N'y vois plus clair, j'ai le mauvais oeil
Jean Claude Blanc
N'y vois plus clair, j'ai le mauvais œil
Enième dimanche à supporter
Le lourd fardeau de mes années
Parvenant pas à en finir
De mon existence à déplorer
J'exhausse mes derniers soupires
Ces quelques lignes, vous les livre
Gardez les bien en souvenir
Je laisse couler mes flots d'angoisse
En attendant qu'ils me trépassent
Car honnêtement je vous avoue
Que ma vie ne vaut plus un clou
Me tiens les reins et mou des genoux
Bon pour la casse, je creuse mon trou
J'ai bien tenté de me refaire
Mais ma lumière est éphémère
Plus elle pâlit, plus c'est l'enfer
Désespérer à quoi ça sert
Tous les chemins mènent au cimetière
Pourquoi lutter, peine perdue
Le mauvais œil m'est tombé dessus
Pas tiré le bon numéro
Peux que nourrir les asticots
Pour me faire plaindre, pas le dernier
Si vous m'aimez, ayez pitié…
Libre comme l'air, je suis comblé
Autour de moi, que ma maison
Des petits vieux, bien fatigués
Que du silence, à profusion
Soleil de plomb, quelle insolence
Passer mon stress en vacances
M'y persécutent mes démons
Depuis des mois et des années
Je suis atteint par l'anxiété
Cette maladie bonne pour se jeter
Me bourre la gueule de cachets
Même mélangés à du rosée
Comme par magie, ressuscité
M'efforce planquer ma tête de mort
A mes amis et à mes proches
Ne voudrais pas leur porter tort
Tandis que je fais mes valoches
Les délaissant à leur sort
D'ailleurs si je suis pris de tremblote
C'est que mon corps qui se révolte
Veut pas se faire cuire à la broche
Pour vous rendre compte de ma nullité…
Sifflote le soir, « y'a de la joie »
De suite me prends pour Charles Trénet
Même qu'en patois ça rend, extra
N'étant pas né pour être heureux
Pourquoi m'en plaindre, c'était fatal
Si je rumine dans mon pieu
Je trouve ça plutôt normal
C'est ma conscience qu'est prise de râle
63 ans je suis paré
Pour disparaitre en bonne santé
Bien soulagé de mes défaites
Sont pas nombreux, ceux qui me regrettent
Pour prendre la poudre d'escampette
N'ai pas encore la recette
Marre de mes publiques ambitions
Reste de moi, qu'un vieux ronchon
Que l'on oublie, j'en suis fort aise
Comme casse couille, sacré balèze
Putain de blues, qui me coupe la chique
S'agit de le mettre en musique
Pour l'avenir suis prévoyant
Si l'accident est au tournant
J'ai tout prévu, mon testament
Si ça me tue, je m'en repens….
Contrariant ce mois de mai
Où piaillent les chardonnerets
Voilà-t'y pas que je m'éveille
Rêvant à mon prochain sommeil
Comme étourneau, je fais merveille
Sûrement trop chiant, cœur en jachère
Les gentes dames, les exaspère
Je les comprends, ça les dépasse
Gueule d'enterrement, c'est moi la poisse
Mais pas encore choisi mon heure
Pour aller me suspendre ailleurs
C'est plus que temps, rejoindre mon frère
Qui demeure en moi, quand c'est pas clair
Gronde mon envie de me soustraire
Dernière issue, que le suicide
« Ceux qui le disent, le font rarement »
L'affirment sans crainte les intrépides
Pourtant y'a tant de façons de mourir
Soit d'impatience, soit de mauvais sang
J'ai opté pour crever de rire
En tous les cas, n'invite personne
Car si j'y passe à la casserole
Ne veux ni fleurs ni couronnes
Pourvu que mes cendres s'envolent
Près du Bon Dieu, si j'ai du bol
Un brin de Mozart, son Requiem
Quelques vrais potes de Saint Anthème
Eprendre mes restes comme convenu
Près de mon châtaigner chenu
Pas de formules alambiquées
Pour encenser des qualités
Que j'ai jamais pu démontrer
N'étant qu'un simple péquin moyen
Avec la tronche d'un citoyen
Dimanche foiré, sombres pensées
Que j'ai tourné en dérision
Pour me distraire de mon anxiété
Fallut que je trouve la solution
Alors rien de mieux que les rimes en « oir »
Pour évoquer l'humour noir
Le désespoir, le purgatoire
L'amer à boire, un coup de pétard
Sage mortelle attitude
Pour prendre ainsi de l'altitude
Gardant pour vous ma gratitude
M'avoir aimé, mais impuissants
A me défaire de mes tourments
Salissant rien, propre mon âme
Qu'un trou de balle dans mon crâne
Qui me persécute et me damne
Me conduisant droit au néant
Pour d'éternels enchantements
Joueur de flûte, sacré concert
Artiste du genre fou chantant
Instrumentiste suis consentant
Lampant ma mousse dans la bière…
Poète maudit, pas comme il faut
Je voudrais bien faire des heureux
Mais c'est pas marqué rigolo
L'humanité a une peur bleue
De se méprendre, faire le grand saut
Même il suffit de quelques vers
Pour qu'elle s'affole, fasse des prières
Se bouche les yeux, et les oreilles
Tête dans le sable, simple appareil
Laisse qu'apparaitre sa face lunaire
Celle de son cul, qu'a des visières JC Blanc mai 2017 (la mort en farce)
C'est pas gai, mais c'est pas triste non plus, et l'écriture est là... et j'allais dire comme Aurore, un bon recueil de tes meilleurs textes, pourquoi pas s'y mettre? En auto-edition.
· Il y a presque 7 ans ·arthur-roubignolle
Et bien dis donc, moi qui n'arrive à lire les longs textes (des pbms de concentration et les cachets contre les angoisses aussi!!!) là j'ai tout lu fluidement.... Ce texte aurait sa place dans un bon recueil.
· Il y a presque 7 ans ·Aurore Rodi (Ancienne Alice Gauguin)