Oh mer spectaculaire
Olivier Memling
Oh mer spectaculaire
mer qui a lavé
dans tes joies, dans tes peurs
colères, embruns et douceurs
tous les hommes brisés sur tes rivages
et tant de cadavres évadés de l'Afrique
viens, de tes marées, battre nos passés
dans le rond bruissement des rouleaux déroulés
souviens-toi des vents creusant les eaux
des voilures en triangles
qui gîtent ensemble dans les glissades bleues
des surfeurs rivalisant avec les ailerons
serpentant et sautant plus vite et mieux qu’eux
des doris perdus dans les poudrins
des jonques et pirogues qui interrogent et crient
des pêcheurs mouillés sur les bancs
de leurs chaluts ruisselants
des plate formes pétrolières
dont les forçats ne savent même plus
qu’ils sont sur l’océan
Dans nos orbites éphémères
se nichent des dieux inexistants
auxquels sous les envolées de nuages
tu dresses tes autels de tempête
Tu fais surgir les gouffres en murs d’avalanche
exploser leurs fronts en écumes volcaniques
s’écroulant en tonnerre et ouvrant dans le flot
ces lames répliques qui relancent l’assaut
ces béliers de pierre et d’eau qui depuis des âges
font ces ressacs qui s’acharnent et qui fument
sur les échines bombardées des rochers amers
ne pouvant à jamais narguer mort et poussière
Houle d’avant garde déferlant des cosmos éteints
que font vivre encore les années lumières
pulsées par les sidérurgies planétaires
tu es l’impérissable menacée
absorbant d’abjectes décharges des humains
faisant aller venir dans tes flux et jusants
sur tes rives souillées pour des millénaires
leurs déchets d’emballages et de carburants
et tous leurs détritus irréductibles
parmi lesquels ils baignent allégrement
leur viande et leurs enfants
Mais cible immortelle
qui surmonte ses ravages
tu brasses l’éternité
à grands coups de solstice et d’équinoxe
à grands coups d’ailes d’oiseaux ensanglantés
par les couchants incendiaires
avant qu’un rayon vert aux soirs d’été
ne soit ton instant de laser
et tu caches en tes abîmes un envers de la terre
les faunes préhistoriques
prêtes à relayer notre espèce suicidée
plombée dans tes saveurs
dans le rythme des mondes
berceau, podium et tombeau
tu nous portes et nous sondes
d’algues nourrit nos mots
sous tes soleils et dans tes nuits
tu roules, pleures et clames
et ta pâleur même reluit
tu linges leurs corps de sel enduits
dans tes résilles et tes salives
tu loves leurs âmes harassées
tu t'empares de leur vigueur
et remplaces leurs femmes
en donnant à leurs regards
la force d’être purs dans le miroir des cieux
Très très beau texte, et beau tableau aussi, merci...
· Il y a plus de 14 ans ·Edwige Devillebichot