Nourrir l'Esprit

koya-al-gaad

Il était là, tapis dans les broussailles... Ses deux grands yeux d'un vert profond me transperçaient, brillaient depuis le fond de la masse de bambous... Je marchais, mais seuls ses yeux m'ont forcé à m'arrêter, m'ont stoppé dans cet élan pourtant si grand d'avancer, comme gelée dans les temps d'un esprit aux millénaires... Ces yeux farouches, inquiets, sensibles et impulsifs; brûlant de la jeunesse, pleurant de la vieillesse...         J'ai vu cet être des forêts dans sa cage de bambous, je l'ai vu questionner ma présence et reculer à mon approche. Un être intelligent qui sait bien l'homme assassin. Je n'avais pas de dague, j'ai avancé. Pourquoi, dira-t-on, approcher sans savoir? Je pense ne pouvoir jamais vraiment répondre. J'étais attirée bien plus que la mort ne me préoccupait. J'aurais sûrement été l'une des seules à payer mon idiotie, sans user de violence pour m'échapper.                                                                                           Les nombreuses brindilles et feuilles mortes séchées craquaient sous mes pieds, tandis que je venais doucement près d'une immense pierre plane proche de la tanière, attirant encore plus l'attention du regard... Je le sentais me scruter, m'étudier, et alors que je prenais place sur le rocher il s'approcha, sortant presque de sa cachette, comme s'il lisait en moi. Je vis naître une curiosité qui engloba beaucoup de son inquiétude, et qui apaisa son coeur solitaire. Enfin, il sorti.

C'était une bête majestueuse portant un pelage dont les rois mêmes sont indignes qui cheminait hors du fourré, soulevant l'air dans ses poils vifs à chaque foulée. Un tigre, farouche et fier, qui m'offrait l'honneur de sa présence.                                     Le temps sembla encore plus se suspendre lorsqu'il planta sa vue dégagée dans la mienne... J'y vis tant et tant! Les coups nombreux comme l'on taille le diamant, la profondeur de ces globes de verre façonnés dans les eaux et luisant du vert des montagnes, des monts qui essoufflent les âmes fatiguées.           J'y ai vu de trop, trop de cette âme pudique qui était pourtant rassurée, pourtant apaisée par mon apparente inaction... mais il savait!... Et je ne pouvais pas savoir.                                                   Il parcouru les trois mètres qui nous séparaient avant même que je ne me rende vraiment compte de ce que j'avais violé, et me renversa violemment contre la roche froide. Il se tenait droit, au dessus de moi, sa gueule au dessus de mon visage. La taille de celle-ci me fit comprendre qu'il ne lui faudrait qu'un coup pour me tuer. Dans ces moments, tout homme est respectueux.                                                                                         Par peur réflexe j'avais plaqué mes mains contre la fourrure le l'animal, et malgré le danger évident je ne pu m'empêcher de sentir sous mes doigts les cicatrices qui parsemaient sa peau, dissimulées sous son grand manteau... La question envahi mes yeux, et il la remarqua.
-Oh, je vois. C'est eux. Tu sais, ils ne sont pas de ma famille.
Puis il ferma les yeux.

*Que la mort et l'amour s'unissent, pour guérir les maîtres qui périssent...*

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