Nuit Noire
Morgane Enselme
Je suis presque trop fatiguée pour écrire, pour encore essayer de justifier tous les sentiments qui m'habitent et ceux qui ne m'animent pas.
Et pourtant je le fais, car si au terme de cette énième journée à me demander quand est-ce que ça finira et que je pourrai enfin être seule avec moi même, je n'ai même pas quelques lignes à produire, à polir pour aiguiser les armes et en faire quelque chose d'un tant soit peu significatif, alors toutes les forces jetées dans cette journée seront perdues.
Je me sens étouffée, et je préfèrerais l'être, voir au moins mon agresseur et savoir qu'il me suffit de retirer ses mains pour être libérée. Mais non, je me débats sans cesse contre un ennemi invisible, invincible. Je suis épuisée mais je veille la nuit, parce que l'air est moins lourd. Et quand il faut, je dors, d'un sommeil sans repos à force de me reposer toujours les mêmes questions.
A défaut de réponse je repense, à ce que j'ai mal fait, à ce que je pourrais faire pour sortir de ce cercle nuisible. Je cherche, secrètement, désespérément, comment en sortir, comment en finir.
C'est donc un délice total d'ouvrir les yeux sur une nouvelle journée dans ces conditions. A tel point que certains jours je reste dans ce lit qui est mon dernier refuge, les volets fermés pour que dame réalité ne vienne pas m'y chercher. Oui, ces jours là je fais grève de la bataille fatale, je refuse de jouer le jeu et de me lancer naïvement dans une nouvelle journée en croyant que je vais y trouver quelque chose de différent. Ces jours là je m'oppose à la comédie, au divertissement du sort et laisse quelqu'un d'autre se débrouiller avec le lot de désagréments qui étaient prévus pour moi ce jour là.
C'est encore pire, car mes démons sont bien plus féconds si j'arrête de faire semblant, ils ont le temps de s'exciter quand je cesse d'exister.
J'ai tellement touché le fond que je lui donne des érections. Je laisse le mal me pénétrer et je me demande si je ne finis pas par y éprouver une forme de plaisir. Oui je me fais prendre jour après jour, sans que personne s'en aperçoive. Devant les gens, devant mes parents, les enfants et la caissière du coin je me livre à des immoralités silencieuses. Sachant que toute forme de moral a quitté les lieux depuis longtemps.
Mais ça ne se voit pas, comme tout ce qui se passe dans l'ombre. Alors en attendant tout le monde me parle et me demande de me soucier de querelles de pucelles effarouchées.
Messieurs pardonnez-moi si c'est un autre dard qui m'emprisonne. Son venin est aussi puissant que vos litiges sont nains et pour tout vous dire, au point où j'en suis, nos ébats sont plus attrayants que vos débats.
Je vous souhaite donc de bonnes nuits et m'en vais tenter de vaincre mon mal dominant.
Très beau texte. Je suis à peu près dans le même état d'esprit en ce moment, je me reconnais dans ces mots. Merci pour cette belle lecture
· Il y a plus de 10 ans ·camishka
Je ne peux pas dire que c'est un plaisir, vu le contexte, mais je peux dire bon courage et tiens bon :)
· Il y a plus de 10 ans ·Morgane Enselme
C'est noir et étonnamment sexuel. J'aime bien.
· Il y a plus de 10 ans ·Nathan Noirh
Un texte profond et noir. On ne comprend pas la protagoniste car elle est dans ses maux, il n'y a pas son passé dont le bonheur et on est plongé dans une magnifique nuit noire.
· Il y a plus de 10 ans ·Je suis d'accord pour dire que vous être faite pour l'écriture. Vos mots et maux touchent.
oriana
Merci grand chat aux yeux bleus
· Il y a plus de 10 ans ·Morgane Enselme
Avec une écriture pareille, je ne vois pas quelle réalité, douloureuse ou pas, pourrait faire le poids!
· Il y a plus de 10 ans ·Ecrivez! Ecrivez!... Votre plus grand tort serait de croire que vous n'êtes pas faite pour cela.
Frédéric Clément
J'ai envie de vous embrasser autant que le père Noël un soir de 25 décembre.
· Il y a plus de 10 ans ·Morgane Enselme
J'en rêvais!
· Il y a plus de 10 ans ·Appelez-moi donc Papy et envoyez-moi votre liste!
HO! HO! (-;
Frédéric Clément