pas pourquoi Nadir a retourné sa chambre. » Ils voulaient probablement savoir comment nous en étions arrivés là. Mais j’avais trop mal aux côtes pour leur répondre calmement. Et j’en profitais pour m’écrouler une seconde fois.
Merde !!! J'ai lu le 2 avant le 1, mais bon ça confirme. Ce que je dis, c'est que c'est rare de trouver quelqu'un qui parle si bien de cette violence là qui surgit de nulle part parce qu'elle est toujours là, finalement. A bientôt.
· Il y a environ 14 ans ·jones
ON COURT AVEC TOI...
· Il y a environ 14 ans ·sylvie-frey