Obsessions.
mailys
Elle avait les yeux bleus ce matin, elle le sait, oui ! Ils étaient bleus ! Encore ce matin ils étaient bleus ! Inutile de discuter, ils
étaient bleus ! C’est certain ! Elle prendrait la glace
comme témoin si on lui demandait. Bleus. Point. Ils étaient bleus.
Non, pas verts, pas noirs, bleus. Bleus et c’est tout. Bleu et
c’était très bien ainsi ! Un joli Bleu ! De sa grand-mère sans doute. Paternelle. Sa mère a les yeux noirs, son père verts. Elle ils sont bleus, comme sa grand-mère. Paternelle. Pas verts comme son père, mais presque. Pas verts mais presque. En tout cas, pas noirs. C’est sûr.
Mais maintenant…
Le bleu ne ressemble plus trop à du bleu… Mais il n’est pas non
plus vert. Ni noir. Bleu délavé. Qui tire vers le gris. Bleu délavé
qui tire vers le gris. Ca lui va bien aussi. Les yeux bleus-gris.
Elle est jolie de toutes façons. Qu'elle ait les yeux Bleus, ou
gris.
Peut-être que si je ne l'avais pas suivi, on ne lui aurait pas tiré dessus. Et maintenant je me sens bête. Je voulais juste lui parler un peu. La regarder encore. Pas lui faire de mal. Jamais. Je suis mal. J'aurais dû me douter. En
la croisant tous les jours. J'aurais dû me douter. Je voulais juste lui parler un peu. Elle est tellement jolie. Enfin je crois. On ne la voit jamais très bien quand elle est dans la rue. Avec son grand manteau. Et moi je l'ai suivi pour la voir mieux. C'est stupide.
Ces filles c'est quand on paie qu'on les voit mieux. C'est quand on glisse un billet dans leur petite main. Leurs doigts fins qui dégoutent les fantasmes. Un 100 et elle se dévêt de son écharpe. On découvre son menton, les
traits réguliers de son visage. J'aurais jamais pensé. Et l'autre
jour elle n'avait pas mis cette grosse fourrure qui lui cache le nez.
Et j'ai vu ses joues. Roses à cause du froid. En passant elle m'a
regardé, très rapidement, mais j'ai vu ses yeux. Alors j'ai voulu
lui parler, la regarder encore, lui demander son prénom. Et lui dire
qu'elle est jolie. Parce que c'était vrai. Elle était jolie. Encore
plus que d'habitude. Tous les matins elle passe devant moi, ses
talons hauts qui claquent sur le pavé. Et tous les matins je la
regarde depuis la terrasse de mon café. Et tous les matins elle est
belle. Cette fois-ci j'ai vu ses yeux. Ses yeux sans sa grosse
fourrure. Ils sont bleus, très bleus, et très beaux.
Elle m'a regardé et je l'ai suivit. Tant pis pour le reste. Je l'ai suivi pour revoir ses yeux.
Je l'ai suivit et elle accélérait. Sans se retourner. Ses talons claquaient plus fort sur le trottoir. Et plus vite aussi. Alors moi aussi j'ai accéléré. Et mes pas se
collaient aux siens. Aussi vite, aussi forts. J'avais peur, un peu. Suivre comme ça une inconnue. La dévisager et puis la suivre. La poursuivre même. Jusqu'à ce qu'elle se retourne. Mais elle ne se retournait pas. Et moi j'haletais. Je ne connaissais pas son prénom. Alors j'accélérais. Et bientôt je l'ai rattrapée.
C'est à ce moment là qu'elle s'est retournée. Elle s'est retournée et j'ai vu ses yeux. Elle s'est retournée et on lui a tiré dessus. Net. Elle est tombée. Et
moi je suis parti. Sans regarder ses yeux une dernière fois. Elle
s'est retournée, elle est tombée. Je ne voyais plus ses yeux. Ses
yeux bleus.
Ben, vous dansez très bien avec les mots!!!
· Il y a presque 13 ans ·lg0
tu amènes le lecteur ailleurs, presque malgré lui. Il faut être rudement fort pour ça. C'est top !
· Il y a presque 13 ans ·Léo Noël