Nostalgie

Pourquoi, cette soirée pluvieuse de printemps pareille à celle d'hier et de demain m'inspire-t-elle ces souvenirs désenchantés qu'emporte le vent ?
Pourquoi la gare endormie et désaffectée sous la bruine dense de cette nuit lunaire me fait-elle tout à coup frissonner ?
Les locomotives et les wagons abandonnés dorment là, entourés d'une escadrille de hangars menaçant ruine, des piles de rails, de traverses en bois puant encore la créosote, des montagnes de ballast et de sable. Les herbes folles envahissant les quais.
Il n'y a pas si longtemps, je prenais le train ici, tous les jours, aller-retour.
Ma jeunesse…
Je pense trop à vous, les rues, les cafés, la librairie et les jolies filles sur les quais…
Tout le long du trajet, je regardais les maisons et leur intimité qui brillaient de quelques feux, les jardins, les potagers bien soignés, la forêt et le flot boueux d'une rivière…
Toutes ces réminiscences du passé d'une gare vivante et grouillante d'un monde de labeur m'assaillent et me font soudainement angoisser. Depuis la fermeture de la gare, ma promenade est devenue familière...
Elle est devenue comme l'adieu que prend l'exilé de son pays natal …Et j'ai peur.