« Ode à mon frère Cerbère » : énigme et solution

veroniquethery

« Ode à mon frère Cerbère »

Comme le fils de la douce Pasiphaé

J'aime de la chair humaine me délecter !

Venez, si mes flammes crachées vous ne craignez !

Par un ingénieux Corinthien je fus tuée,

Orgueilleux cavalier du frère d'Aréion,

Fils sanglant d'une Gorgone et de Poséidon...

Si tu veux assister à mon triste trépas,

C'est un tableau de Tiepolo que tu admireras.

Si tu n'as pas de plomb dans ton unique tête,

Peut-être peux-tu en rêve effleurer la Bête ?

Nous sommes plurielles pour le père d'Aurélia,

Père de Myrtho, d'Artémis et de Delphica.

Elles sont ce qui nous ressemble le mieux.

Qui suis-je ? Chimère

Les indices :

« Ode à mon frère Cerbère » : Donc, en cherchant les parents de Cerbère, on trouve aussi ceux de notre monstre ! Il s'agit de Typhon et d'Echidna, une créature qu'on désigne parfois sous la périphrase de « mère de tous les monstres ».

J'aime de la chair humaine me délecter ! Notre monstre se nourrit de chair humaine !

Venez, si mes flammes crachées vous ne craignez ! Notre monstre vomit des flammes. Ce n'est pas si fréquent !

Par un ingénieux Corinthien je fus tuée, Donc, créature féminine

Orgueilleux cavalier du frère d'Aréion,

Fils sanglant d'une Gorgone et de Poséidon...

Notre monstre a été tué par un cavalier corinthien qui montait le frère d' Aréion, Fils sanglant d'une Gorgone et de Poséidon. Ce cheval est bien sûr Pégase, le cheval ailé qui naquit de la décapitation de la Gorgone Méduse. Si vous avez vu le film « Le Choc des Titans », vous comprenez que le film contient une erreur : Persée, qui décapita Méduse, ne pouvait chevaucher Pégase, alors que l'étalon ailé n'était pas encore né ! Selon le mythe, Persée pouvait cependant voler grâce aux sandales ailées que le dieu Hermès lui avait prêtées !

Les mythes attribuent parfois la paternité de Pégase au dieu de la mer, Poséidon, qui était souvent associé aux chevaux. Poséidon est donc aussi le père d'Aréion, coursier né de son union avec la déesse Déméter.

Qui est donc cet ingénieux Corinthien (...)Orgueilleux cavalier de Pégase qui tua notre monstre ? Il s'agit du héros Bellérophon. Pourquoi orgueilleux ? Parce que Bellérophon voulut narguer les dieux : il enfourcha Pégase pour monter vers l'Olympe. Furieux, Zeus envoya un taon piquer le cheval ailé qui, sous la souffrance, fit chuter son cavalier. Le pauvre Bellérophon en devint boiteux !

Si tu n'as pas de plomb dans ton unique tête,

Deux indices étaient dissimulés dans ce vers :

- dans ton unique tête : allusion au fait que notre monstre possède plusieurs têtes ! En effet, la Chimère est un être hybride constitué de 3 animaux : une queue de serpent, un buste de lion et deux têtes : celle d'une chèvre et celle d'un lion !

- Si tu n'as pas de plomb dans ton unique tête : pourquoi cette allusion au plomb ? On raconte le plus souvent que Bellérophon tua « facilement » la Chimère : monté sur Pégase et donc à l'abri des flammes crachées par le monstre, il le crible de ses flèches ! Mais, selon une autre version, Chimère fut tuée par une idée ingénieuse du héros (d'où : Par un ingénieux Corinthien je fus tuée,) : il lui enfonça dans la gueule une lance à laquelle il avait attaché une masse de plomb. Lorsque Chimère cracha du feu, elle fit fondre en même temps le métal qui l'étouffa !

Si tu veux assister à mon triste trépas,

C'est un tableau de Tiepolo que tu admireras.

C'est d'ailleurs ce combat qu'a représenté le peintre Giambattista Tiepolo, vers 1723. Un tableau actuellement exposé à Venise, dans le Palais Sandi.

Peut-être peux-tu en rêve effleurer la Bête ? Le vers contenait un indice lexical : qu'est-ce qu'un rêve impossible à réaliser ? Une chimère, bien sûr !

Nous sommes plurielles pour le père d'Aurélia, Père de Myrtho, d'Artémis et de Delphica. Qui est donc ce père ? En fait, par « père », il fallait comprendre « auteur ». Il s'agit du poète français Gérard de Nerval, auteur de ces poèmes (« Aurélia », « Myrtho », d'  « Artémis » et de « Delphica »), qui sont réunis dans un recueil intiulé Chimères (1854). Ici, le mot est bien au pluriel !

Elles sont ce qui nous ressemble le mieux. En fait, il s'agit d'une phrase de Victor Hugo : « Nos chimères sont ce qui nous ressemble le mieux. »(extraite du roman Les Misérables, 3ème partie)

  • Moi qui suis las et bien las, serait intéressé par une paire de sandales ailées taille 42. Merci. Lorsque que quelqu'une nous rafraichie les mythes on remarque que condamner la violence dans les fictions c'est couper sa racine. Merci. J'adore les explications de textes et l'idée du plomb qui fond.

    · Il y a plus de 9 ans ·
    Droopy bogie orig

    koss-ultane

  • Ben voilà.... Kiss Bravo pour ta culture!

    · Il y a plus de 9 ans ·
    One day  one cutie   23 mademoiselle jeanne by davidraphet d957ehy

    vividecateri

Signaler ce texte