Nuit d’ivresse

Hervé Lénervé

J’étais parti en virée avec des potes.

Je me retrouvais chez un gus avec un tas de mec que je ne connaissais qu'à moitié et encore que du visage ? Ce qui était préoccupant, c'est que j'avais trop bu et trop fumé. J'angoissais de rentrer à la maison dans cet état, because of my wife. Je demandais à un ébouriffé en dreadlocks.

-         Spitt ! T'as pas un truc pour dégriser ?

-         T'inquiète, mon pote ! Tu prends ça et tu seras carré comme un triangle.

Le fortiche en géométrie me filait un cachet minuscule et vu sa taille j'eu la naïveté de le croire anodin. On ne devrait pas se fier aux apparences quand on veut se refixer. Le truc me mit à l'envers et ce ne sont pas les verres de vin que je m'enfilais pour le faire passer qui allaient me remettre les pieds en bas, à l'étrier quoi, moi qui ne sais même pas monter une mule. Il fallait que je trouve un truc pour être clean. Je demandais à un autre abruti pas le même quand même, j'avais encore assez d'esprits pour éviter l'autre spirit.

-         Putain, j'suis cassé ! T'as pas un truc pour faire passer ?

-         Tiens, fume ça ! Ça requinquerait un bahut breton !

-         Tu crois !

-         Si, j'te le dis, du béton breton !

Ce qui est con dans ces soirées, c'est que même incrédule de nature, on est prêt à croire à n'importe quel miracle, débité par n'importe quel maçon, franc du collier ou d'une autre loge, issu de Bretagne ou d'ailleurs.

-         Tu marcheras sur l'eau !

-         Ok ! Je prends !

On prend et non seulement on ne marche pas sur l'eau, mais on ne marche même plus sur la terre. Il n'avait pas tort le gus, si vous n'avez jamais fumé un parpaing, lancez-moi la première-venue, non pas Eve, quand même ! Quant à Pierre, il était parti draguer avec Judas au nouveau marché aux esclaves. J'étais fait comme un rat, déjà que je n'étais pas très beau avant. J'imaginais le visage de ma Tendre quand elle me verrait avec ma gueule de rongeur. Mais quand on est parti dans une putain d'idée, c'est elle qui vous tient par la barbichette.

-         Spitt, machine ! T'a un médoc pour la gueule d'arbre mort ?

-         Prend ça, mais un peu seulement. Fais gaffe c'est du fort !

Le problème, c'est que les « un peu seulement », dans mon état, on ne les entend pas… Je pris tout.

Le croirez-vous, si vous le voulez, je suis rentré chez moi, comme une fleur.

Non ! Vous aviez raison de ne pas le vouloir, n'y de me croire, aussi. La fleur datait des années soixante, elle n'était pas fanée, elle était compostée.

Psitt ! Vous n'auriez pas une femme en trop à me refiler ? Allez ! Soyez sympa ! Je vous promets de ne pas vous la rendre, de la garder contre vent et mariée.

Signaler ce texte