Non édition
Véronique Locart
J’ai acheté et lu un nombre incalculable de livres écrits par des auteurs que j’apprécie. J’ai lu autant d’auteurs qui utilisent des styles différents, qui écrivent sur des thèmes complètement hétéroclites, d’époques différentes.
Je me suis enfin décidé, un jour. Un ordinateur, un logiciel de type Word, une clé usb et je me suis lancé. Me voilà en train d’écrire. J’ai mis en mots et en phrase un rêve qui me berçait lorsque j’avais des difficultés à m’endormir. Ce doux rêve a traversé mes nuits, mes semaines, mes mois, mes années avant de se retrouver écrit noir sur blanc sur l’écran de mon ordinateur. Et bizarrement, je ne l’ai pas terminé. Car, devant mon engouement à écrire, avec l’imagination fertile que je possède, grâce à l’attention que je porte aux personnes qui m’entourent, à leurs comportements, d’autres idées sont venues se greffer dans mon cerveau. Les débuts de nuits avant l’endormissement sont propices à développer mes idées que je mets en phrases le lendemain. A force d’écrire, j’ai réussi à terminer le deuxième, puis le troisième roman. Le premier est toujours en chantier.
Bien sûr, je n’écrits pas de la grande littérature, mais … pourquoi pas ? Tant d’autres auteurs sont édités, achetés et lus grâce à des sujets identiques à ceux que j’écris. Cet espoir n’est pas retombé à ce jour. L’écriture reste un plaisir mêlé à un exutoire. Après une rude journée de travail, à additionner des chiffres, à gérer des dossiers d’assurances, de clients, de fournisseurs, je me repose en écrivant. Je garde à l’esprit que mes écrits ne seront peut-être jamais mis en page, imprimés, édités avec une couverture, un résumé, des dédicaces, et tout le toutim autour d’un livre.
Quand j’ai eu terminé ces deux romans, je me suis fait relire par une amie et je lui ai demandé de rester parfaitement objective. Il lui fallait mettre de côté notre amitié de longue date. Quelques semaines plus tard, elle m’a avoué être fan de l’histoire. Dès les premières pages, elle avait envie de savoir la suite et la fin de l’aventure entre les deux héros. Elle était tellement enjouée de mes bonnes idées, qu’elle a fait lire un de mes deux textes à quelqu’un de sa famille qui ne me connait pas du tout. Il a été friand du roman. Le romantisme, les héros, leurs sentiments, il les a partagés avec mon amie et avec moi. Mon mari et ma belle-famille m’ont encouragé et me soutiennent toujours.
Suite à ce double avis positif et aux encouragements, j’ai essayé de me faire éditer. J’ai d’abord compté sur la renommée de deux grandes maisons d’éditions. J’ai envoyé les deux épreuves complètes par la poste.
Par contre, mon travail rémunéré, qui n’est pas seulement alimentaire, s’intègre à une autre passion qui m’habite, les chiffres par le biais de la comptabilité, de quelques responsabilités liées à l’édition de grand-livre, (pas les mêmes que ceux que j’écrits), éditions de bilans, éditions véritables, celles-ci. Elles sont lues et relues par mes supérieurs hiérarchiques en plus d’un expert-comptable, qui apprécie tout autant mon travail que mon humour.
Deux mois plus tard, l’enthousiasme, que m’ont transmis mon amie et le membre de sa famille, est retombé lorsque les deux maisons d’éditions ont refusé mes écrits, chacune à leur tour en me souhaitant bon courage, n’ayant rien à me reprocher quant à mon écriture. Est-ce une façon polie pour me faire comprendre qu’il vaut mieux que j’arrête l’écriture ? Est-ce véritablement des encouragements pour des écrits potables ? Dois-je insister et persister auprès de celles-ci avec d’autres textes ? Dois-je envoyer mes textes à d’autres maisons d’édition ? Il faut savoir que les maisons d’édition sont submergées par des propositions de textes. Les miens sont tombés au milieu de milliers d’autres, certainement mieux écrits, mieux préparés, avec des sujets plus recherchés.
Je suis têtue. Je suis fière. Je suis coriace. Je suis forte. Je suis ténue.
Des contacts réguliers avec un auteur connu, (lu et apprécié par moi, mon fils et mon amie, mais aussi par d’innombrables autres fans), m’ont permis de me remettre en question et de me recentrer sur l’objet de mon écriture. Le plaisir. L’agréable serait d’être lu et apprécié par quelqu’un du monde de l’édition, ou bien, même critiquée de façon objective afin de recadrer mon écriture.
Un jour, par pur hasard, je découvre un site internet qui permet aux auteurs de tous genres et de tous horizons, de publier leurs textes et de participer à des concours d’écriture. Je me suis fait un plaisir d’écrire pour un de ces concours. A la lecture du texte préparé pour cette occasion, ma sœur et ma collaboratrice m’ont lu et encouragé. Le moral est remonté en flèche. A la fin du concours, je n’ai pas été choisi, mais au moins, je peux enfin publier mes écrits au fur et à mesure de l’apparition de concours auxquels je participe régulièrement. Pour me rassurer, avant un de ces concours, j’ai demandé à la professeure de français de mon fils, qui ne me connait pas, de me lire et de me donner son avis, quel qu’il soit. Ce fut à nouveau positif.
En parallèle, je continue d’écrire mes textes hors concours, de préférence le soir ou bien la nuit. Le soir, aux moments pendant lesquels je me retrouve seule en tête à tête avec mon ordinateur, l’inspiration gagne du terrain. La nuit, lorsque tout est rendu immobile par le crépuscule, lorsque tout est suspendu à cause de la noirceur du ciel, lorsque la ville a pour seule luminosité la clarté de la lune, je suis au mieux de ma forme scribouillarde. Il y a souvent des décalages entre l’inspiration, l’imaginaire fertile et la fatigue quotidienne, le besoin de repos.
Je ne garde pas beaucoup d’espoir quant à l’édition d’un de mes écrits, mais sait-on jamais … il faut se rappeler que beaucoup d’auteurs d’une époque révolue n’ont été reconnus qu’uniquement après leurs morts. C’est encore parfois le cas de nos jours.
Post mortem ou autre, peu importe … un jour peut-être …