Nouvel horizon

petisaintleu

Que ferez-vous le jour du déconfinement ? De mon côté, je compte faire de la prophylaxie en allant déjeuner dans un restaurant chinois. Tant qu'à faire, autant soigner le mal par le mal. Ne comptez pas sur moi pour me rendre dans une de ces gargotes qui ont poussé comme des champignons à la périphérie des centres commerciaux. Je ne me cantonnerai pas à du riz et à des nems préparés par des Vietnamiens dans des arrière-boutiques aseptisées  J'irai directement à Belleville, là où subsiste encore la tradition de cracher au sol des glaires tuberculeuses.

Et ne vous inquiétez pas. Il y a une spécialité qui ne sera pas en rupture, c'est le canard laqué. Depuis deux mois, ces volailles se reproduisent comme des lapins, bien que les canettes jetées négligemment dans les étangs par des fêtards peu scrupuleux viennent à manquer. Ce ne sont pas des oies blanches et elles s'en donnent à cœur joie pour se fourrer dans les bosquets. Elles se sont déchaînées comme l'hebdomadaire satirique qui n'a jamais craint de se faire déplumer par la censure.

Si on y réfléchit, prendrais-je vraiment un risque ? La ligne 2 est fréquentée annuellement par près de 110 millions de passagers. Je vois alors qu'une solution extrêmement simple : il faut refaire les municipales.

Il me suffira de retourner à Saint-Denis pour y croiser Alain Krivine au marché couvert. Je lui proposerai de constituer une liste maoïste. Le programme, après avoir viré la pasionaria écolo, sera d'être plus vert qu'elle. Dès que nous serons aux manettes de la municipalité, nous imposerons l'usage de la bicyclette pour tous les citoyens.

Je suis lucide. J'ai bien conscience que le Grand Soir, ce n'est pas pour demain matin. Les Gilets jaunes n'ont rien de révolutionnaire. Ils ne sont que l'expression d'un mécontentement petit-bourgeois qui pleure sur son matérialisme passé. Il serait donc compliqué de mettre en place des camps de rééducation. Toutefois, nous pourrions proposer un consensus basé sur la haine des riches. Si la petite reine a ses adeptes dans les quartiers huppés de la capitale, sa pratique est vite décapitée au premier crachin. Ainsi, il est certain que ces nantis continueront à utiliser leur voiture. Il suffira alors d'installer aux carrefours stratégiques des milices populaires qui auront la charge de les arrêter avant de les envoyer en exode dans leur résidence secondaire de l'Île de Ré.

Les appartements libérés permettront de créer des logements communautaires pour rapprocher au mieux les camarades de leur lieu de travail. Une bonne partie des commerces ayant été libérés faute de clients, ils seront réquisitionnés pour fabriquer des costumes Zhongshanes et des robes Cheongsam standardisés dans les ateliers de l'avenue Montaigne.

Les cieux parisiens libérés de la pollution, nous pourrons à l'aube, nos regards tournés vers l'est, rendre hommage à nos frères et honorer le Grand Timonier.

 

–         Monsieur, Monsieur ?

–         Où suis-je ?

–     Vous êtes à l'hôpital Georges Pompidou. Tout va bien Monsieur. Vous avez vaincu cette saloperie. Nous vous avions mis en coma artificiel durant quinze jours pour vous soulager. Rassurez-vous, le cauchemar est terminé.

 

Il me fallut encore trois mois pour être requinqué. Lorsque je pus enfin sortir, je repris ma voiture. J'allai enfin reprendre une vie normale. J'avais à peine roulé deux kilomètres que je fus arrêté par une patrouille. J'avais beau supplier et expliquer que j'avais frôlé la mort, rien n'y fit. Je terminai les quinze derniers kilomètres à pied. Il y a comme un couac…

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