N'éveillez pas le dormeur

Mireille Roques

Ils sont venus à nous, tout bardés d'éloquence
Et nous ont fait crier Vive la Nation,
Ont salué Le drapeau et glorifié La France,
A qui nous devons tout, à qui nous nous devons.

Il ont parlé d'Honneur, de Patrie, de Médailles;
Ils ont levé le front, ils ont même chanté;
Evoqué les Grands Morts des Grands Champs de Bataille,
Dit que pour la prochaine, il fallait être prêt.

Ils ont serré les mains, flatté les têtes blondes,
Remercié le préfet, le maire et le curé
Et puis, le regard fixe, longtemps salué la tombe
Où un soldat sans nom venait d'être enterré.

On l'avait retrouvé au bord d'une rivière
Dans un coin ignoré, éloigné des sentiers,
Allongé sur un lit tout fleuri de bruyères,
Avec deux trous visibles, encore , sur le côté.

C'était un soldat blond, et de vingt ans à peine,
Qui n'aimait pas la guerre, qui n'aimait que Rimbaud,
Qui avait fui la guerre et ses canons obscènes
Et s'était réfugié au bord de ce ruisseau.

On l'avait oublié dans ce trou de verdure
Et personne, jamais, ne s'était inquiété.
Il était libre enfin, livré  à la Nature,
Il devenait  humus, il devenait forêt.

Mais ils l'ont découvert, ramené en cortège;
L'ont mis dans un cercueil , on dit une homélie,
Puis, au son du clairon, commis le sacrilège
De le nommer Héros, lui qui s'était enfui.Ils sont venus à nous, tout bardés d'éloquence

Et nous ont fait crier Vive la Nation,

On salué Le Drapeau et glorifié La France, 

A qui nous devons tout, à qui nous nous devons


Il ont parlé d'Honneur, de Patrie, de Médailles;

Ils ont levé le front, ils ont même chanté;

Evoqué les Grands Morts des Grands Champs de Bataille,

Dit que pour la prochaine, il fallait être prêt.


Ils ont serré les mains, flatté les têtes blondes,

Remercié le préfet, le maire et le curé

Et puis, le regard fixe, longtemps salué la tombe

Où un soldat sans nom venait d'être enterré.


On l'avait retrouvé au bord d'une rivière 

Dans un coin ignoré, éloigné des sentiers,

Allongé sur un lit tout fleuri de bruyères,

Avec deux trous visibles, encore , sur le côté. 


C'était un soladat blond, et de vingt ans à peine,

Qui n'aimait pas la guerre, qui n'aimait que Rimbaud,

Qui avait fui la guerre et ses canons obscènes

Et s'était réfugié au bord de ce ruisseau. 

Ils sont venus à nous, tout bardés d'éloquence

Ils sont venus à nous, tout bardés d'éloquence                                               Et nous ont fait crier Vive la Nation,
Ont salué Le drapeau et glorifié La France,
A qui nous devons tout, à qui nous nous devons.

Il ont parlé d'Honneur, de Patrie, de Médailles;
Ils ont levé le front, ils ont même chanté;
Evoqué les Grands Morts des Grands Champs de Bataille,
Dit que pour la prochaine, il fallait être prêt.

Ils ont serré les mains, flatté les têtes blondes,
Remercié le préfet, le maire et le curé
Et puis, le regard fixe, longtemps salué la tombe
Où un soldat sans nom venait d'être enterré.

On l'avait retrouvé au bord d'une rivière
Dans un coin ignoré, éloigné des sentiers,
Allongé sur un lit tout fleuri de bruyères,
Avec deux trous visibles, encore , sur le côté.

C'était un soldat blond, et de vingt ans à peine,
Qui n'aimait pas la guerre, qui n'aimait que Rimbaud,
Qui avait fui la guerre et ses canons obscènes
Et s'était réfugié au bord de ce ruisseau.

On l'avait oublié dans ce trou de verdure
Et personne, jamais, ne s'était inquiété.
Il était libre enfin, livré  à la Nature,
Il devenait  humus, il devenait forêt.

Mais ils l'ont découvert, ramené en cortège;
L'ont mis dans un cercueil , on dit une homélie,
Puis, au son du clairon, commis le sacrilège
De le nommer Héros, lui qui s'était enfui.

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